Budapest 2007
Programme, table ronde des archevêques, interviews.
Programme
Chaque matin à la basilique Saint-Etienne à Budapest : grand rassemblement de prière, conférences, témoignage sur la mission aujourd’hui. L’après-midi et le soir : ateliers autour d’expériences évangélisatrices et participation aux initiatives missionnaires dans la ville.
Table ronde des archevêques le 22 septembre 2007
Jésus ne leur fait pas des cadeaux : il appelle les hommes ! « Nous ne sommes pas le meilleur produit sur le marché religieux pour attirer les clients. Nous sommes ceux qui disent : « Si tu veux, suis-moi ; et si tu veux me suivre, prends ta croix chaque jour »...
Dossier Paris Notre-Dame
L’hebdomadaire des catholiques à Paris revient sur le congrès à Budapest dans 8 pages spéciales : compte-rendu jour après jour, extraits des interventions, témoignages, reportages...
Article La Croix
La capitale hongroise accueillait la cinquième édition du Congrès international pour la nouvelle évangélisation, du 16 au 22 septembre
« Cela faisait des semaines que j’attendais ce moment. J’espère que quelque chose va se passer, que les gens vont entrer dans les églises. Je voudrais vraiment que tout le monde à Budapest sache que Jésus est vivant ! » Dans l’une des paroisses jésuites de la capitale hongroise, Amalia participait mardi à la veillée de prière animée par la jeune communauté du Chemin-Neuf. L’après-midi, avec des jeunes Hongrois et Français venus en renfort, elle a « annoncé la Bonne Nouvelle » aux passants, dans la rue.
Certains ne jetaient pas même un regard à la phrase des Écritures qu’elle leur tendait. D’autres « disaient non avec leur visage, mais restaient pour discuter ». D’autres s’installaient à la terrasse du « Café Loyola », monté de toutes pièces pour l’occasion. Certains des passants « évangélisés » sont-ils venus à la veillée de prière ? Amalia n’en est pas sûre mais elle distingue des visages nouveaux. Et se dit que ce sera « peut-être pour une autre fois ».
Comme des centaines de ses compatriotes catholiques, la jeune Hongroise a préparé avec ardeur la « Semaine de la mission » organisée par le diocèse de Budapest. La capitale de la Hongrie était – après Vienne en 2003, Paris en 2004, Lisbonne en 2005 et Bruxelles l’an dernier – la cinquième ville à accueillir le Congrès international pour la nouvelle évangélisation (ICNE), initiative lancée en 2000 par le cardinal Jean-Marie Lustiger.
"Beaucoup de nos compatriotes ne connaissent pas le Christ"
Au départ, seules les quatre premières villes s’étaient inscrites. Mais dès la première édition, le cardinal Peter Erdő a souhaité les rejoindre. « Beaucoup de nos compatriotes ne connaissent pas le Christ. Nous avons besoin d’une activité de mission, pas seulement pastorale », résume-t-il, visiblement heureux. « Pour cela, nous avons besoin de l’aide et de l’expérience de grandes villes. Les contextes sont très différents : en Hongrie, la sécularisation a été imposée de l’extérieur, par le régime communiste. Mais les échanges peuvent être fructueux avec les Églises occidentales, qui nous apportent notamment le dynamisme de leurs communautés nouvelles. »
Paroisses et communautés semblent avoir travaillé en étroite collaboration. Les prières du matin, dans l’immense basilique Saint-Étienne, centre névralgique du congrès, ont été animées tour à tour par des franciscains, la communauté de Taizé, l’Emmanuel, les Béatitudes et par les gréco-catholiques de Budapest.
Après une matinée d’enseignements et de témoignages – traduits dans toutes les langues –, l’après-midi était consacré aux ateliers et programmes d’évangélisation, pour lesquels les paroisses devaient faire preuve d’imagination. À l’évidence, elles en ont rivalisé, proposant ici « sport, amusement, conversation à propos de Don Bosco », là une messe avec les Tsiganes, suivie d’un chapelet et d’un bal populaire, là encore une prière « pour la paix et la réconciliation », un spectacle de marionnettes, des concerts, du théâtre de rue, une invitation à « écrire une lettre à Jésus »…
Sous la houlette de la communauté de l’Emmanuel
« Tout ce travail de préparation nous a fait un bien extraordinaire, assure Eva Csillag. Avant, nous ne nous connaissions pas forcément entre paroissiens. Désormais, nous sommes soudés. Et puis nous avons appris qui avait quelle compétence. Notre curé a toujours été derrière nous, mais au fur et à mesure, il s’est de plus en plus engagé. » Plutôt « conservatrice » au départ, sa paroisse s’est formée aux techniques de l’évangélisation, sous la houlette de la communauté de l’Emmanuel, cheville ouvrière des cinq congrès, à côté des diocèses.
