Déclaration “Dignitas Infinita" sur la dignité humaine
2 avril 2024
Publiée par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi : « Il existe un cas particulier d’atteinte à la dignité humaine, plus silencieux mais qui gagne beaucoup de terrain. Il a la particularité d’utiliser une conception erronée de la dignité humaine pour la retourner contre la vie elle-même. Cette confusion apparaît au grand jour lorsque l’on parle d’euthanasie. »
Extrait
L’euthanasie et le suicide assisté
51. Il existe un cas particulier d’atteinte à la dignité humaine, plus silencieux mais qui gagne beaucoup de terrain. Il a la particularité d’utiliser une conception erronée de la dignité humaine pour la retourner contre la vie elle-même. Cette confusion, très répandue aujourd’hui, apparaît au grand jour lorsque l’on parle d’euthanasie. Par exemple, les lois qui reconnaissent la possibilité de l’euthanasie ou du suicide assisté sont parfois appelées “lois sur le droit de mourir dans la dignité” (“death with dignity acts”). L’idée que l’euthanasie ou le suicide assisté sont compatibles avec le respect de la dignité de la personne humaine est largement répandue. Face à ce constat, il faut réaffirmer avec force que la souffrance ne fait pas perdre à la personne malade la dignité qui lui est propre de manière intrinsèque et inaliénable, mais qu’elle peut devenir une occasion de renforcer les liens d’appartenance mutuelle et de prendre conscience de la valeur de chaque personne pour l’ensemble de l’humanité.
52. Il est certain que la dignité de la personne malade dans un état critique ou terminal exige de chacun les efforts appropriés et nécessaires pour soulager ses souffrances par des soins palliatifs appropriés et en évitant tout acharnement thérapeutique ou toute intervention disproportionnée. Ces soins répondent au « devoir constant de comprendre les besoins du malade : besoins d’assistance, soulagement de la douleur, besoins émotionnels, affectifs et spirituels ». [1] Mais un tel effort est tout à fait différent, distinct, et même contraire à la décision d’éliminer sa propre vie ou la vie d’autrui sous le poids de la souffrance. La vie humaine, même dans sa condition douloureuse, est porteuse d’une dignité qui doit toujours être respectée, qui ne peut être perdue et dont le respect reste inconditionnel. En effet, il n’y a pas de conditions sans lesquelles la vie humaine cesse d’être digne et peut donc être supprimée : « la vie a la même dignité et la même valeur pour tous : le respect de la vie de l’autre est le même que celui que l’on doit à sa propre existence ». [2] Aider la personne suicidaire à mettre fin à ses jours est donc une atteinte objective à la dignité de la personne qui le demande, même s’il s’agit de réaliser son souhait : « nous devons accompagner les personnes jusqu’à la mort, mais ne pas la provoquer ni favoriser aucune forme de suicide. Je rappelle que le droit aux soins et aux traitements pour tous doit toujours être prioritaire, afin que les plus faibles, notamment les personnes âgées et les malades, ne soient jamais écartés. En effet, la vie est un droit, non la mort, celle-ci doit être accueillie, non administrée. Et ce principe éthique concerne tout le monde, pas seulement les chrétiens ou les croyants ». [3] Comme cela a déjà été dit, la dignité de chaque personne, même faible ou souffrante, implique la dignité de tous.
(...)
L’Église proclame, promeut et garantit la dignité humaine
17. L’Église proclame l’égale dignité de tous les êtres humains, quelles que soient leur condition de vie et leurs qualités. Cette proclamation repose sur une triple conviction qui, à la lumière de la foi chrétienne, confère à la dignité humaine une valeur incommensurable et en renforce les exigences intrinsèques.
Une image indélébile de Dieu
18. Tout d’abord, selon la Révélation, la dignité de l’être humain provient de l’amour de son Créateur, qui a imprimé en lui les traits indélébiles de son image (cf. Gn 1,26), l’appelant à le connaître, à l’aimer et à vivre dans une relation d’alliance avec Dieu et dans la fraternité, la justice et la paix avec tous les autres hommes et femmes. Dans cette vision, la dignité ne se réfère pas seulement à l’âme, mais à la personne en tant qu’unité indivisible, et est donc également inhérente à son corps, qui participe à sa manière à l’être de la personne humaine en tant qu’image de Dieu et est également appelé à avoir part à la gloire de l’âme dans la béatitude divine.
