Déjà soixante-quinze ans pour Mgr Pollien

Paris Notre-Dame du 27 septembre 2012

Fêtant ses 75 ans le 22 août dernier, Mgr Michel Pollien a présenté au pape sa démission de sa charge d’évêque auxiliaire. À l’approche de la messe en son honneur présidée par Mgr André Vingt-Trois le 29 septembre, à 18h30, à N.-D. de Paris, Paris Notre-Dame a interrogé sur son parcours l’évêque auxiliaire, ainsi que des prêtres proches de lui. ● Par Ariane Rollier

Séance de travail avec une équipe de liaison lors de la marche de l’Évangile (octobre 1992).
© Emmanuel Ortiz

Paris Notre-Dame : Vous avez été pendant de nombreuses années vicaire général, puis évêque. Que dire de cette expérience ?

Mgr Michel Pollien – J’ai été nommé vicaire général en 1987, et ordonné évêque le 11 octobre 1996. Les évêques auxiliaires apportent à l’archevêque leur disponibilité pour qu’il puisse démultiplier sa charge à travers eux. C’est vraiment ce que j’ai vécu avec le cardinal Lustiger – qui, à travers nous, se rendait plus proche des prêtres et des communautés – puis avec le cardinal Vingt-Trois.

Quels sujets vous ont le plus plu ?

Mgr M. P. – Je dois reconnaître que les missions qu’ils m’ont confiées m’ont comblé de joie. Ma joie sacerdotale a été de partager l’existence des baptisés et de vivre la mission avec eux. Car je suis convaincu que les laïcs sont les premiers : le peuple de Dieu est d’abord constitué par les baptisés. Nous devons être à leur service. Nous n’avons pas besoin de ministres ordonnés si nous n’avons pas un peuple qui a besoin de vivre les sacrements. J’ai été heureux d’être à son service.

Pouvez-vous dire quelques mots sur votre relation avec le cardinal Lustiger ?

Mgr M. P. – Nous avions un respect mutuel l’un pour l’autre. Un jour, il m’a fait confiance. Je crois qu’il avait dû sentir à la fois mon énergie au niveau apostolique et la force de mes convictions. Il n’a pas toujours compris ce que je faisais, mais m’a laissé vivre ce que j’étais. Inversement, il avait à mes yeux une telle perspicacité sur les choses, que même si je n’étais pas obligatoirement d’accord avec tout, je ne pouvais qu’apprécier son charisme et sa vision.

Nombre de prêtres semblent dire que vous leur avez mis le pied à l’étrier. Comment cela s’est-il passé ?

Mgr M. P. – Ma vie épiscopale m’a effectivement amené à suivre des séminaristes. Je leur faisais découvrir une partie des réalités diocésaines, à savoir ce que vivait l’Église dans l’est de Paris. J’ai ainsi noué des liens chaleureux avec certains. En tant que vicaire général, je n’ai jamais considéré mon statut comme simplement hiérarchique, mais ai toujours vécu mes responsabilités de façon fraternelle, de sorte que j’étais attentif à ce que les prêtres vivent bien leur ministère.

Vous avez toujours été parisien. Qu’est-ce que vous aimez dans cette ville ?

Mgr M. P. – J’aime particulièrement les quartiers de mon enfance. J’ai aimé cette vie comme gamin de quartier, dans le 15e. Ma mère était concierge, donc j’ai plus vécu dans la cour et sur le trottoir que dans la loge. Cela a sans doute conditionné ma façon d’être. Et puis, j’ai beaucoup aimé les milieux populaires, avec des chrétiens de très grande valeur, qui vivaient une foi engagée. J’étais particulièrement heureux d’accompagner leurs engagements apostoliques, à travers des associations comme la JOC ou l’ACO.

Avez-vous un regret ?

Mgr M. P. – On peut toujours mieux faire. J’ai eu le sentiment d’une hyper vitesse dans ma vie. Je regrette aujourd’hui de ne pas avoir eu ces temps de relecture de l’existence, que je conseille de prendre aux prêtres que je vois.

Vous passez un cap. Comment l’appréhendez-vous ?

