La fabuleuse histoire des JMJ

La Vie – 24 juillet 2013

« Je veux m’adresser aux jeunes, vous êtes l’avenir du monde », lançait Jean Paul II dès 1978. Cette exhortation s’est concrétisée dans les JMJ, dont l’édition 2013 a été ouverte officiellement hier à Rio de Janeiro, au Brésil.

Pluvieuses, caniculaires, polémiques, sereines, désorganisées, émouvantes… Depuis leur création, les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) se suivent en fausses jumelles : voisines dans l’esprit, mais singulières de visage. Un pape, des jeunes et une croix : voilà comment tout a commencé. En 1978, le jeune et dynamique archevêque de Cracovie, Karol Wojtyła, est élu pape à 58 ans. Un vent frais souffle sur l’Église. Le 22 octobre, à l’occasion de son premier angélus, au terme de la messe d’intronisation qui a duré plus de quatre heures, il lance, improvisant depuis son balcon place Saint-Pierre : « Je veux m’adresser aux jeunes, vous êtes l’avenir du monde, l’espérance de l’Église, vous êtes mon espérance. » Le ton est donné.

1980-1985 : la préhistoire des JMJ

Les jeunes, Jean Paul II ne les oubliera jamais. En 1980, il leur donne rendez-vous au Parc des Princes, à Paris. Michel Dubost, actuel évêque d’Évry - Corbeil-Essonnes, alors chargé de la communication avec les journalistes pour l’événement, s’en souvient encore : « Personne n’y croyait. Tout le monde pensait que c’était voué à l’échec et que jamais les jeunes ne viendraient. »Pourtant, 50 000 répondent à l’appel. Parmi eux, une dizaine vient poser une question directement au pape. Un jeune athée l’interroge : « Saint-Père, en qui croyez-vous ? Et quel est ce Dieu que vous adorez ? » Jean Paul II répond, mais il n’est pas satisfait. À son retour à Rome, il appelle l’archevêque de Paris, le cardinal Marty, et lui demande de retrouver le jeune pour lui dire qu’il va continuer à chercher une réponse plus pertinente. « Par ce geste, il a inauguré une nouvelle forme de communication et fait de la pastorale des jeunes une des grandes priorités de l’Église », analyse Éric ¬Jacquinet, responsable de la section jeunes du Conseil pontifical pour les laïcs, qui écrit actuellement une Histoire des JMJ.

Jean Paul II ne s’arrête pas là. En 1983, pour le jubilé de la Rédemption, de nombreux événements sont prévus, mais, une fois encore, il pense aux jeunes. Il demande au Conseil pontifical pour les laïcs d’organiser un rassemblement international l’année suivante. « C’était une grande première, poursuit Éric Jacquinet. Aucun de ses prédécesseurs n’avait voulu un tel rassemblement. Et le Conseil pour les laïcs n’avait jamais organisé un tel événement. La “section jeunes” dont je suis le responsable actuel a été créée à ce moment-là. »

Cette fois, ils sont 250 000. La rencontre a lieu le week-end des Rameaux. La date n’est pas fortuite : Jean Paul II souhaite associer les futures JMJ au mystère pascal. Preuve de son intention, une semaine plus tard, il confie aux jeunes du centre San Lorenzo une croix immense, qui deviendra l’emblème des JMJ : « Portez-la dans le monde comme signe de l’amour du Seigneur Jésus pour l’humanité et annoncez à tous qu’il n’y a de salut et de rédemption que dans le Christ mort et ressuscité », les encourage-t-il. La croix, qui mesure 3,80 m de hauteur sur 1,75 m de largeur pour 31 kg, commence son incroyable périple à travers le monde, des paroisses aux prisons de mineurs. Son succès est tel qu’abîmée par ses nombreux voyages, elle doit être dupliquée en 1996.

Galvanisé par le succès de 1984, Jean Paul II renouvelle l’initiative aux Rameaux 1985. Nouveau bain de foule : 300 000 pèlerins assistent au « rassemblement international des jeunes ». Le pape remet une lettre sur la parabole du jeune homme riche et l’importance de s’arrêter au bord du chemin pour nouer le dialogue. Éric Jacquinet était présent : « Mon groupe logeait dans le sous-sol du Conseil pontifical pour les laïcs, une aire de stockage équipée d’un unique lavabo. Nous posons nos matelas en mousse sur un sympathique lit de poussière, et nous sommes ravis de profiter de ces jours magnifiques… et des fontaines de Rome pour nous y laver ! Je me souviens de l’impact de la lettre sur les jeunes que nous étions à l’époque. Elle mettait tout en perspective : notre vie, notre foi, nos choix quotidiens, nos projets d’avenir. » Les rassemblements pour la jeunesse ont désormais un symbole – la croix – et un esprit, l’aventure des JMJ peut commencer.

