JMJ, les ressorts du succès
La Vie – 25 juillet 2013
En voyant comment la culture de la réjouissance collective a pénétré dans une Église que d’aucuns peuvent préférer austère, contemplative ou servante, on pourra toujours soupirer.
L’empire de l’« Homo festivus », découvert naguère par Philippe Murray, s’est définitivement étendu à la sphère catholique. Tout le génie de Jean Paul II fut de comprendre le parti qu’il pouvait tirer de la société du spectacle, au lieu de la combattre. Karol Wojtyła saisit tout cela d’emblée dès le début des années 1980. Alors, en homme attentif aux signes du temps, il décida de créer le plus grand show possible, directement à l’échelle nouvelle de la mondialisation des transports, des idées et des émotions. Et, en homme de théâtre, il s’y attribua le premier rôle. On connaît la suite, cet incontestable et durable succès qui vole de Manille à Paris et de Madrid à Rio où doit triompher la révélation de l’année – j’ai nommé le pape François.
Festivité, identité, vérité. C’est le trépied sur lequel tiennent les Journées mondiales de la jeunesse. Car les JMJ nourrissent une ambition forte, elles ont un propos qui les distingue d’autres rendez-vous collectifs et un contenu qui assure leur pérennité. Il s’agit de soutenir et de renforcer l’appartenance catholique au moment où celle-ci se trouve menacée, d’un côté, par la sécularisation grandissante des sociétés développées et, de l’autre, par la concurrence agissante des mouvements pentecôtistes. Cette quête d’identité passe depuis le début par l’affirmation de ce que Jean Paul II appela, d’une manière âprement controversée, la « splendeur de la vérité », avant que Benoît XVI ne reprenne le flambeau en dénonçant maintes fois la « dictature du relativisme ». Les papes espèrent ainsi combler le vide laissé par l’effondrement de l’imaginaire politique et par l’épuisement de l’idéal consumériste.
Contrairement à ce que l’on a beaucoup affirmé, il est probable que l’attractivité des JMJ ne se comprenne pas « malgré » le discours que les papes y tiennent et qu’il conviendrait d’écouter d’une oreille distraite. Au contraire, tout porte à croire que c’est « grâce » à la clarté du message que cela fonctionne. D’où, jusqu’ici, l’insistance sur la foi et sur son contenu, l’appel à la responsabilité, à l’engagement et à la fidélité et, bien sûr, l’invitation pressante à la rencontre personnelle avec le Christ.
Mais si, en trois décennies, les JMJ sont devenues incontournables, si elles ont résisté aux multiples crises de l’Église catholique, à l’encombrante succession de Jean Paul II et à la difficile transition de Benoît XVI, c’est aussi et surtout qu’elles sont devenues un événement initiatique. Pour beaucoup de jeunes, elles marquent désormais le point de passage obligé d’une foi reçue à une foi choisie. En ce sens, elles constituent quasiment un nouveau sacrement, qui tient de la -communion collective et de la confirmation personnelle. Un rite de passage à l’âge adulte, avec ce que cela comprend en terme de vocation et d’affirmation de soi.
L’aspect initiatique est évidemment pensé et encouragé comme tel par une institution qui a bien compris que la transmission ne passe plus que très marginalement par les canaux traditionnels. Le tour de force consistera ensuite à transformer un événement initiatique en projet missionnaire, comme le résume le verset évangélique qui sert de mot d’ordre à cette édition de Rio :« Allez, et de toutes les nations faites des disciples. » Plus que jamais, les JMJ sont l’école des cadres du catholicisme attestataire.
Source : La Vie 25/07/13