Béatification des pères Henri Planchat, Ladislas Radigue, Polycarpe Tuffier, Marcellin Rouchouze et Frézal Tardieu, martyrs en 1871
Saint-Sulpice
Le samedi 22 avril 2023, 5 prêtres martyrs en 1871 ont été béatifiés à Paris, en l’église Saint-Sulpice.
Requête de béatification de l’archevêque de Paris
Éminence, l’archidiocèse de Paris demande humblement à Sa Sainteté le Pape François, de bien vouloir inscrire au nombre des bienheureux les vénérables serviteurs de Dieu Henri Planchat, prêtre, martyr, profès de l’Institut des Religieux de Saint-Vincent-de-Paul, Ladislas Radigue et ses compagnons Polycarpe Tuffier, Marcellin Rouchouze, et Frézal Tardieu, tous prêtres, martyrs, profès de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie.
Lettres apostoliques du pape François
Nous, exauçant les vœux de notre Frère Laurent Ulrich, Archevêque métropolitain de Paris, de plusieurs autres Frères dans l’Épiscopat et de plusieurs fidèles, après avoir consulté le Dicastère des Causes des Saints, de par Notre Autorité Apostolique décrétons que les Vénérables Serviteurs de Dieu Henri Planchat, prêtre, profès de la Congrégation des Religieux de Saint-Vincent de Paul, père des pauvres et infatigable évangélisateur, ainsi que Ladislas Radigue et ses trois Compagnons, de la Congrégation des Saints Cœurs de Jésus et Marie, incessants formateurs de la jeunesse et généreux pasteurs des communautés qui leur avaient été confiées, tous réunis dans le témoignage de foi à rendre jusqu’à l’effusion de leur sang, puissent à l’avenir être appelés Bienheureux et soient célébrés chaque année le 26 mai dans les lieux et de la manière établis par le Droit. Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, Amen.
Donné à Rome, au Palais du Latran, le quinze mars en l’An du Seigneur Deux mille vingt-trois, en la onzième année de notre Pontificat.
Pape François
Remerciements au Saint Père de l’archevêque de Paris
Éminence, moi, archevêque de Paris, je vous prie de remercier de tout cœur Sa Sainteté le Pape François, d’avoir déclaré aujourd’hui bienheureux Henri Planchat, Ladislas Radigue, Polycarpe Tuffier, Marcellin Rouchouze et Frézal Tardieu. Avec toute l’Église, notre action de grâce monte vers le Seigneur.
Homélie du cardinal Marcello Semeraro
Une histoire de douleur, qui est une histoire d’espérance
Nous célébrons ce rite à peu près au même moment où, il y a cinquante-deux ans, eut lieu le martyr de nos Bienheureux et, aussi dans le contexte des fêtes pascales, comme ce fut le cas quand ils furent arrêtés : le Jeudi Saint, 6 avril 1871, le Père Mathieu Henri Planchat, de l’Institut de Saint-Vincent de Paul ; le 12 avril suivant, mercredi de Pâques, les Pères Ladislas Radigue, Polycarpe Tuffier, Marcellin Rouchouze et Frézal Tardieu, de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie et de l’Adoration Perpétuelle du Saint-Sacrement. Leur martyre advint ensuite le 26 mai, qui fut un vendredi, jour où la piété chrétienne rappelle chaque semaine la mort du Sauveur !
Dans le contexte de telles coïncidences j’ai réécouté avec vous le magnifique récit des deux disciples qui, dans leur cheminement sur la route d’Emmaüs, furent accostés par Jésus ressuscité et finalement, après l’avoir reconnu à la fraction du pain, s’écrièrent tout joyeux : « notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Ecritures ? » Ce récit fait partie des plus beaux et des plus suggestifs de l’Évangile. Dans son Jésus, Jean Guitton dit que s’il était nécessaire de renoncer à tout l’Évangile pour une seule scène dans lequel il soit entièrement résumé, il retiendrait sans hésiter celle des disciples d’Emmaüs. En même temps, alors que j’écoutais avec vous la proclamation de cette magnifique rencontre pascale, me revenaient en mémoire ces autres paroles évangéliques : « Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements et l’emmenèrent pour le crucifier. En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix » (Mt 27, 31-32). Comme le Cyrénéen, nos martyrs aussi ont porté la croix de Jésus, mais ils ont ensuite été « crucifiés » de telle sorte qu’ils ont vécu personnellement ses paroles : « il fallait que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ! »
Les témoignages rassemblés à l’occasion du procès de Béatification et de Canonisation nous disent comment nos martyrs ont affronté la mort. Seulement quelques brèves citations pour nous renforcer dans l’amour du Christ. Dans la lettre adressée à son frère Eugène le vingt-trois mai, le Bienheureux Planchat écrit : « Nous avons pu nous confesser. Notre sacrifice est fait (…) Je ne suis pas triste, je t’assure : je prie pour tous ; priez pour moi et pour tous les habitants de la prison » (Summ. Docum., p. 666). Dans les premiers jours du même mois le Bienheureux Ladislas Radigue écrit à son Supérieur : « J’ai éprouvé combien le Seigneur est bon et quelle assistance il donne à ceux qu’il éprouve pour la gloire de son nom. J’ai même un peu compris, après l’avoir goûté, le superabundo gaudio in tribulatione de saint Paul » (Ibid., p. 670-671). On pourrait citer des expressions semblables des autres Bienheureux. Nous comprenons ainsi combien nous pouvons leur appliquer, au sens le plus vrai et le plus réel, les paroles de l’Apôtre : « Si nous avons été unis à lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection qui ressemblera à la sienne » (Rm 6, 5).