Résultat : une « pharmacie de Dieu » a été montée sur le parvis, offrant toutes sortes de boîtes pour autant de « blessures » (jalousie, peur, stress…), ainsi qu’une tente intitulée « Je t’écoute ». Régulièrement, un animateur rappelle au micro que les animations sont proposées par l’Église catholique. « Les gens qui passent sont contents de voir que nous ne sommes pas une secte. Ils nous félicitent de nous montrer », témoigne Eva Csillag.
Au milieu de cette effervescence missionnaire, la journée du mercredi a détonné. Dédiée aux « martyrs » de la foi, elle a pris la forme, à la demande du cardinal Erdő, d’un pèlerinage à Esztergom, siège historique de l’Église hongroise. Représentant du pape, le cardinal Camillo Ruini a célébré la messe dans la basilique où repose le cardinal Jozsef Mind szenty, torturé et emprisonné par le régime communiste.
Un message du pape
En l’absence de matériels de traduction, c’est le latin qui a été choisi. Mitres, grandes orgues, encens et chants grégoriens : les pèlerins ont assisté à une messe très solennelle. « Ce n’est peut-être pas ce que j’aurais choisi », reconnaît Jean-Luc Moens, membre de l’Emmanuel et secrétaire général de l’ICNE. « Cela dit, je ne sais pas si j’aurais dit cela à 30 ans, mais aujourd’hui j’en suis convaincu : c’est l’Esprit Saint qui évangélise. »
Satisfait, il l’était de toute manière : d’abord le pape, dans son message lu par le cardinal Ruini, a « souligné le rôle joué par l’Emmanuel », ensuite, la venue d’évêques étrangers – de Barcelone, de Toronto, d’Australie – aux différents congrès montre son retentissement. « Pourquoi croyez-vous qu’ils viennent ? Cette semaine répond à des questions qu’ils se posent tous », souligne-t-il. D’autres villes ont d’ores et déjà annoncé leur désir de continuer l’expérience de ces congrès d’évangélisation. Et c’est Varsovie qui accueillera le prochain en 2008.
Anne-Bénédicte HOFFNER,
à Budapest
Paru dans La Croix du 24 septembre 2007
L’Église en Hongrie, Octobre 2005
Le cardinal Péter Erdö dévoile le visage de l’Eglise en Hongrie. Entretien avec le nouveau président de la Conférence épiscopale hongroise.
ROME, Lundi 3 octobre 2005 (ZENIT.org) – A l’issue du mandat de président de Mgr Istvan Seregély, l’Assemblée ordinaire de la Conférence épiscopale hongroise s’est réunie du 6 au 8 septembre, et a élu son nouveau président, le cardinal Péter Erdö, archevêque d’Esztergom-Budapest, primat de Hongrie.
A quelques jours de son élection le cardinal Erdö a répondu pour Zenit aux questions de Viktoria Somogyi. Dans cet entretien le cardinal décrit la situation actuelle de l’Eglise dans son pays et les différents défis auxquels elle est confrontée. Nous publions ici la première partie de cet entretien.
Q : Après les années difficiles du totalitarisme et le sacrifice silencieux de nombreux religieux et laïcs, l’Église catholique en Hongrie bénéficie d’une plus grande liberté d’expression et d’évangélisation. Quelles sont les difficultés actuelles et les espoirs pour l’avenir ?
Card. Erdö : Pour pouvoir affronter les difficultés actuelles il faut d’abord réfléchir un peu sur les années difficiles du totalitarisme. A la fin de l’époque socialiste les problèmes les plus graves ne venaient certainement pas d’une persécution ouverte et directe. Bien sûr il existait une certaine répression mais il y avait déjà à cette époque une « déformation » de la société et des mentalités : je pense surtout à ce que l’on a appelé le « communisme goulasch », célèbre durant les dernières années du régime de Janos Kadar. Il a eu pour effet une conversion, même excessive, des personnes à l’individualisme, avec une concentration de l’attention sur le bien-être personnel, quelques fois de manière futile, et l’habitude de raisonner à brève échéance sans penser à un « avenir plus grand », puisqu’il n’y avait plus de grands idéaux.
