« Le pape de la paix dans l’Égypte de la paix »
C’est endeuillée par les attentats commis le dimanche des rameaux contre deux églises coptes orthodoxes que l’Égypte se prépare à accueillir, les 28 et 29 avril 2017, le pape François.
Aux Coptes qui pleurent leurs morts, la venue du Saint Père apparaît comme un formidable soutien, une note de joie après la tragédie.
Le chef de l’Église universelle est un pasteur mais aussi un politique et un homme libre ainsi qu’en témoigne le programme de sa visite au Caire dont le logo est : « Le pape de la paix dans l’Égypte de la paix ».
La première journée ne sera pas consacrée, comme on aurait pu le présupposer, à la visite de l’Église catholique locale qui, pour rencontrer le successeur de saint Jean-Paul II venu dans le pays en février 2000, devra patienter jusqu’au lendemain.
Dès son arrivée, le chef des États Pontificaux sera reçu par le président Abdel Fattah al-Sissi qui a écarté les Frères musulmans du pouvoir et rendu possible le retour à une certaine coexistence intercommunautaire. La minorité copte jouit désormais de plus de liberté mais la répression aveugle de toute contestation et la dérive autoritaire du régime ont également des effets pernicieux, dont celui d’attiser le fanatisme. Les attentats visant les chrétiens peuvent aussi apparaître comme un message indirect adressé au pouvoir.
Le Saint Père interviendra ensuite devant la conférence mondiale pour la paix organisée par Ahmad al-Tayyib, le grand Imam d’al-Azhar. Que pourra dire François aux participants musulmans alors que les attentats perpétrés au nom de l’Islam se multiplient partout dans le monde et d’abord en Égypte où viennent d’être odieusement touchées les communautés coptes du Caire, de Tanta, d’Alexandrie et de tant d’autres lieux ?
Le pape François qui connaît le poids des gestes symboliques et des rencontres veut, par sa participation à cet évènement, montrer que l’islam et le christianisme ne sont pas en guerre. Il a toujours refusé d’associer l’islam en tant que tel au terrorisme mais il attend qu’al-Tayyib, la plus haute autorité de l’islam sunnite, condamne avec fermeté ceux qui sèment la terreur et font couler le sang de leurs frères.
Le pape et le grand Imam devraient se retrouver autour de déclarations communes, même si la position de ce dernier est pour le moins ambigüe. S’il témoigne, dans ses propos, d’un islam éclairé, ses décisions contredisent trop souvent ses prises de positions. Il parle de paix, de liberté religieuse mais sanctionne durement l’apostasie et diffère toujours la réforme religieuse en faveur de laquelle il s’est pourtant engagé. L’ambivalence de son discours explique qu’il soit contesté, tant à l’intérieur par les islamistes radicaux, qu’à l’extérieur par les tenants d’un islam modéré.
S’en suivra pour François la rencontre avec le pape des orthodoxes. Une rencontre sans nul doute chaleureuse, même si la puissante Église conduite par Tawadros II tend à faire de l’ombre à la petite Église catholique. Les chefs des deux Églises témoigneront, en ces temps de grande violence, de la proximité et de l’union de tous les chrétiens dans le sang des martyrs ; un sang qui réclame que soient levés les quelques obstacles entravant encore l’unité entre les frères séparés.
Après la tension du premier jour, François trouvera, le second et dernier jour de son voyage, l’apaisement auprès de l’Église catholique d’Égypte. Répartis entre coptes, syriens, arméniens et latins, les catholiques sont très présents sur le territoire à travers leurs œuvres sociales. Dans leurs écoles, leurs dispensaires, leurs orphelinats, leurs centres de soin pour les handicapés et les personnes âgées, ils témoignent de l’amour du Christ et cultivent le vivre ensemble.
En se rendant en Égypte, le pape permet à l’Église catholique locale de gagner en visibilité. Même si elle est minoritaire dans la minorité chrétienne, son rattachement à l’Église universelle efface en quelque sorte son handicape numérique et la conforte dans son espérance.
Pour les Coptes, accrochés à la Croix en cette terre qui fut leur bien avant qu’elle ne soit déclarée d’islam, l’impossible est le chemin. C’est sur ce chemin semé d’embûches que va s’engager le pape François.
L’Égypte fut, des siècles durant, un creuset de races, de cultures et de religions. Elle a l’expérience de la convivialité et de l’accueil de l’autre. Cette expérience historique devrait la prédisposer à jouer un rôle de premier ordre dans la rencontre des civilisations.
Nous voulons croire que « le pape de la paix » contribuera à la renaissance de « l’Égypte de la paix », défigurée par la montée du radicalisme islamique contraire à ses traditions et importé des pays du Golf.
Mgr Michel Chafik