Dans sa lettre apostolique Salvifici doloris (1984) saint Jean-Paul II a consacré un chapitre à « l’Évangile de la souffrance » : Évangile parce qu’il est écrit par Jésus lui-même « par sa propre souffrance assumée par amour, afin que l’homme « ne périsse pas mais ait la vie éternelle » » (n. 25). Le premier chapitre de cet Évangile – poursuivait-il – est celui qui « est écrit au cours des générations par ceux qui souffrent des persécutions pour le Christ » et ici nous trouvons également les lignes écrites par nos Bienheureux. Il y a donc – ajoutait le Pape – l’autre grand chapitre de cet Évangile, qui est celui qui est écrit par « tous ceux qui souffrent avec le Christ, en unissant leurs souffrances humaines à sa souffrance salvifique ». Et c’est là que nos bienheureux martyrs deviennent pour nous un exemple, un modèle.
Les circonstances dans lesquelles ils furent impliqués et ont été victimes (et évidemment pas eux seulement, mais plusieurs dizaines d’autres personnes massacrées par la folie violente des révolutionnaires) constituent une histoire embrouillée et complexe où se mêlent des instances de toutes sortes, se superposent conditions anciennes et nouvelles, idéologies sociales et sentiment antireligieux, appels à la vérité mais aussi fleuves de mensonges au point de former un mélange qui empoisonne l’homme.
C’est ainsi que l’histoire de ces martyrs devient aussi un avertissement pour aujourd’hui ; dans la perspective chrétienne, elle demeure cependant une histoire d’espérance, parce que (et je cite Benoît XVI, dont la mémoire est encore vive parmi nous) « le bien l’emporte et, si parfois il peut sembler mis en échec par l’abus et la ruse, il continue en réalité d’œuvrer dans le silence et dans la discrétion en portant des fruits à long terme. Tel est le renouveau social chrétien, fondé sur la transformation des consciences, sur la formation morale, sur la prière ; oui, parce que la prière donne la force de croire et de lutter pour le bien même lorsqu’on serait humainement tenté de se décourager et de reculer » (Homélie du 14 juin 2008).
Dans ce « corps » qu’est l’Église, même les histoires de démission, comme celle des deux hommes qui avaient quitté Jérusalem, peuvent se transformer en histoire de mission, ainsi que se conclut notre récit : « ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain ». Et cela ne vaut pas seulement pour eux. Dans le récit évangélique, en effet, demeurent quelques facteurs inconnus intéressants. Le premier regarde le lieu de la rencontre avec le Seigneur, de sorte certains entendent même Emmaüs comme un lieu de l’esprit. Il y a ensuite l’anonymat du disciple qui chemine avec Cléophas, un vide que l’on pourrait combler avec le nom de chacun d’entre nous. Chacun, en effet, comme un lector in fabula, peut se retrouver dans l’histoire évangélique. Dans quelque lieu ou situation que ce soit où nous nous trouvons, nous pouvons entrer dans le récit et accompagner Cléophas ; douter, nous lamenter et enfin, avec lui, reconnaître le Seigneur et nous réjouir de sa présence.
En considérant l’exemple des bienheureux martyrs et confiants dans leur intercession près du trône de l’Agneau, chacun de nous peut prier, en empruntant peut-être les paroles que Jean Sébastien Bach dans une de ses fameuses cantates met dans la bouche des compagnons d’Emmaüs : « Reste avec nous Seigneur Jésus Christ, car le jour baisse. Que ta Parole divine, lumière resplendissante, ne cesse jamais de nous illuminer. Fais que la lumière de ta Parole brille sur nous et nous garde fidèles à toi ». Amen.
Source : causesanti.va.
Lors du Regina Caeli le dimanche 23 avril 2023, le pape François a rendu hommage au 5 nouveaux bienheureux.