Cet égoïsme de petite bourgeoisie a beaucoup freiné l’enthousiasme et l’idéalisme de la société. Ce type de « transformation » ou de « déformation » est présent aujourd’hui encore dans la société. On ne se libère pas facilement d’un tel poids, comme des problèmes, par exemple, causés par les limitations juridiques. Dans notre société le nombre d’avortements est encore très élevé et la natalité est la plus basse de toute l’Europe. Nous perdons chaque année 40.000 habitants, ce qui est une perte importante, pour un pays de dix millions de personnes. Il manque donc une vision d’ensemble de l’avenir ; tous les types d’« idéaux » sont absents et c’est aussi la raison pour laquelle la sensibilité à la religion est assez faible.
C’est de ce contexte qu’a émergé notre « liberté institutionnelle », mais l’Etat, pour ce qui est de ses compétences, ne peut, en premier lieu, changer que les conditions institutionnelles. Il faudra peut-être attendre plusieurs décennies avant que ces changements sociaux n’entraînent un changement psychologique et moral : un changement de comportement dans la société. A la grande liberté, au grand changement, certes présents et importants, vient s’opposer le poids encore conséquent de la mentalité générale auquel s’ajoutent les problèmes typiques de l’Occident, caractérisés par un sécularisme profond. Le développement institutionnel a certes été spectaculaire au cours des quinze dernières années surtout en ce qui concerne les écoles, les maisons de retraites, les institutions sociales et de bienfaisances.
Q : Comment l’Eglise fait-elle pour maintenir vivante sa tradition philosophique et morale dans les institutions culturelles – écoles primaires et secondaires, universités, centres de formation – et dans les secteurs de la société plus sensibles à l’accueil et à l’écoute de l’enseignement religieux ?
Card. Erdö : La religion à l’école ne fait pas partie du cursus en Hongrie. Les leçons sont données à l’école mais avec une séparation très nette des autres matières. Cet enseignement touche entre 25 et 30 % des jeunes ; alors qu’en vérité, la présence à la messe du dimanche atteint 10 à 12% des catholiques. Il est clair que l’enseignement de la religion à l’école se trouve dans une « situation missionnaire ». Malheureusement les résultats ne sont pas encourageants : parmi les jeunes qui reçoivent cette éducation, très peu trouvent ensuite le chemin de l’Eglise, de la communauté paroissiale, de la messe du dimanche et des sacrements.
Nous devons donc voir comment améliorer cet enseignement, également au niveau humain, sans toutefois en oublier le contenu. Cette « dépression générale » ne caractérise pas seulement notre société mais l’Occident tout entier où l’absence de notions claires est évidente et où l’on ressent une « déliquescence culturelle » telle que même les croyants ne connaissent pas leur foi en profondeur.
Les jeunes adultes et les adolescents – je fais naturellement référence à ceux qui viennent à l’Eglise –, ont aussi souvent des « choses étranges » dans la tête. Il est donc important que l’enseignement de la religion possède des contenus clairs et puisse présenter toute la richesse de notre foi, pas seulement des points particuliers. L’on ne doit pas se contenter de transmettre les différents sentiments positifs d’humanité, de fraternité ou de religiosité de manière générale, mais il faut transmettre le contenu de la foi.
Q : Il y a en Hongrie une présence importante d’instituts religieux et séculiers ainsi que de congrégations engagées dans différents domaines pastoraux. De quels espaces bénéficient actuellement les nouveaux mouvements ecclésiaux et comment peut-on les approcher ?
Card. Erdö : Il existe – et il existait, naturellement – des mouvements de spiritualité provenant surtout de l’Occident, du monde latin, notamment de France, d’Italie et d’Espagne, relativement actifs. Ceux-ci n’ont toutefois pas le même succès que dans d’autres pays, comme les pays slaves autour de nous, peut-être parce que notre société est plus fatiguée, ou, parce que les gens hésitent plus à s’engager dans les mouvements. De nombreux jeunes ont peur de faire un choix de vie – le mariage au bon moment, un travail, une vocation sacerdotale ou religieuse – et ils ont également peur de l’engagement dans le cadre d’un mouvement. Les mouvements ont donc de nombreux sympathisants mais assez peu de personnes s’engagent vraiment.
Q : Au lendemain des joyeuses images des JMJ de Cologne, auxquelles ont pris part des milliers de jeunes du monde entier, quelle est la relation entre l’Eglise et les jeunes en Hongrie ? De quelle manière s’effectue leur approche de la pratique religieuse et de l’engagement ecclésial ?
