Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Michel (17e) à l’occasion du centenaire de l’église et de la consécration du nouvel autel

Dimanche 25 mai 2025 - Saint-Michel (17e)

– 6e Dimanche de Pâques — Année C

- Ac 15, 1-2.22-29 ; Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8 ; Ap 21, 10-14.22-23 ; Jn 14, 23-29

Dans ce temps pascal nous lisons beaucoup l’évangile de saint Jean, et nous avons entendu dans les jours et les dimanches qui précèdent beaucoup d’appels de Jésus à l’unité autour de lui, à l’unité de ses disciples. Jésus sait bien que ce qu’il dit : ce qu’il fait, ce qu’il a vécu, ce qu’il continue de vivre avec nous n’est pas facile à accueillir. Et cela creuse dès le début de l’histoire de l’Église, et creusera tout au long de la vie de l’Église, le risque de désunion entre les frères, chacun sentant les choses comme il les sent, et parfois ayant le désir d’avoir raison contre les autres. Mais Jésus recentre sur l’amour du Père et du Fils. Il recentre chacun d’entre nous et l’Église, pour des siècles des siècles, sur cet amour-là qui doit tellement inonder l’Église et les disciples, que les risques de désunion, les risques de diversion, qui sont permanents, puissent être corrigés sans cesse.

Jésus sait très bien que sa personne et son message peuvent à la fois attirer et susciter la contradiction, et il invite à se recentrer sur cet amour et sur sa parole : « Si quelqu’un m’aime il gardera ma parole, et alors nous ferons notre demeure avec mon Père chez lui, et sa vie, sa façon d’accueillir ma parole, portera un fruit et un fruit d’unité. » Bien sûr, Jésus savait cela dès le début et, dès les débuts de l’histoire de l’Église, ce risque encouru se met en œuvre. On voit, dans les Actes des apôtres, un certain nombre de scènes, dont celle d’aujourd’hui, qui manifestent ce risque de division à l’intérieur-même des disciples, des premiers disciples, des premiers chrétiens. Ici nous sommes à Antioche et il y a des mauvais frères, d’une certaine façon, qui introduisent le soupçon et qui disent : « On ne peut pas devenir chrétien si on n’est pas d’abord passé par le Judaïsme. » Et ils font comprendre que les nouveaux chrétiens qui croient être affranchis de la loi juive font fausse route. Alors il faut que Paul et Barnabé son compagnon rentrent à Jérusalem et interrogent les apôtres. C’est le Saint-Esprit lui-même qui inspire cette démarche à Paul et Barnabé. Et c’est le Saint-Esprit lui-même, d’après le récit que nous venons d’entendre, qui inspire l’Église de Jérusalem de se réunir dans la prière, dans la prière à l’Esprit-Saint, et de chercher à découvrir comment on pourrait faire comprendre à ceux qui cherchent la division qu’il faut vivre l’unité autour de la Parole de Dieu et autour du Christ. C’est ce qui se passe et, ayant prié le Saint-Esprit, les disciples se réunissent et disent ce qu’il faut faire : non pas passer par toutes les règles du Judaïsme, mais se tenir dans une vie droite qui est capable de manifester l’amour qu’on a pour le Christ, s’abstenir de certaines pratiques païennes et être fidèles à la Parole et à ce que l’Esprit nous a inspiré, à nous, dans la prière.

Voilà la deuxième chose : appeler l’Esprit-Saint, le prier pour vivre l’unité de l’Église, dans la tradition de l’Église cela s’appelle un concile, concile qui a été vécu de nombreuses fois à travers l’histoire de l’Église, conciles généraux, conciles universels, conciles œcuméniques, mais aussi conciles locaux, conciles provinciaux. Et, simplement pour faire parenthèse, vous le savez, dans la Province de Paris, nous nous préparons à vivre un concile l’année prochaine sur l’accueil des catéchumènes et des néophytes dans nos églises.

L’amour de Dieu le Père, l’unité du visage du Christ, le don qu’il fait de lui-même créent l’unité parmi les disciples. Le concile est le lieu où des chrétiens, responsables et autres, se rassemblent pour chercher, grâce à l’Esprit-Saint, la voie que le Seigneur nous enseigne pour garder l’unité.