Le Christ élève la dignité de l’homme
19. Une deuxième conviction découle du fait que la dignité de la personne humaine s’est révélée dans sa plénitude lorsque le Père a envoyé son Fils qui a assumé dans sa totalité l’existence humaine : « Par le mystère de l’Incarnation, le Fils de Dieu a confirmé la dignité du corps et de l’âme, constitutifs de l’être humain ». [4] Ainsi, en s’unissant en quelque sorte à tout être humain par son incarnation, Jésus-Christ a confirmé que tout être humain possède une dignité inestimable, par le simple fait d’appartenir à la même communauté humaine, et que cette dignité ne peut jamais être perdue. [5] En proclamant que le Royaume de Dieu appartient aux pauvres, aux humbles, aux méprisés, à ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit ; en guérissant toutes sortes de maladies et d’infirmités, même les plus dramatiques comme la lèpre ; en affirmant que ce qu’on fait à ces personnes, c’est à lui qu’on le fait, parce qu’il est présent dans ces personnes, Jésus a apporté la grande nouveauté de la reconnaissance de la dignité de toute personne, et aussi et surtout des personnes qualifiées d’“indignes”. Ce nouveau principe dans l’histoire de l’humanité, selon lequel les êtres humains sont d’autant plus “dignes” de respect et d’amour qu’ils sont plus faibles, plus misérables et plus souffrants, jusqu’à perdre leur “figure” humaine, a changé la face du monde, en donnant naissance à des institutions qui s’occupent des personnes en situation défavorisée : bébés abandonnés, orphelins, personnes âgées laissées seules, malades mentaux, personnes atteintes de maladies incurables ou de graves malformations, personnes vivant dans la rue.
Une vocation à la plénitude de la dignité
20. La troisième conviction concerne la destinée finale de l’être humain : après la création et l’incarnation, la résurrection du Christ nous révèle un autre aspect de la dignité humaine. En effet, « l’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu », [6] destinée à durer éternellement. Ainsi, « la dignité de la vie n’est pas seulement liée à ses origines, au fait qu’elle vient de Dieu, mais aussi à sa fin, à sa destinée qui est d’être en communion avec Dieu pour le connaître et l’aimer. C’est à la lumière de cette vérité que saint Irénée précise et complète son exaltation de l’homme : la “gloire de Dieu” est bien “l’homme vivant”, mais “la vie de l’homme est la vision de Dieu” ». [7]
21. Par conséquent, l’Église croit et affirme que tous les êtres humains, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu et recréés [8] dans le Fils fait homme, crucifié et ressuscité, sont appelés à grandir sous l’action de l’Esprit Saint pour refléter la gloire du Père, dans cette même image, participant à la vie éternelle (cf. Jn 10, 15-16. 17, 22-24 ; 2 Co 3, 18 ; Ep 1, 3-14). En effet, « la Révélation […] dévoile dans toute son ampleur la dignité de la personne humaine ». [9]
(...)
– Lire la déclaration sur le site du Vatican
[1] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Samaritanus bonus (14 juillet 2020), V, n. 4 : AAS 112 (2020), 925.
[2] Cf. Ibidem, V, n. 1 : AAS 112 (2020), 919.
[3] François, Audience générale (9 février 2022) : L’Osservatore Romano (9 febbraio 2022), 3.
[4] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction Dignitas Personae (8 septembre 2008), n. 7 : AAS 100 (2008), 863. Cf. aussi saint Irénée de Lyon, Adv. Haer. V, 16, 2 : PG 7, 1167-1168.
[5] Puisque « par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 22 : AAS 58 (1966), 1042), la dignité de tout être humain nous est révélée par le Christ dans sa plénitude.
[6] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 19 : AAS 58 (1966), 1038.
[7] Saint Jean-Paul II, Lett. enc. Evangelium vitae (25 mars 1995), n. 38 : AAS 87 (1995), 443, citant saint Irénée de Lyon, Adv. Haer. IV, 20,7 : PG 7, 1037-1038.
[8] Le Christ a en effet donné aux baptisés une nouvelle dignité, celle de « fils de Dieu » : cf. Catéchisme de l’Église Catholique, nn. 1213, 1265, 1270, 1279.
[9] Conc. Œcum. Vat. II, Décl. Dignitatis humanae (7 décembre 1965), n. 9 : AAS 58 (1966), 935.