Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de Pentecôte à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 5 juin 2022 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

– Pentecôte - Année C

- Ac 2,1-11 ; Ps 103,1.24.29-31.34 ; Rm 8,8-17 ; Jn 14,15-16.23b-26
D’après transcription

Nous entendons cette première parole de Jésus dans l’évangile : si vous m’aimez, vous respecterez, vous accepterez, vous vivrez selon mes commandements. Fort bien disons-nous ! C’est beau, nous voulons effectivement manifester au Seigneur notre amour en réponse au sien et nous voulons suivre ce qu’il nous enseigne. Mais la phrase suivante dit, ou laisse entendre, que ce n’est pas si facile que cela, puisque le Seigneur nous promet d’envoyer un défenseur, quelqu’un qui nous fera souvenir de tout ce qu’il nous a dit, comme si nous étions capables de l’oublier, quelqu’un qui nous permettra de suivre ses commandements comme s’ils étaient plus difficiles à vivre que ce que nous croyons spontanément, dans notre générosité à vouloir aimer le Christ, à vouloir lui ressembler, à vouloir vivre comme lui et avec lui.

Si Jésus parle de l’Esprit comme d’un défenseur, c’est-à-dire comme celui qui nous permettra de nous défendre de nous-mêmes, mais aussi de nous soutenir quand nous essayons de témoigner de Lui, c’est que nous comprenons bien, nous savons, qu’il n’est pas si facile que cela de témoigner de Lui dans tous les âges, à toutes les époques, dans toutes les cultures. Le Seigneur nous en prévient. Nous désirons le suivre mais nous savons qu’il y a tant d’obstacles sur le chemin qu’il est bien besoin de ce défenseur qu’il nous présente aujourd’hui comme le don de lui-même et de son Père pour nous faire tenir bon.

L’apôtre Paul nous le dit d’une autre façon encore, lorsqu’il évoque l’esprit de peur qui pourrait s’emparer de nous devant les difficultés à être fidèle, devant les difficultés à être un témoin permanent de l’amour de Dieu, du don du Christ, de sa passion, de sa mort et de sa résurrection, dans toutes les époques, dans tous les moments de l’histoire, dans toutes les cultures, avec toutes les langues de la Terre. Nous faisons l’expérience qu’il n’est pas toujours bien accueilli ce message de l’amour de Dieu, ce message du don de la paix, du don du service, du don de l’amour qui se donne. Nous n’avons pas reçu un esprit de peur, nous n’avons pas reçu un esprit d’esclaves qui ont peur, qui sont enfermés sur eux-mêmes, comme ont pu l’être les disciples dans les premiers jours qui ont suivi la résurrection de Jésus. Ils n’osaient pas se montrer, ils n’osaient pas sortir, ils savaient qu’ils étaient les disciples d’un homme que l’on venait de condamner à mort, et quand ils expliquaient qu’il est vivant, ils avaient l’impression de ne pas être compris, pas être entendus, pas être accueillis ni écoutés.

Nous avons une explication supplémentaire dans le livre des Actes des Apôtres. Dans le passage que nous venons d’entendre, c’est l’énumération de tous ceux qui sont présents au jour de Pentecôte, à Jérusalem, toutes ces langues, toutes ces cultures. On nous dit d’abord que ce sont des juifs venus de tous les pays du Bassin Méditerranéen, et on les énumère, et à la fin de la lecture on entend que ce ne sont pas seulement des juifs mais ce sont des convertis, et ce sont même des gens qui ne faisaient pas partie de ces milieux de croyants, et c’est donc une situation permanente qui se vit de génération en génération dans tous les pays de la terre et sous toutes les langues et cultures. L’expérience des chrétiens que nous sommes, d’être des témoins de la vie du Ressuscité, des transformations que cette vie opère dans nos cœurs, des transformations que cette nouvelle opère dans la vie du monde, cela n’est pas facile, mais nous n’avons pas à avoir peur. A toutes les époques, il y a eu des personnes et des groupes de personnes en opposition à la foi chrétienne ; dans toutes les époques et sous toutes les cultures il y a eu des personnes qui se sont tenues à l’écart, dans l’indifférence à l’égard de la foi chrétienne ; dans toutes les époques et sous toutes les cultures il y a eu des moments de persécution, de refus ; et dans toutes les époques et sous toutes les cultures il a pu être difficile de se faire entendre de cette variété, et nous-mêmes, chrétiens, nous avons pu être affolés de cette variété en nous disant qu’il est bien difficile d’être témoins dans cette variété des cultures, dans cette variété des langues.

Ce que le Seigneur nous promet c’est la joie même qui peut nous habiter d’être disciples d’un tel maître, la joie même qui peut nous habiter d’être porteurs de la nouvelle de la vie qui ne finit pas, la joie que nous pouvons ressentir d’être des témoins d’une vie qui sans cesse se renouvelle par le don, le don de soi, à la manière du Christ. Ce témoignage-là, il suffit qu’il soit donné dans la paix intérieure, dans la paix du cœur, sans crainte devant les difficultés, sans crainte devant les contradictions et les contrariétés de la vie, sans crainte devant les diversités d’expressions des pensées, des philosophies, des façons de voir la vie. Nous n’avons pas à craindre mais à être simplement porteurs d’une joie indicible, nous savons que le Seigneur est avec nous, qu’il parle à travers nous, que son témoignage parle à travers nos vies, bien au-delà de nos mots.

Qu’en cette fête de Pentecôte, notre espérance soit renouvelée, notre charité pour tous soit encouragée, et que notre foi n’ait pas peur de se vivre, de se dire, et tout simplement de transparaître à travers notre façon d’être et notre espérance qui ne déçoit pas mais qui grandit toujours à mesure que nous acceptons de porter la Bonne Nouvelle du Seigneur.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris.

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