Mgr M. P. – A un moment donné de sa vie, il faut se rendre disponible à la volonté de Dieu pour prendre un autre cap. Petit à petit, j’ai appris à me dépouiller des responsabilités qui étaient les miennes. Il y a des moments de vertige, car mon existence s’est déployée là-dedans. Par ailleurs, je dois apprendre à assumer ma maladie, avec la dépendance : je ne peux plus faire ce que je veux faire comme je le voudrais. Mais j’ai le projet de consacrer le matin à la prière et l’après-midi à l’accueil. Il est extrêmement important pour moi de rester disponible. Je serai retraité, mais pas à la retraite. Je souhaite mettre le recul et l’expérience dont je bénéficie au service des prêtres et laïcs. Je leur dis :« venez me voir, la table est ouverte ».

Encore un mot ?

Mgr M. P. – Lors de mon ordination épiscopale, j’ai dû dire un petit mot à la fin de la cérémonie. J’ai dit : « je vous aime tous ». Aujourd’hui, j’en mesure toute la vérité. • Propos recueillis par Ariane Rollier

Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris

« En peu de mots, il est difficile d’exprimer à Mgr Pollien la reconnaissance du diocèse, tellement sa vie sacerdotale a été riche en missions diverses. […] Pour le cardinal Lustiger, comme pour moi-même depuis sept ans, il a été un soutien précieux dans le gouvernement du diocèse. Depuis quelques années, il consacrait son ministère à l’accompagnement des prêtres âgés et malades. Ils savent avec quelle délicatesse. » • Extrait de la lettre adressée aux prêtres et diacres de Paris, le 1er septembre.

P. Hervé Géniteau, curé de St-Jean-Baptiste de Grenelle (15e)

« Pour moi, Michel Pollien, même s’il est évêque, est un peu comme un grand frère ou un père dans le sacerdoce. Il a toujours été extrêmement attentif lorsque j’étais jeune prêtre. Jeune curé, il m’a ainsi appris à prendre de la hauteur, en m’encourageant à tenir bon alors que j’étais complètement noyé sous les dossiers. Aujourd’hui, beaucoup de personnes continuent à venir le voir. Ce qui me frappe beaucoup aussi, c’est la façon dont il vit sa maladie : il garde une vraie joie intérieure, dont je suis admiratif. »

P. Olivier Ribadeau Dumas, secrétaire général adjoint de la CEF

« Michel Pollien est quelqu’un qui a une grande simplicité et beaucoup d’humour. En même temps, il vit avec la conscience de sa responsabilité d’être évêque. C’est avant tout quelqu’un qui fait confiance aux personnes. C’est un vrai pasteur. Il m’a beaucoup poussé lorsque j’étais jeune prêtre et je lui suis très reconnaissant pour ces années fondatrices de mon ministère. De façon synthétique, il m’a finalement appris qu’il “suffit d’aimer les gens”, chose très palpable chez lui. »

P. Jérémy Rigaux, vicaire à St-Ambroise (11e)

« C’est à Lourdes, lors d’un pèlerinage diocésain que j’ai rencontré Mgr Pollien. J’étais tout jeune séminariste, et j’ai été impressionné par sa simplicité : il était à l’aise avec tout le monde, aussi bien avec les malades, les paroissiens de l’est parisien que les jeunes volontaires de l’ABIIF. Au fur et à mesure des années, nous nous sommes liés d’amitié, comme un petit-fils et un grand-père. C’est pour moi un modèle de bonté et j’aime son style : très libre, plein d’humour, et attentif aux plus pauvres. Je voudrai être un prêtre comme lui ! »

Mgr Antoine Hérouard, secrétaire général de la CEF

« Si Michel Pollien est un homme modeste, je pense qu’il a beaucoup apporté au diocèse par son regard sur les personnes et son jugement sur les situations. C’est également un homme très attachant, qui a su nouer des amitiés fortes. Sa foi se vit avant tout pour lui dans les relations humaines. Un souvenir qui m’a marqué est l’attention qu’il portait aux enfants autistes qui se préparaient à la confirmation à St-Léon (15e). Il a cette capacité à manifester l’amour de Dieu pour les petits. »

Mgr Michel Pollien

75e anniversaire et démission