1987 : la sortie de Rome

Si l’idée d’institutionnaliser une Journée mondiale de la jeunesse date de décembre 1985, la première rencontre internationale n’aura lieu véritablement qu’en août 1987, à Buenos Aires. Le choix de l’Argentine est très symbolique pour le résistant politique et spirituel que fut l’ex-archevêque de Cracovie, Karol Wojtyła, connu pour son courage pendant les années de répression du régime soviétique en Pologne. À l’époque, l’Argentine est exsangue. Elle sort de sept années de dictature militaire. Le bilan est lourd : pas moins de 30 000 disparus, des familles brisées, des adoptions forcées.

Quelques semaines plus tôt, le pape, en visite au Chili, n’a pas mâché ses mots devant des proches du général Pinochet. « Dans ce contexte, la JMJ a donc une couleur bien particulière, analyse Éric Jacquinet. Sur l’immense avenida 9-de-Julio, là où paradaient les généraux du régime dictatorial, eut lieu la rencontre. Une de mes amies accompagne la croix de l’Année sainte. Elle me racontera l’émotion du peuple argentin quand cette croix est entrée en procession, précédée par la police, et remontait toute l’avenue ! Puis le cortège avec le pape. Deux symboles d’une immense révolution ! » Devant les deux millions de jeunes de ce pays qui réapprend à vivre librement, le pape martèle qu’il faut être des « semeurs d’espérance et des bâtisseurs de paix ».

1989-1991 : reconstruire l’Europe

Après ce choix politique de l’Argentine, le pape penche, en 1989, pour un retour aux sources sur un haut lieu de pèlerinage : la terre rouge de Saint-Jacques-de-Compostelle. Berceau de l’Europe chrétienne, là où les pèlerins du Moyen Âge venaient se recueillir sur le tombeau de l’apôtre saint Jacques le Majeur, Jean Paul II oppose les « fondements historiques » de la foi au « grave relativisme » et à la « confusion de valeurs » qui marquent l’Europe contemporaine, devant une foule de plus de 500 000 jeunes. La nouvelle évangélisation est en germe. Devant ce discours à contre-courant, la presse espagnole parle même d’un « nouveau Woodstock ».

En 1991, le pèlerinage se poursuit en Europe, mais cette fois à l’est, dans le pays d’origine de Jean Paul II : en Pologne, à Częstochowa, lieu de vénération de la Vierge noire. « À Częstochowa, les pèlerins venus du monde entier ont éprouvé quelques difficultés à trouver l’avenue Jean-Paul-II, qui, sur les plans de la ville et dans la tête des habitants, s’appelle toujours l’avenue Lénine », relateLa Vie en 1991.

En pleine ambiance de fin de guerre froide, deux ans après la chute du mur de Berlin et l’explosion du bloc soviétique, l’année même de la disparition de l’URSS, des jeunes Russes participent pour la première fois aux JMJ. Éric Jacquinet, lui, se souvient particulièrement des multiples gestes de solidarité qui avaient marqué ce cru 1991 : « Convaincu qu’il s’agissait d’une opportunité historique d’évangélisation, l’archevêque de Częstochowa avait décidé d’offrir le train gratuitement à tous ces jeunes Russes pour qu’ils puissent venir. Ce qui laissa un trou financier important, que le diocèse mit quatre ans à ¬rembourser. Les jeunes de l’Ouest partagèrent leur nourriture avec les jeunes Russes, qui n’ont rien emporté et meurent de faim… »

1993-1995 : des discours musclés

Après cette période européenne, Jean Paul II affirme la dimension missionnaire des Journées mondiales de la jeunesse en investissant successivement deux lieux où les chrétiens sont minoritaires. À Denver, ville moyenne des États-Unis au pied des Rocheuses, il fustige toutes les formes de libéralisme, moral et économique, et défend l’Évangile de la vie devant 500 000 jeunes venus l’accueillir aux cris de « John Paul Two, we love you ! ». Il les invite à faire pénitence et à sacrifier leur déjeuner au profit d’un hôpital qui soigne les malades du sida. Par ailleurs, alors que le président démocrate Bill Clinton, baptiste, ne s’était jamais caché d’être favorable au droit à l’IVG, il multiplie les déclarations musclées à cet endroit et déclare : « Si tu veux la justice, la vraie liberté et la paix, Amérique, protège la vie. » Ses prises de position, autant applaudies que critiquées, suscitent une grande émotion parmi les catholiques, divisés sur cette question, et la presse s’empare alors de la polémique.

