Préparer l’avenir de l’Irak
Paris Notre-Dame du 23 février 2017
Paris Notre-Dame – Vous avez sollicité, en 2016, l’aide des diocèses de France pour les étudiants de Kirkouk. L’an dernier, le diocèse de Paris y a consacré son offrande de Carême et reconduit, cette année encore, cette initiative [1]. Pourquoi un tel appel ?
Mgr Yousif Thomas Mirkis – Je viens en aide aux étudiants de Mossoul qui ont été chassés de leur ville par Daesh et qui sont réfugiés au Kurdistan. À cause de la différence de langue, ils ne peuvent pas étudier dans cette région, et ils ont été acceptés à l’université de Kirkouk. Mais n’ayant pas d’argent, ils se sont tournés vers l’Église pour lui demander de les nourrir et de les loger. Pour la plupart, leurs parents vivent dans des camps de réfugiés. Durant l’année universitaire 2014- 2015, ils étaient 200. L’année suivante, ils étaient 400. Actuellement, ils sont déjà près de 700 inscrits. Parmi eux, se trouvent 434 chrétiens, 212 yézidis, 22 musulmans et une mandéenne. Ce sont des étudiants en médecine, des dentistes, pharmaciens, vétérinaires, infirmières, des étudiants en ingénierie, en agriculture ou en sciences, ou encore, des étudiants en éducation ou en lettres. Pour les accueillir, j’ai loué douze maisons qui accueillent chacune 60 étudiants. Ils y vivent chacun trois jours par semaine sur lesquels sont rassemblés leurs cours à l’université. Chaque lit sert ainsi pour deux personnes. Tout cela a un coût. Je loue chaque maison 10 000 € par an, l’électricité est très chère et coûte presque autant que le loyer. Je fournis également l’eau et l’accès à Internet. Il y a tant à faire ! Il y a aussi tous ceux que je ne peux pas aider, comme les yézidis qui ont beaucoup souffert et à qui je fournis une aide alimentaire. Aujourd’hui même, je suis allé visiter une maison où je pourrais loger une vingtaine de personnes. Nous ne sommes pas en peine d’utiliser les dons qui nous sont faits !
P. N.-D. – Parvenez- vous à financer tous ces projets ?
Mgr Y. T. M. – Pour l’année 2015-2016, la Conférence des évêques de France m’a donné de quoi nourrir tous ces gens-là. Il me faut 2000 € par an et par étudiant. Imaginez le risque que je prends en disant : « Venez ! » Demandez à vos lecteurs de prier pour moi ! J’espère que je pourrai honorer l’engagement que j’ai pris auprès de tous ces étudiants. Mais je ne panique pas. Je crois que la bonté de nos frères aura de quoi satisfaire à nos besoins.
P. N.-D. – Pourquoi dépensez-vous une telle énergie pour tous ces jeunes ?
Mgr Y. T. M. – Parce que Dieu est venu parmi nous, il était étranger, et personne ne l’a accueilli ! Il ne faut pas faire comme les habitants de Bethléem ! Ce n’est pas du prosélytisme. Tout est gratuit. Je ne leur demande rien en échange, si ce n’est d’avoir leurs examens. Et les étudiants me le rendent bien. Leur taux de réussite a été presque de 100 %. Ils sont l’avenir de l’Irak. Je suis contre l’émigration qui ne résout pas les problèmes. Au lieu de rester oisifs à attendre la chute de Daesh, ils préparent la reconstruction. Et par notre organisation, nous montrons que l’avenir est d’accepter les autres comme ils sont, sans arrière-pensée. C’est pourquoi j’interdis à mes étudiants de s’agglutiner selon leurs affinités tribales. Ils doivent manger ensemble sans parler de politique ou de religion, et ça marche. • Propos recueillis par Pauline Quillon
[1] Initiative soutenue par la Fondation Notre Dame.
Pour donner en ligne : secure.oeuvre-orient.fr ; infos : Œuvre d’Orient, tél. 01 45 48 54 46.