Libres
Santos Blanco
Paris Notre-Dame du 3 octobre 2024
Cette semaine est sorti en salle le documentaire Libres, consacré à la vie monastique et réalisé par Santos Blanco. Un titre – paradoxal, pour des hommes et des femmes qui ont choisi de vivre cloîtrés – qui annonce la couleur : la promesse d’un voyage intime en terre d’Homme. Critique du père Denis Dupont-Fauville.
De l’autre côté du mur
Le documentaire sur la vie monastique, Libres, qui a déjà remporté un grand succès en Espagne, sort en France le 2 octobre. Le titre dit beaucoup : il s’agit en effet de comprendre ce qui donne aux moines et moniales leur liberté. Non seulement liberté de rompre les amarres avec un monde de plus en plus frénétique et exigeant, mais aussi liberté d’être eux-mêmes, toujours davantage, dans l’espace clos de leurs monastères. Ce n’est pas le moindre des paradoxes, en effet, de constater qu’apparemment coupés de tout et voués à la solitude, ces consacrés, à travers des combats qu’ils n’éludent pas, sont visiblement rayonnants et porteurs d’une présence bien plus grande que toutes nos quêtes de satisfaction immédiate. Pour montrer cela, la réalisation, derrière une simplicité de façade, joue sur les paradoxes : alternance entre le silence tumultueux de la nature et le calme de conversations individuelles, répétition du dispositif et diversité des interlocuteurs (par leurs âges, leurs parcours, leurs tempéraments), habits traditionnels des religieux qui affirment fortement leur identité sans donner pourtant aucun élément contextuel (les noms des congrégations et monastères ne viendront que dans le générique de fin), dénuement du cadre et richesse des propos. La contemplation va crescendo, suivant trois parties qui renvoient à ce que le Christ dit de lui-même chez l’évangéliste Jean (14, 6) : « Le Chemin », ou comment le désir d’absolu se transforme en nécessité de choix de vie ; « La Vérité », du monde, de soi et des autres, en présence de Dieu ; « La Vie », qui va jusqu’à l’accueil de la mort. Au bout, il y a l’amour, que ces témoins puisent en sa Source et qu’ils ne cessent de découvrir, comme dit un moine, « à l’avant-garde de l’Église », pour permettre à tous d’y accéder en tournant le dos à la peur. Plusieurs séquences sont bouleversantes, telle cette sœur se réjouissant de pouvoir vivre sa mort prochaine en compagnie de sa communauté, ou cette autre évoquant, dans un sourire, la rencontre avec Dieu d’un disparu qu’elle pleure. Certains procédés trop soutenus (abus de drones, musique emphatique) ou allusions trop discrètes (bibliques, liturgiques) ne sont que le revers obligé d’une pédagogie désireuse de toucher beaucoup de nos contemporains, ainsi mis au contact d’images splendides et d’enseignements aussi simples que profonds, inépuisables. « Dieu nous rend humains », confie un religieux. Pour voir comment, accordez-vous une heure et demie de liberté en compagnie de ces hommes et femmes, décidément Libres.
P. Denis Dupont-Fauville
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