Syrie : « Notre peuple est plongé dans l’obscurité »

Paris Notre-Dame du 27 juin 2024

Mgr Jacques Mourad, archevêque syriaque catholique de Homs (Syrie) depuis plus d’un an, sera présent au Festival des chrétiens d’Orient, organisé par l’Œuvre d’Orient les 6 et 7 juillet prochains dans la Marne. L’occasion de nous partager la condition des chrétiens en Syrie, aujourd’hui. Rencontre.

Mgr Jacques Mourad, archevêque syriaque catholique de Homs (Syrie).
© L’Œuvre d’Orient

Paris Notre-Dame – Quelle est la situation des chrétiens en Syrie aujourd’hui ?

Mgr Jacques Mourad – La situation des chrétiens est similaire à celle des Syriens en général. Nous vivons une crise terrible. La pauvreté ronge le pays et n’épargne personne. Il n’y a plus de travail, alors qu’il y a beaucoup à reconstruire ou à cultiver après ces années de conflit. On n’a pas accès aux produits de première nécessité, aux médicaments, à une bonne alimentation, au chauffage, à l’eau chaude… Les conséquences sanitaires sont dramatiques ; chaque famille est touchée par la maladie ou par de graves traumatismes psychologiques. Cet extrême dénuement est une souffrance de chaque jour, une atteinte à la dignité, aux droits de l’homme. Mais les jeux de pouvoir et les alliances politiques au niveau international, les sanctions économiques, la crise sociale locale, la guerre qui se poursuit, la corruption et l’injustice que nous vivons tous les jours, condamnent toute perspective d’avenir. Notre peuple est plongé dans l’obscurité ; il a perdu toute espérance et ne voit pas la lumière de la Résurrection. La grande majorité des chrétiens – comme tous les Syriens – choisissent l’exil, en quête d’une terre meilleure où l’avenir peut se construire dans la paix et la sécurité, mettant un terme à plus de deux mille ans de présence en terre syrienne. Certains cependant veulent rester, parce qu’ils reçoivent, dans leur foi, l’appel à donner leur vie pour les autres et gardent l’espoir qu’après le chemin de la croix et la mort, il y a la résurrection pour la Syrie et pour tout le Moyen-Orient.

P. N.-D. – Pourquoi est-ce important que les chrétiens puissent rester en Syrie ?

J. M. – Le peuple de cette terre est celui de la première Église. Depuis deux mille ans, l’Église de Syrie – car telle est la mission de l’Église – annonce l’Évangile. Les chrétiens syriens sont allés prêcher dans le monde entier, et même jusqu’en Chine ! Laisser le christianisme disparaître de la Syrie revient à déraciner l’Église et sa vocation missionnaire. Mais ce n’est pas tout. La Syrie a une tradition multiséculaire de grande diversité sociale et religieuse. Depuis toujours, cette région est celle où toutes les religions, toutes les communautés religieuses, toutes les confessions se rassemblent et vivent ensemble en harmonie. Et l’Église a joué un rôle très important pour garder et protéger cette harmonie. Effacer la présence de l’Église en Syrie – et au Moyen-Orient – revient à détruire ce jardin où se trouvent des fleurs de différentes sortes, de différentes couleurs et différents parfums ; c’est aussi changer le visage de cette région, la mentalité et la culture de ce peuple, instrumentalisé et meurtri par une guerre à laquelle on a donné un aspect religieux. Tout cela est très dangereux car la paix se construit précisément par la rencontre, le respect et la reconnaissance de l’autre.

P. N.-D. – Est-ce pour porter ce témoignage que vous venez en France participer au Festival des chrétiens d’Orient ?

J. M. – Je viens à ce festival pour manifester ma reconnaissance à l’Œuvre d’Orient. Par son engagement, cette association a vraiment sauvé la vie de beaucoup de gens, en Syrie, en Irak ou encore au Liban. Cela nous aide à tenir. Cela exprime aussi le témoignage concret d’unité entre l’Église d’Orient et d’Occident. J’espère que ce festival rassemblera, manifestera l’amitié entre chrétiens d’Orient et chrétiens de France ; qu’il sera l’occasion de moments de joie et de rencontres spirituelles profondes, afin qu’une amitié réciproque se développe, pour la gloire de Dieu et le bien de toute l’Église.

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

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