Et puis, dans l’Apocalypse, nous avons vu la ville, la Jérusalem céleste, qui descend du ciel d’auprès de Dieu : ses fondations, ce sont les douze apôtres. C’est la troisième caractéristique : quand on veut chercher l’unité dans l’Église, on se fonde sur l’unité du corps des apôtres, les douze, ceux que Jésus a choisis. Et grâce à eux se développe cet esprit d’unité. C’est ce que nous devons chercher sans arrêt lorsque, dans une Église particulière, dans une paroisse, il y a des risques de désunion : revenir à la Parole de Dieu, revenir à la prière à l’Esprit-Saint et tenir bon dans l’unité de l’Église autour des apôtres.

Eh bien ! Il se trouve que l’autel qui est ici est le signe de tout cela. Si nous attachons tant d’importance à la consécration d’un autel nouveau, c’est parce que nous savons qu’il est fait pour être, dans l’église, le signe de ralliement, le signe de l’unité, le signe de la force du Christ qui s’enracine et sur laquelle nous pouvons nous poser, le signe de l’unité du Corps du Christ que nous formons. Nos regards convergent vers le nouvel autel, nos regards convergent vers cet autel qui est signe du Christ, un seul, unique, et voulant l’unité de son peuple pour l’annonce de la Bonne Nouvelle, pour l’annonce du témoignage chrétien, pour l’annonce du témoignage de la vie en Christ, qui transforme le monde, qui le change peu à peu, puisque la Parole de Dieu s’adresse à nos cœurs pour que nous nous laissions changer, puisque l’Esprit du Christ habite en nos cœurs pour que nous suivions une voie nouvelle qui est une voie, un témoignage unique, un témoignage vécu ensemble, un témoignage fort donné par l’accueil de l’Évangile, donné par les sacrements que nous célébrerons sur cet autel.

Ce temps pascal est vraiment un moment béni pour consacrer un autel et pour se dire : « Nous venons à la source du Christ, chercher l’unité du peuple de Dieu qui donnera, grâce au Christ, grâce à sa Parole, grâce à ses sacrements, par sa présence au milieu de nous, le véritable témoignage qu’il attend de nous auprès de nos frères et de nos sœurs, des habitants d’un quartier, des gens avec lesquels nous vivons, de nos familles et dans toutes les occasions que nous avons de donner témoignage. »

Alors nous allons, comme vous le savez puisque vous l’avez déjà vu de façon grandiose pour la consécration de l’autel de Notre-Dame, refaire les mêmes gestes. D’abord prier avec tous les saints, en introduisant les reliques, celles de saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal qui sont chers au cœur de beaucoup, et au mien en particulier. Mais en chantant aussi les litanies des saints, l’appel à tous les saints de l’histoire de l’Église, à tous ceux que nous aimons et dont nous savons qu’ils ont été des témoins pour annoncer l’Évangile et pour vivre l’unité de l’Église comme un signe formidable de la vérité de la Parole de Dieu. Puis la grande prière sur cet autel pour qu’il soit consacré. L’huile sainte, le Saint Chrême répandu sur l’autel pour qu’il soit réellement oint comme le Christ est et a reçu l’onction de son Père. Et puis la vêture, nous le revêtirons de la nappe blanche ; et l’encens qui le magnifie ; et enfin la lumière posée sur l’autel, ou à côté, pour l’éclairer et pour manifester que l’autel est un signe de la lumière. L’autel est un signe de la lumière qui est le Christ.

Nous allons prendre soin de cet autel en le consacrant et, quand vous reviendrez ici après avoir célébré l’eucharistie pour la première fois sur cet autel aujourd’hui, vous tournerez vos regards vers lui, puisque vous avez souhaité que cet autel indique aussi, par les ailes déployées, la façon dont l’archange vient auprès des hommes tenir la place de celui qui annonce la Bonne Nouvelle. Il nous fait regarder les cieux, il nous fait garder les pieds sur la terre parce que l’autel est bien posé solidement, comme le Christ au milieu de nous. Il vient ouvrir nos regards vers le Seigneur et porter témoignage de vie, d’unité et de paix à tous.

Que ce soit notre vœu le plus profond aujourd’hui alors que nous sommes autour de cet autel. Que le Seigneur vous bénisse tous et qu’il veuille bien bénir ce que nous allons faire maintenant.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris