Terre Sainte : « Le cessez-le-feu est une lueur d’espoir »

Paris Notre-Dame du 6 février 2025

Bien que fragile, le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, convenu le 19 janvier dernier, permet au Moyen-Orient de reprendre son souffle.

Durant cette longue période de violence et d’incertitude, les chrétiens de la Terre Sainte n’ont cessé de prier pour la paix. Aujourd’hui, ils souhaitent le retour à une vie normale et la reprise des pèlerinages, poumons spirituels et économiques de la région. Décryptage avec l’économe de la Custodie de Terre Sainte, F. Tony Choukry qui sera prochainement de passage à Paris.

F. Tony Choukry est économe de la Custodie de Terre Sainte
© Custodie de Terre Sainte

Propos recueillis par Marie-Charlotte Noulens

Paris Notre-Dame – Pouvez-vous présenter la Custodie de Terre de Sainte ainsi que ses missions ?

F. Tony Choukry – La Custodie de Terre Sainte est une entité franciscaine responsable de la préservation des lieux saints en Terre Sainte et chargée d’assurer le culte divin dans ces lieux au nom de l’Église universelle. Son territoire s’étend sur Israël, la Palestine, le Liban, la Syrie, Chypre, Rhodes et l’Égypte. Elle est aussi présente dans le monde entier par l’intermédiaire de ses commissariats de Terre Sainte en Europe, aux États-Unis, en Amérique latine et en Asie. Elle a aussi pour mission d’aider les chrétiens de Terre Sainte à rester et à vivre dignement dans leur pays. En ce sens, la Custodie les soutient sur plusieurs plans : l’éducation, l’insertion professionnelle et même l’accès à des logements sociaux. La Terre Sainte est le berceau du christianisme. La communauté chrétienne est certes ancienne mais très active dans chaque pays et investie dans tous les domaines de la vie publique : santé, éducation, politique… Aujourd’hui, notre mission est d’autant plus importante que le nombre des chrétiens en Terre Sainte ne cesse de chuter : ils ne représentent désormais que 2 % de la population totale.

P. N.-D. – Comment les chrétiens de Terre Sainte ont-ils vécu le conflit entre Israël et le Hamas ? Ont-ils été contraints de choisir un camp ?

T. C. – Le conflit à Gaza a exacerbé les tensions. Quelles que soient notre religion et notre place dans la société, nous vivions tous dans un climat malsain, pétri de peurs, de grandes souffrances et d’incertitudes. Les communautés chrétiennes n’ont pas voulu prendre parti. À leurs yeux, la Terre Sainte est le pays de tous. L’importance n’était pas tant de trouver un coupable que de mettre fin à la guerre et à ses conséquences. Ainsi, et je peux en témoigner, les chrétiens ont formé une grande communauté de prière, demandant à Dieu le retour de la paix. Le cessez-le-feu en vigueur est une lueur d’espoir. Nous cultivons, par nos actes et notre prière, cette paix fragile afin qu’elle soit durable. D’ailleurs, la paix n’est pas un idéal humain ou un critère pour vivre ensemble : elle est Dieu, la Parole incarnée à Bethléem.

P. N.-D. – Quel a été le rôle de l’Église et de la Custodie tout au long du conflit ?

T. C. – L’Église universelle a toujours œuvré pour la paix et la justice, en soutenant les initiatives de dialogue et d’aide humanitaire. L’Église en Terre Sainte et la Custodie ont répondu à la souffrance des peuples par des oeuvres concrètes : la prière – le patriarche latin de Jérusalem, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, s’est rendu plusieurs fois à Gaza visiter les chrétiens –, les distributions d’aides sociales, le maintien de l’activité scolaire… N’oublions pas que la Terre Sainte vit économiquement grâce aux pèlerins. Beaucoup de personnes ont perdu leur travail en raison de l’arrêt des pèlerinages. Cependant l’Église a tout fait pour maintenir les emplois. En tant que franciscain, je souhaite souligner l’importance de la solidarité et de l’espoir dans un contexte de conflit. Je pense aussi aux chrétiens du Liban et de Syrie qui font face à de nombreux défis. Il ne faut pas commettre le péché de chercher la cause du mal. Dieu ne fait pas de différence entre les hommes. Nous sommes tous des frères.