Card. Erdö : J’ai déjà répondu en partie dans la question précédente, mais je pourrais ajouter qu’il existe bien sûr, dans chacun de nos diocèses, des sections spécialisées dans le travail avec les jeunes. Il ne s’agit pas d’un travail avant tout culturel mais pastoral : la catéchèse, la pastorale du mariage ou de la préparation au mariage ont un rôle très important. Il existe en outre des groupes de jeunes ainsi que des rencontres diocésaines, régionales et nationales. Je suis heureux de citer, par exemple, la rencontre de Nagymaros qui se distingue depuis des décennies dans le cadre hongrois. Il y a aussi les pèlerinages pour les jeunes qui commencent à devenir un peu à la « mode ».
Les écoles catholiques et, bien sûr, l’université catholique, offrent le cadre institutionnel adapté pour la rencontre et le dialogue avec les jeunes. Toutefois, là aussi, il est nécessaire de réfléchir plus en profondeur que ce que nous avons fait jusqu’à présent, pour accroître l’efficacité de ces rencontres. Combien, parmi nos étudiants, nos élèves trouvent le chemin de la vie religieuse ? Il y a bien sûr des chapelles où l’on célèbre la messe et où se déroulent des fonctions liturgiques et pastorales, dans les universités et les différentes écoles. Mais il n’est pas facile d’en mesurer l’efficacité.
Il faut être optimiste ! Nous devons rencontrer les familles des jeunes pour offrir un nouveau chemin à toute la famille. Il n’est pas facile de trouver les instruments adaptés mais l’on note un grand engagement. Au niveau de la conférence épiscopale, il y a un évêque responsable du travail avec les jeunes et des équipes bien formées à l’organisation de ce type de travail, qui se sont fortement engagées pour les JMJ de Cologne. Ceux qui sont rentrés de Cologne sont remplis d’enthousiasme malgré les difficultés et le manque de confort auxquels ils ont été confrontés. Tous ont été impressionnés par les catéchèses auxquelles ils ont assisté, par la rencontre avec le Saint-Père, la liturgie et également par la cordialité personnelle des Allemands. L’ouverture des croyants d’Allemagne à été une surprise pour nos jeunes.
Q : Dans un contexte européen de sécularisation où les choix « responsables et durables » semblent toujours plus difficiles, le chemin de la vocation est hérissé d’obstacles mais n’en est pas moins fécond et riche grâce à la présence de nouveaux charismes et communautés. Quelle est la situation en Hongrie ?
Card. Erdö : La Hongrie est certes également un pays où manquent les vocations. Ce manque n’est peut-être pas aussi dramatique que dans certains pays occidentaux mais il est assez important, notamment parce que ces cinquante dernières années les vocations religieuses n’étaient pas acceptées. Il n’était pas permis de vivre la vie religieuse.
Pour cette raison, des générations entières de prêtres et de religieux sont absentes ; même si le taux des séminaristes est plus élevé que dans les pays de langue allemande, le taux de prêtres par rapport aux fidèles est plus bas. Par exemple dans notre archidiocèse, nous avons un prêtre pour 6000 fidèles, ce qui est bien plus bas que la moyenne européenne. Les séminaires aussi ont atteint ces dernières années une certaine stabilité pour ce qui est du nombre d’étudiants. On a cherché dernièrement à réformer un peu le système de l’éducation pour renforcer la vocation de ces jeunes titubants qui entrent au séminaire sans avoir pris une décision définitive. Je dois dire en fait qu’il s’agit surtout du problème du fondement anthropologique de ce choix.
Q : Le relativisme conditionne tous les aspects de la vie personnelle, sociale et culturelle. Les conséquences négatives apparaissent clairement, en particulier dans la désagrégation de la « famille » qui, selon le Catéchisme de l’Eglise catholique est une « Eglise domestique », première cellule de la société. Selon votre expérience pastorale et juridique, comment l’Eglise peut-elle enrayer cette tendance ?
Card. Erdö : Notre humble expérience, qui vient du « profond communisme » des années 50 et 60, montre que, même si les grandes solutions institutionnelles peuvent à certains moments sembler spectaculaires et décisives, la vraie force réside dans les communautés plutôt modestes comme la communauté paroissiale, la communauté de plusieurs familles nombreuses qui s’entraident. Cette aide existentielle est certes également économique, mais surtout personnelle et directe, comme dans le cas de l’assistance personnelle aux jeunes mères qui ont de petits enfants et ne réussissent même pas à sortir de l’appartement dans lequel elles vivent. Cette « aide directe » est vraiment précieuse. L’Eglise aussi, malgré les difficultés et l’organisation compliquée due aux nombreux besoins de la société, a parfaitement compris que ce genre de « rapports directs » est plus fort parce qu’il va au-delà des circonstances publiques d’un Etat et d’une société, qui changent souvent. Ces modèles se transmettent psychologiquement aussi aux générations futures.
