« L’engagement de Jeanne d’Arc était enraciné dans le Christ »
Paris Notre-Dame du 10 mai 2012
P. N.-D. - Le 600e anniversaire de la naissance de sainte Jeanne d’Arc sera célébré à Domremy le 13 mai [2012], en présence du cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France. Quelle portée donnez-vous à sa venue ?
Mgr Jean-Paul Mathieu – Recevoir le Cardinal à Domremy est une joie. Sa présence est fondamentale car elle nous permet de porter cette fête en Église, au-delà d’une simple manifestation locale. Nous nous apprêtons à prier ensemble Jeanne d’Arc, sainte patronne de la France, sur le lieu même où elle a reçu et mûri son appel à servir la justice.
P. N.-D. - Quelle place l’Église donne-t-elle à Jeanne d’Arc aujourd’hui ?
J.-P. M. – Excepté dans les villes dites « johanniques » – Orléans, Tours, Reims… –, l’Église lui réserve une place modeste. Cela s’explique en partie par le fait que la piété vis-à-vis de Jeanne et la fascination qu’elle a exercée au fil des siècles ait d’abord été populaire et politique avant d’être religieuse. Sa canonisation tardive (1920) en est une illustration. Face à une Jeanne mi-héroïne nationale, mi-sainte, autour de laquelle tant de mythes circulent encore, il est souvent difficile de savoir quelle place lui donner dans sa vie de foi. Je crois qu’il est important de reconnaître sa sainteté, non pas tant dans sa conduite héroïque que dans la manifestation du don de Dieu dans sa vie.
P. N.-D. - Que retenir de la vie et du caractère de sainte Jeanne d’Arc ?
J.-P. M. – Jeanne est issue d’une famille solide, humainement et spirituellement. Illettrée mais douée de bon sens, elle témoigne vivre sa foi par la prière – elle connaît le Credo, le Pater et l’Ave – et les sacrements – elle communie régulièrement ce qui est rare à l’époque –. Ainsi nourrie, elle est capable, à 13 ans, d’écouter Dieu et de méditer son appel dans son cœur. En outre, Jeanne n’a rien d’une exaltée, c’est une jeune fille comme une autre : elle joue, elle participe à la vie quotidienne familiale et villageoise dans une époque troublée. Quatre ans de réflexion lui seront nécessaires avant de relever la mission que Dieu lui a confiée d’aller s’occuper des affaires de ce monde. Et lorsqu’elle part, à 17 ans, Jeanne sait qu’Il lui fait confiance.
P. N.-D. - Sainte Jeanne d’Arc a-t-elle un message contemporain à donner ?
J.-P. M. – C’est un bel exemple pour les jeunes et pour tous ceux qui s’engagent au service du bien commun. Comme l’a rappelé Benoît XVI en janvier 2011 [1], l’engagement politique de Jeanne était profondément relié à son expérience mystique : elle a agi perpétuellement enracinée dans le Christ. La leçon qu’elle donne est exigeante : Jeanne a accepté de courir un risque pour rétablir la justice. Elle a fait preuve de compassion pour tous, au-delà des clivages politiques. Elle est allée au bout d’elle-même. Cette belle figure ne doit donc pas tant être le flambeau d’une identité qu’une école exigeante de vie de foi. • Propos recueillis par Laurence Faure
[1] Dans le cadre de catéchèses sur les saintes du Moyen Age.