Le Liban, vers l’embrasement ?

Paris Notre-Dame du 10 octobre 2024

Alors qu’Israël affronte le Hezbollah sur le sol libanais, entraînant une riposte de l’Iran, l’avenir du Liban, pris dans l’engrenage d’une possible nouvelle guerre régionale, semble incertain. Eléments de décryptage avec Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient et vicaire général de l’archevêque de Paris pour l’ordinariat des orientaux catholiques en France.

Mgr Pascal Gollnisch est directeur général de l’Œuvre d’Orient et vicaire général de l’archevêque de Paris pour l’ordinariat des orientaux catholiques en France.
© Œuvre d’Orient

Paris Notre-Dame – Quelle est la situation actuellement sur place ?

Mgr Pascal Gollnisch – Nous savons qu’il y a, depuis le 1er octobre, des opérations en cours de l’armée israélienne au Sud-Liban. Pour l’instant, il s’agit d’incursions, mais on peut se demander à quel stade ce sera une invasion et à quel moment cela deviendra une occupation. Cela s’inscrit, encore une fois, dans cette idée que seule la violence peut arrêter la violence. Possiblement à court terme, les bombardements du Hezbollah sur le nord d’Israël cesseront peut-être grâce à ces opérations israéliennes ciblées. Mais cette violence d’aujourd’hui provoquera la violence de demain ou d’après-demain. Il faut trouver d’autres chemins, des chemins de paix. En tant que prêtre, en tant que chrétien, j’entends l’invitation du Christ à la paix que nous rappelons à chaque messe. La paix ne peut pas se construire par la spirale de la violence.

P. N.-D. – La montée des tensions dans la région fait craindre le pire, notamment pour les populations civiles. Quels sont les principaux risques actuellement ?

P. G. – On risque une guerre en profondeur. Les Libanais, qui ont une vraie conscience nationale, vivent cette agression d’Israël comme une agression contre leur peuple et leur nation. Ils se sentent visés par ces bombardements, par ces incursions de Tsahal [Force de défense d’Israël, NDLR], par les explosions des talkies-walkies et des bippers, qui n’étaient pas forcément tous aux mains de soldats du Hezbollah. Il y a ce sentiment d’une agression injuste du Liban. Il y a également un risque de guerre civile, sur fond de divisions religieuses, et de guerre régionale qui peut s’étendre jusqu’à l’Iran, et d’autres pays encore. Il y a des risques humanitaires graves. L’Œuvre d’Orient est mobilisée et le restera, mais malgré la générosité de nos donateurs, nous ne sommes qu’une association. Il faut que les organisations étatiques et internationales apportent leur aide, et pour l’apporter, il faut qu’il y ait une institution crédible au Liban.

P. N.-D. – Le Hezbollah, puissant politiquement au Liban, a été affaibli suite aux opérations israéliennes. Cela peut-il avoir des conséquences sur le blocage politique auquel fait face le pays ?

P. G. – Le camp chiite [représenté par le Hezbollah et le mouvement Amal, NDLR] s’est imaginé capable de prendre le pouvoir au Liban à lui tout seul. Le blocage institutionnel qui a empêché, jusqu’à aujourd’hui, l’élection d’un président et la formation d’un gouvernement, est largement de la responsabilité du Hezbollah, devenu, au fil du temps, un État dans l’État. Des drames affreux de ces derniers jours peut surgir au moins quelque chose : le déblocage institutionnel du Liban et nous y travaillons. Il faut des institutions démocratiques et claires, pour dialoguer avec les autres États, les ONG, mais aussi la diaspora libanaise. Cette diaspora sait qu’elle doit contribuer au redressement du Liban ; elle lui doit ce qu’elle est aujourd’hui. Mais elle ne va pas envoyer un soutien financier à des pouvoirs qui sont quasiment illégitimes ou corrompus. Le Liban est d’une alchimie particulière et ne peut exister que s’il y a une collaboration entre les chrétiens, les sunnites et les chiites. C’est son message, sa mission et c’est cela qui lui permet d’exister.

Propos recueillis par David Bini

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