Deux ans plus tard, à Manille, aux Philippines, l’un des pays les plus pauvres du monde, c’est à la misère qu’il s’en prend, encourageant les Philippins à lutter contre toutes les formes de pauvreté, notamment par l’éducation. Dans ce pays catholique isolé dans un continent qui ne l’est pas, il développe le sens de la mission devant un chiffre record de quatre millions et demi de jeunes :« Construire des ponts de dialogue et de communication avec vos parents. Pas d’isolement ! De la communication ! De l’amour ! Soyez une saine influence sur la société afin de briser les barrières érigées entre les générations ! Plus de barrières ! Plus de barrières ! »

1997-2003 : Paris réussis

Comme en 1980 avec le Parc des Princes, rares sont ceux qui, en 1997, croient au succès des JMJ en France. Le contexte politique et ecclésial est lourd. Les évêques sont divisés sur ce genre de rassemblements. Par ailleurs, en pleine préparation de l’événement, la France change de gouvernement : Lionel Jospin succède à Alain Juppé. « En bonne intelligence avec nous, le nouveau gouvernement a très vite nommé un nouvel interlocuteur pour coordonner les services publics, le général Philippe Morillon, et tout s’est bien passé », se souvient Michel Dubost, responsable de l’organisation en 1997.

Malgré ce contexte troublé, Paris est un lieu clé dans l’histoire des JMJ. Sous l’impulsion du cardinal Lustiger, alors archevêque de Paris, et du comité d’organisation animé par Michel Dubost, trois nouveautés sont mises en place : les journées des Églises locales, temps de rencontre et d’accueil des jeunes dans les diocèses du pays organisateur, le Festival de la jeunesse, lieu de promotion de la culture chrétienne, et le développement du volontariat dans l’organisation des JMJ, que le cardinal Lustiger veut éviter de « professionnaliser ». Plus symboliquement, l’archevêque de Paris donne une structure à l’événement : « Lui qui avait été un aumônier de jeunes très actif et un passionné de liturgie concevait la JMJ comme la célébration du Triduum pascal, explique Éric Jacquinet. Les jeunes – il en était profondément convaincu – avaient besoin non de fêtes et de spectacles, mais de la célébration des mystères de la foi chrétienne. Le programme sera donc : jeudi, comme le jeudi saint, évocation du lavement des pieds ; vendredi, comme le vendredi saint, chemin de croix dans toutes les paroisses ; samedi soir, comme le samedi saint, vigile pascale avec baptêmes d’adultes ; dimanche, messe du jour de la résurrection. »

Pari réussi : les jeunes sont plus d’un million, et seule la visite « à titre privé » de la tombe de son ami le professeur Lejeune, pionnier dans la recherche sur la trisomie 21 et connu pour son engagement pro-vie, suscite la polémique. Le succès se confirme en 2000, à Rome, malgré une canicule homérique qui contraint les pèlerins à se voir asperger régulièrement par les pompiers romains, puis en 2002, à Toronto, dernières JMJ d’un Jean Paul II épuisé par la maladie.

2005-2011 : Le tournant Ratzinger

En 2005, des milliers de jeunes affluent place Saint-Pierre, à Rome, apprenant que Jean Paul II vit ses derniers instants. Celui-ci, entendant leurs cris depuis son lit de mort, leur dédie ses derniers mots : « Je vous ai cherchés et maintenant, vous êtes venus à moi et je vous en remercie. » Jean Paul II s’éteint à quelques mois des JMJ. Son successeur, Benoît XVI, va-t-il reprendre le flambeau ? À Cologne, c’est avec une certaine fébrilité que les jeunes arrivent au rendez-vous avec ce pape réputé pudique jusqu’à l’austérité.

Pourtant, Benoît XVI surmonte sa timidité et leur parle en pédagogue. « Loin des injonctions sur la morale sexuelle, le pape, allègre et tranquille, appelle chacun au témoignage de foi. On entend presque là des accents de la parole lumineuse de frère Roger, assassiné quelques jours plus tôt à Taizé », écrit La Vie. À Cologne, à Sydney, en 2008, puis à Madrid, en 2011, fidèle à sa formation de professeur de théologie et de philosophie, il enseigne les thèmes qui lui sont chers : l’urgence éducative face aux défis du relativisme et du scepticisme, vecteurs de souffrance, la nécessité d’une foi éclairée par la raison, la joie de croire. L’alchimie opère. Avec sa personnalité, Benoît XVI montre que Jean Paul II n’est pas seul à pouvoir entrer en « amitié » avec les jeunes. Si les« JMJistes » de Cologne se souviennent encore de l’organisation chaotique qui leur vaudra de beaucoup marcher le ventre creux, ils sont conquis par ce nouveau style plus recueilli.

Source : La vie 24/07/13

Les JMJ de Rio étaient les premiers du pape François, autour duquel l’attente était donc grande autour du pape François. Mais, déjà, la « génération Bergoglio » avait tiré les conclusions des premières semaines du pontificat et, de Benoît XVI à François, un glissement s’est opéré de la « transmission » à la « mission », l’annonce de l’Évangile dans l’esprit de Vatican II. Un mot qui revient souvent dans la bouche du pape, bien décidé à le débarrasser de toute connotation péjorative. Pour François, mission rime avec action sociale. Beaucoup de jeunes partis en amont ont ainsi retroussé leurs manches dans les écoles et les favelas. Après Rio et Cracovie, le pape donne rendez-vous aux jeunes en janvier 2019 à Panama, autour de la figure de la vierge Marie : "me voici, Servante du Seigneur !"

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