Je peux raconter mon expérience personnelle. Mes parents avaient une grande famille. Au début des années 50 nous étions six frères à la maison et autour de nous il y avait des familles amies : une dizaine de familles comme la nôtre, dans lesquelles tous étaient catholiques et qui s’aidaient les unes les autres. Très souvent les enfants de ces familles ont eu à leur tour de grandes familles avec de nombreux enfants et j’ai eu la joie de saluer les petits enfants de certaines de ces familles dans notre séminaire.
Q : La Hongrie est caractérisée par une présence pluriconfessionnelle historique qui peut lui valoir d’être considérée comme un kaléidoscope de la nouvelle Europe. Quels sont les résultats de cette expérience séculaire dans la coexistence et le dialogue œcuménique et interreligieux ?
Card. Erdö : Avant tout, la Hongrie est un petit pays, très ouvert à toutes les influences venant de l’étranger. Le pays est très exposé au jeu des pouvoirs du monde et du continent ; ne nous faisons donc pas d’illusions : nous n’allons pas faire de pas décisifs, pour tout le monde, dans ce domaine non plus. Notre expérience est donc une expérience limitée à nos circonstances mais qui peuvent exprimer aussi des valeurs généralement importantes. La tolérance, et surtout l’empathie avec les autres confessions a une grande valeur. « La réconciliation historique » doit être au cœur de toute chose car le passé nous a laissé des blessures profondes. On doit parler de cela sans rancoeur et sans préjugés, en essayant de raconter à nouveau notre histoire commune de manière « réconciliée », en faisant une autocritique mais en restant dans la vérité et la fidélité à la vérité historique afin de pouvoir trouver une base pour un discours commun dans une collaboration féconde dans la société actuelle. Mais la Hongrie est un lieu qui se prête assurément beaucoup au dialogue, aussi bien avec les orthodoxes qu’avec les protestants, même si ceux-ci sont moins nombreux, et aussi avec les juifs.
Q : Selon le principe de subsidiarité, mentionné fréquemment dans le magistère social de l’Église, les institutions centrales et les corps intermédiaires doivent collaborer activement en ayant pour but le bien commun. Quels sont, à cet égard, les rapports actuels entre l’État et l’Église en Hongrie ?
Card. Erdö : Premièrement, tous les modèles ont une valeur lorsque dans la société il existe un minimum de politesse. Lorsqu’un Etat est un Etat de droit, il faut naturellement observer les lois. Ce modèle est un modèle qui a montré ses mérites dans le monde occidental et nous combattons pour ce droit de type occidental, pour le fonctionnement de cette nouvelle démocratie. En réalité, dans tous les pays de notre région, il existe de graves problèmes car nous avons dû adopter en très peu de temps des formes institutionnelles, indépendamment de notre réalité sociale. Les formes juridiques et institutionnelles ne sont donc pas des produits organiques de notre réalité sociale mais des « cadeaux » de l’Occident que nous avons acceptés avec joie car nous apprécions les valeurs générales qui sont derrière ces formes démocratiques. Un temps de souffrance plutôt long est bien sûr nécessaire afin que ces formes puissent refléter une réalité vraiment respectueuse de la personne, de la justice, etc.
Par conséquent, subsidiarité oui, mais pas seulement une subsidiarité de pures formes institutionnelles mais une « subsidiarité organique » dans la réalité de la société, ce qui est un travail beaucoup plus long, comme dans le cas du changement dans les rapports de propriété. Le communisme avait exproprié tous les biens de la société et par conséquent, une nouvelle classe est née après le communisme. Mais comment ? Ceci n’est pas clair du tout pour la majorité de la société, au point que certains en sont arrivés à mettre en question ou en doute la légitimité de toutes les grandes propriétés privées nées ces dernières années. Cela est donc aussi un poids moral. Nous devons nous efforcer de comprendre comment la société peut trouver son équilibre, aussi bien moral qu’institutionnel. Les institutions démocratiques occidentales peuvent peut-être nous aider dans cette évolution. Mais il est plus important encore que nous ayons la générosité chrétienne et la confiance dans la providence et dans la miséricorde divine.