Dossier Prier “Transmettre autrement”

Léguer, un acte spirituel

Par Armelle Favre

On parle souvent du testament comme d’un acte juridique, froidement administratif, une démarche associée à la mort, à la séparation, au vide. Pour ceux qui prennent le temps d’y réfléchir, il s’agit cependant – et peut-être avant tout – d’un geste intime, porteur de sens. Et lorsqu’il s’oriente vers une cause ou une œuvre pour le bien commun, le legs devient bien plus qu’un transfert de patrimoine : il se transforme en un acte spirituel, en une manière de prolonger sa présence, d’inscrire une trace, de semer quelque chose qui germera après soi.

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Martine

78 ans, célibataire, a fait un legs à la Maison Marie-Thérèse

Je suis enfant unique, célibataire et sans enfant : après que mes parents sont tous les deux décédés s’est assez vite posée la question de la disposition de mes biens : à qui pourrait revenir ce que notre famille avait mis de côté durant des décennies et ce que j’avais moi-même gagné ? J’étais soucieuse de l’utilité de cet héritage. Me sont revenus en tête certains souvenirs : toute petite, j’accompagnais ma mère rendre visite à un de ses anciens aumôniers, à la Maison Marie-Thérèse. Il s’agit d’une maison de retraite pour les prêtres et les religieuses. Le cadre était verdoyant. Ce prêtre était devenu un ami de la famille. À l’époque, il avait beaucoup fait pour permettre, aux jeunes filles notamment, de partir en pèlerinage – ce qui ne se faisait pas dans la première moitié du XXe siècle. Il avait notamment permis à ma mère d’aller à Lourdes, et elle lui en est restée éternellement reconnaissante. Une fois âgé, sans famille, il a pu bénéficier d’une place à la Maison Marie-Thérèse, pris en charge par des équipes dévouées. Il m’a semblé tout naturel que mon argent aille ainsi au service de ces prêtres et de ces consacrés qui ont donné leur vie entière pour l’Église et ses brebis. Ces personnes m’ont tant apporté tout au long de mon existence, en particulier les prêtres disponibles pour venir donner les sacrements ! J’ai un rapport très serein avec la mort. Je sais qu’elle arrivera un jour. Une fois le document rédigé chez le notaire, j’ai ressenti un soulagement vis-à-vis de l’avenir. Cette décision a été, pour moi, un immense facteur de tranquillité morale. A.F.

Sabine

70 ans, célibataire et sans enfant, a fait un legs à la Fondation Notre Dame

Nous sommes cinq frères et sœurs et avons déjà tous reçu notre héritage. J’ai 70 ans. J’ai vécu une conversion forte dans les années 1980, qui a changé ma vie et m’a conduite à travailler pour l’Église avec le désir de lui léguer mes biens : mes meubles, mon appartement et une maison de campagne. Je viens d’une famille aisée et j’ai pu protéger mon patrimoine, le faire fructifier. N’ayant pas d’enfant, cela me paraît cohérent de redonner à l’Église tout ce que Dieu m’a offert depuis ma naissance. D’autant que mes neveux et nièces ont ce qu’il faut pour mener une vie confortable. J’ai gardé ce désir dans mon cœur durant des années avant de sauter le pas et de signer mon testament devant un notaire. C’était il y a peu de temps. Je me suis sentie en cohésion totale avec l’idée que je portais. Je pense qu’il faut toujours écouter ses premiers élans. Ce legs à l’Église, je l’ai fait à travers la Fondation Notre Dame, qui finance de très nombreux projets caritatifs et culturels dans cette ville de Paris où je suis née et où j’ai vécu. N’ai-je pas appris à marcher sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame ? J’aurais pu le faire à travers d’autres très belles associations, mais je sais que, depuis le Covid, le diocèse de Paris a perdu de nombreux donateurs. L’Église traverse une période difficile. Il s’agit pour moi d’honorer Dieu, de me placer dans une démarche d’action de grâce de tout ce qu’Il m’a donné. A.F.

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