Arménie : « On veut chasser les chrétiens de cette région ! »

Paris Notre-Dame du 28 septembre 2023

Quelques jours après l’offensive militaire azerbaïdjanaise sur la région du Haut-Karabagh (peuplée en majorité par des Arméniens chrétiens), Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient et vicaire général de l’ordinariat des catholiques orientaux en France, décrypte la situation et nous en livre les enjeux.

Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient et vicaire général de l’ordinariat des catholiques orientaux en France.
© Guillaume Poli/CIRIC

Paris Notre-Dame – Quelle est la situation des 120 000 Arméniens du Haut-Karabagh ?

Mgr Pascal Gollnisch – Sans collaborateur sur place, pour des raisons de sécurité, il m’est très difficile de donner des éléments factuels. Cependant, la fermeture du corridor de Latchine depuis des mois a conduit les habitants du Haut-Karabagh à être privés des produits de première nécessité : nourriture, produits d’hygiène, médicaments, carburant, électricité... Leur angoisse est également immense : ils craignaient depuis des mois ce qui se déroule aujourd’hui ! C’est une véritable torture pour ces pères et mères de famille qui se préparent, à tout instant, à être bombardés et devoir prendre le chemin de l’exil, voire être tués. La communauté internationale, une fois de plus, ne s’est pas donné les moyens d’agir concrètement. Quelques parlementaires ont plaidé la cause des Arméniens et se sont rendus à l’entrée du corridor de Latchine, mais il n’y a pas eu de pression des plus hautes autorités. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : lorsque la présidente de la Commission européenne se rend à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, pour rencontrer le président, Ilham Aliyev ; lorsque nous continuons d’acheter leur gaz, nous autorisons l’Azerbaïdjan à écraser les Arméniens et à poursuivre ce génocide. L’Œuvre d’Orient n’acceptera jamais cette violence.

P. N.-D. – Pourquoi la France, et plus largement l’Occident, doivent-ils agir pour l’Arménie ?

P. G. – Nos liens culturels et historiques avec l’Arménie sont anciens et solides. La communauté arménienne en France est très importante : plus de 600 000 personnes parfaitement intégrées et qui, dans le même temps, ont réussi à conserver la particularité de leur très riche culture… Être aux côtés de tout peuple menacé de massacre ou d’épuration relève de notre devoir. La communauté internationale a permis, il y a quelques années, de fonder au Kosovo un État indépendant et majoritairement reconnu. Pourquoi ce qui a été possible paraît improbable pour l’Arménie ? Parce que les Arméniens sont des chrétiens. On veut chasser les chrétiens de cette région, voilà la réalité ! Et je crois que nous, chrétiens de France, avons une responsabilité particulière et sommes en droit d’interpeller les États pour faire respecter les libertés élémentaires, y compris la liberté religieuse. Je ne crois pas à la possibilité de négociations loyales, ni au rétablissement d’une relation de confiance avec l’Azerbaïdjan. Nous devons établir des rapports de force. Ce n’est pas ce que je préfère en tant que prêtre, mais il faut être réaliste. Seul un rapport de force économique, diplomatique, politique et militaire permettra de sauver l’Arménie.

P. N.-D. – Face à cette situation, que peuvent faire les Parisiens ?

P. G. – La prière reste le plus important. J’invite aussi les Français à approfondir leurs connaissances de l’Arménie et à se rapprocher des fidèles arméniens et d’origine arménienne de leurs paroisses. Mobiliser nos responsables politiques permettra aussi de faire avancer la situation, alors écrivons à nos élus et rassemblons-nous – comme ce 28 septembre, sur la place des Droits de l’Homme, au Trocadéro – pour manifester notre soutien ; sont conviés à cet événement – organisé par l’Œuvre d’Orient – non seulement les Arméniens et les représentants politiques, mais aussi tous les femmes et hommes de bonne volonté. Les armes se sont temporairement arrêtées, mais cette reddition arménienne ne signifie pas la fin des Arméniens du Haut-Karabagh. La question demeure car elle est historique. Cette région reste arménienne. Toute vie d’Arménien, toute église, toute tombe, toute croix sont désormais sous la responsabilité des autorités de l’Azerbaïdjan. Elles en sont redevables, nous ne l’oublierons pas.

Propos recueillis par Mathilde Rambaud

Les chrétiens d’Orient

Moyen-Orient