Et le ciel devient familier

Béatrice Morinière

Et le ciel devient familier, de François et Béatrice Morinière avec Juliette, Paul et Matthieu, Ed. Le Passeur.

Fiche de lecture rédigée par Viviane Tourtet. Pastorale des funérailles du diocèse de Paris. 2022.

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17 juillet 2013 : Béatrice Morinière apprend brutalement la mort accidentelle de sa fille Sophie, l’aînée d’une fratrie de quatre enfants. La nouvelle atteint François, son mari, et les enfants au fil des heures, sidérés. Un drame comme il en existe bien d’autres mais qui s’est déroulé dans un contexte particulier. C’est sur les encouragements de son père que Sophie s’était décidée finalement à partir aux JMJ de Rio ; elle sera la seule victime d’un accident de car en Guyane, transportant vingt-quatre jeunes de la paroisse St Leon, dans le 15ème arrondissement de Paris.
Loin d’être morbide, cet ouvrage rassemblant une série de témoignages familiaux est le reflet des liens d’amour existant entre chaque membre de cette famille croyante et entre Dieu et ses bien-aimés. Un ouvrage qui invite chacun à s’abandonner au Seigneur afin de faire de l’espérance une réalité qui permet d’appréhender la lumière au-delà des ténèbres.
Chaque membre de la famille a accueilli la nouvelle de la mort de Sophie puis traversé ces années de deuil de manière différente, chacun selon son caractère, son expérience, sa sensibilité mais tous sont bien conscients que Sophie du ciel où elle se trouve désormais agit pour eux et ceux qu’elle a aimés sur terre, à la manière de Thérèse de Lisieux.
Cet ouvrage est aussi un beau témoignage de la gratitude que cette famille éprouve à l’égard de tous les hommes de Dieu qui n’ont cessé d’être à ses côtés tout au long de cette terrible épreuve. Les lettres jointes en fin d’ouvrage dont celle du Pape François lui-même éclaireront les lecteurs à ce propos tant elles sont édifiantes.
Cette mort, insoutenable, incompréhensible, injuste est venue joncher le chemin de cette famille, pareille aux pèlerins d’Emmaüs, d’éclats de lumière à travers de belles et inspirantes amitiés nouvelles comme celle au Canada du Père Jacques LaPointe, celle de Christian de Cacqueray, directeur du Service Catholique des Funérailles qui a accompagné la famille lors de l’adieu au visage de Sophie, après le rapatriement du corps depuis la Guyane ou de Christiane Taubira grâce à laquelle le descellement du cercueil à l’arrivée en France fut rendu possible. Parmi ces éclats de lumière la nature canadienne occupe une place de choix, rappelant combien nous faisons partie intégrante de la Création. L’Eglise, en tant que corps de croyants, fut aussi au rendez-vous pour entourer de sa douceur chaque membre de la famille dont les portes se sont ouvertes à tous, à tout moment.
Comment ne pas mentionner la foi, la foi de cette famille et plus particulièrement celle de Sophie qui ne cessait de vivre sa foi dans le service, l’attention au prochain. Cette foi vécue dans les actes faisait l’admiration de ses frères Paul et Matthieu et de sa sœur Juliette. Comme un prolongement, les uns et les autres mettent désormais en pratique certains de ses gestes, prolongement de sa foi.
Les différentes étapes du deuil forment comme un fil conducteur tout au long du livre, depuis la sidération – non, ce n’est pas possible-, la colère – pourquoi elle ? -, le découragement, la honte, puis peu à peu l’espérance, la possibilité d’envisager Sophie au-delà de la souffrance, de lâcher prise pour entrer à nouveau dans le réel, percevoir dans l’intime de son cœur le défunt qui est là mais d’une autre façon et parvenir enfin au consentement, véritable grâce. Fil que vA suivre chacun des membres de la famille Morinière, chacun à son rythme.
Sophie se dégage comme une source d’inspiration, si elle est proche de Dieu et que sa famille est proche d’elle, alors celle-ci se rapproche encore davantage de Dieu et commence à trouver un nouvel équilibre. La vie de sainteté que Sophie menait sur terre devient tout d’un coup comme un phare qui guide et accompagne la fratrie qui, encore une fois comme les pèlerins d’Emmaüs, apprennent à déchiffrer les signes mis sur son chemin et qu’elle ne voyait pas. La foi de Sophie vient inviter chaque membre de la famille à raffermir la sienne, à se mettre au service de l’autre d’une manière ou d’une autre.
Nous pourrions conclure par cette très belle prière du Père Sertillanges : « Par la mort, la famille ne se détruit pas, elle se transforme, une part d’elle va dans l’invisible. On croit que la mort est une absence, quand elle est une présence discrète. On croit qu’elle crée une infinie distance, alors qu’elle supprime toute distance, en ramenant à l’esprit ce qui se localisait dans sa chair (…) Plus il y a d’êtres qui ont quitté le foyer, plus les survivants ont d’attaches célestes. Le ciel n’est plus alors uniquement peuplé d’anges, de saints connus ou inconnus et du Dieu mystérieux. Il devient familier, c’est la maison de famille, la maison en son étage supérieur, si je puis dire, et du haut en bas, le souvenir, les secours, les appels se répondent. »
Et ces pèlerins d’Emmaüs continuent à cheminer, Dieu à leur côté. Et à témoigner de son amour ineffable, infini car Dieu n’abandonne jamais les siens.

L’espérance
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