P. N.-D. – Le Custode, F. Francesco Patton, et le cardinal Pierbattista Pizzaballa ont lancé un appel aux pèlerins pour qu’il reviennent en Terre Sainte. Concrètement, est-ce possible ?

T. C. – Le Custode invite les pèlerins à revenir dans la mesure où les conditions de sécurité le permettent. Il le dit avec une grande foi. Nous avons l’espérance et la conviction que le Seigneur va maintenir la paix sur cette terre en dépit des conflits et contradictions qui existent. Dieu s’est fait homme en Terre Sainte. D’ailleurs, nous avons célébré, en présence du patriarche de Jérusalem, l’ouverture de l’année jubilaire à la basilique de l’Annonciation, à Nazareth, lieu où l’annonce de la venue du Prince de la paix. Si nous avons trois portes saintes pour le jubilé de l’Espérance – la basilique de la Nativité à Bethléem et du Saint-Sépulcre à Jérusalem –, sachez que toutes les portes de nos sanctuaires sont ouvertes pour offrir un lieu de prière et de rencontre avec Dieu à tous ceux qui le cherchent. Cette année, nous célèbrerons Pâques le même jour que les orthodoxes. La liturgie ne sera pas oecuménique mais ce sera un beau moment de communion entre chrétiens. Nous serions très heureux d’accueillir les pèlerins français, qu’ils soient consacrés ou laïcs.

P. N.-D. – Vous donnez des conférences en France, dont une à Paris en l’église St-Leu – St-Gilles (1er), le 7 février [2025] à 19h30. Est-ce une façon de casser les idées reçues des Occidentaux sur la région ?

T. C. – Les conférences ont plusieurs objectifs : faire connaître les chrétiens du Moyen-Orient, et particulièrement ceux qui souffrent, et inviter les Français à venir en pèlerinage. Comprenez bien : fouler le sol de la Terre Sainte n’est pas quelque chose d’anodin. Ceux qui s’y rendent sont à la recherche de réponses à des questions qui traversent leur existence. Bon nombre de pèlerins rencontrent Dieu ici et cela change leur vie. Le Seigneur de la paix est la Parole faite homme dans ce pays. Nous croyons, avec confiance et espérance, qu’Il sera toujours à l’oeuvre pour maintenir ce pays comme un lieu de rencontre pour tous les chercheurs de Dieu.

La Custodie de Terre Sainte en quelques dates et chiffres

 1342 : acte de naissance de la Custodie. Le pape Clément VI, par les bulles Gratias agimus et Nuper carissimae, confient aux frères franciscains la garde des Lieux saints (car ils sont les seuls latins tolérés par les musulmans après le siège de Damiette en 1218-1219).
 3 missions principales : assurer un culte catholique sur les lieux saints et les entretenir, accueillir les pèlerins de l’Église universelle, prendre soin de la communauté chrétienne locale.
 environ 60 sanctuaires : des plus célèbres comme le Saint-Sépulcre, la Nativité à Bethléem ou encore l’Annonciation à Nazareth aux plus secrets comme El-Qubeibeh, à 11 kilomètres de Jérusalem, la maison de Cléophas où les pèlerins d’Emmaüs auraient rencontré le Christ.
 sur 8 pays : Israël, Palestine, Liban, Syrie, Jordanie, Chypre et Rhodes, une partie de l’Égypte.
 environ 300 frères du monde entier et du Proche-Orient.
 15 écoles : à partir de 1550, les franciscains, avec l’ouverture de la première école paroissiale à Bethléem, suivie par celles de Jérusalem et de Nazareth, ont inauguré une longue tradition de formation scolaire des jeunes.
 27 paroisses réparties sur la région.

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