La prisonnière du désert (The Searchers)

John Ford

Paris Notre-Dame du 23 mars 2023

Chaque semaine, une œuvre cinématographique est présentée par le P. Denis Dupont-Fauville, afin de prolonger la réflexion et adopter une autre perspective sur le thème choisi et abordé par Mgr Bernard Podvin le dimanche qui suit.

Dieu fait du neuf aujourd’hui – Ouvrons les yeux !

« Ouvrons les yeux » nous invitent, cette année, les Conférences de Carême… Proposer un autre regard, voilà la démarche suivie par Paris Notre-Dame tout ce temps de Carême. Chaque semaine, une œuvre cinématographique est présentée par le P. Denis Dupont-Fauville, afin de prolonger la réflexion et adopter une autre perspective sur le thème choisi et abordé par Mgr Bernard Podvin le dimanche qui suit.

« Il appelle qui il veut » (Mc 3)

© D. R.

La prisonnière du désert (John Ford, 1956). Le premier plan [1] nous mène de l’intérieur obscur d’un monde protégé à l’univers lumineux des grands espaces de l’Ouest, franchissant le seuil d’une porte pour entrer en contact avec un nouvel arrivant. Mouvement d’une naissance : du film, du monde, du spectateur lui-même, de l’histoire, de l’Ouest et de la quête. Le titre original de l’œuvre, The Searchers, dit bien la recherche d’un au-delà, en réponse à un appel [2]. Mais adressé par qui, avec qui et vers où ? Ce récit d’un rapt de jeunes blanches par des Comanches, et des années de traque qui s’ensuivront, illustre ce qui permet à l’humanité divisée, violente et meurtrie, de conserver une espérance.

Parcourant la sublime Monument Valley, chacun en recherche d’autres, pour les sauver ou pour les tuer, mais surtout pour se découvrir soi-même. Cela ne va pas sans chevauchées ni sans étapes, sans horreurs ou sans émerveillements. Les personnages jouent leur vie à chaque instant sous le regard de John Ford, réaliste et catholique : chaque femme est Ève et chaque fleuve un Jourdain, le shérif conserve sa Bible avec son colt, le vieux prophète s’appelle Moïse, la croix est présente sur le calvaire du cimetière comme dans les poutres d’un plafond.

Malgré la promesse que le loup habite un jour avec l’agneau, qui est le loup et qui est l’agneau ? Dans un univers de violence mimétique, où des sauvages sans complexe torturent des chrétiens génocidaires, il s’agit de se vaincre pour honorer l’appel commun. Les cow-boys éméchés et désopilants avant le combat fatidique, les indiens féroces et ingénus, avers et revers d’une même médaille, rêvent d’une vie impossible, rejetant les métis qui déjà prolifèrent. Pourtant le plus endurci des cœurs, loin des réponses toutes faites, peut aussi se découvrir fils d’Adam. Et de stupéfiantes retrouvailles, au bout du combat, laissent entrevoir comment l’enfant peut jouer sur le nid du cobra [3].

Denis Dupont-Fauville


Voir aussi : Texte de la conférence de carême de Notre-Dame de Paris du 19 mars 2023.

[1Auquel les derniers feront écho : il y aura retour à une grotte pour en sortir, réitération d’un geste initial pour signifier une seconde naissance, « Let’s go home » en épilogue…

[2De même que les paroles de la chanson principale : « A man will search / Go searching way out there his peace of mind / But where, o Lord / Ride away, ride away, ride away ». John Wayne sera si marqué par ce film qu’il donnera à son fils le nom du personnage qu’il y interprète, Ethan.

[3Is 11, 1-9 (cf. vv. 6, 8) fait partie des textes messianiques étroitement liés à la Conquête de l’Ouest.

Cinéma