Notre sœur la mort : une conception pascale de la mort
Raniero Cantalamessa
Notre sœur la mort, de Raniero Cantalamessa, Ed. Saint Paul.
Fiche de lecture rédigée par Viviane Tourtet, Pastorale des funérailles du diocèse de Paris. 2022.
Le Père Raniero Cantalamessa, franciscain et théologien, prédicateur de la Maison pontificale depuis 1980, nous livre dans ce petit ouvrage plusieurs méditations autour du thème de la mort, de notre sœur la mort pour reprendre la terminologie de saint François d’Assise, méditations fortement inspirantes pour nous chrétiens du XXIème siècle.
L’auteur nous rappelle que chrétien veut dire uni au Christ pour la vie et pour la mort. Nous savons que notre mort aura assurément lieu mais nous ne savons pas à quel moment elle interviendra ; tant que nous ne l’avons pas expérimentée, nous ne la connaissons pas et celui qui l’a expérimentée n’est plus là pour nous en parler.
Mais ce dont nous pouvons être sûrs, c’est que Jésus est mort pour tous, a « goûté la mort, au bénéfice de tous. » (He 2,9) Jésus est venu nous libérer de la peur de la mort et non l’augmenter. Le Père Cantalamessa nous invite à relire le dialogue entre Jésus et Marthe dans l’Evangile de Jean. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Jésus lui dit : « Je suis la Résurrection et la Vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » (Jn 11, 21-26). En tant que chrétien, nous vivons pour le Seigneur, ce qui revient à dire que mourir et vivre sont deux manières différentes d’être avec lui, dans le danger puis dans la sécurité. C’est pour nous que le Christ a goûté la mort, notre mort. Il nous a précédés. Comme nous nous identifions à lui et que nous grandissons en lui, nous nous approprions notre mort, nous en faisons l’expérience. On ne meurt donc pas seul mais avec lui. « Si nous mourrons avec lui, avec lui nous vivrons. » (2 Tm 2,11)
L’ouvrage aborde aussi les funérailles, rite de passage de la vie sur terre auquel l’Eglise et le clergé devraient, selon l’auteur, accorder une plus grande attention en restant à la fois humain mais en ne négligeant pas la grâce. L’auteur déplore l’augmentation des enterrements séculiers dans lesquels il n’est fait mention ni de Dieu, ni de mystère, ni de vie éternelle mais seulement du défunt. Un enterrement devrait être, selon le Père Cantalamessa, plein de foi, d’humanité et de compassion tout comme le Christ l’a été pour la veuve de Naïm ou encore pour Marthe et Marie, comme nous l’évoquions plus haut, après la mort de leur frère Lazare. Les funérailles devraient exprimer le plus possible le caractère pascal. Le Rituel des Obsèques mentionne dans son introduction « La liturgie chrétienne des funérailles est une célébration du mystère pascal du Christ Seigneur. » Pourquoi ne pas transformer les funérailles en d’authentiques liturgies pascales avec le chant de l’alléluia, la sérénité et la fête. « La mort a été transformée en victoire » (1 Co 15, 54).
La mort n’est pas seulement une terrible méthode pour apprendre à vivre, une menace mais elle est avant tout mystagogique, une voie pour pénétrer au cœur du mystère chrétien. « Ce n’est plus moi qui meurs, c’est le Christ qui meurt en moi. » (Ga 2, 20) Le Père Cantalamessa s’appuie sur cette approche pour aborder le délicat thème de l’euthanasie et nous convainc si nous ne le sommes déjà, en quelques lignes capitales, sur l’horreur qu’un tel acte devrait susciter chez le chrétien au plan de la révélation et de la grâce. L’auteur nous invite aussi en tant que membre de l’Eglise à afficher davantage d’enthousiasme par rapport à la vie éternelle, à s’engager dans le ministère de la « consolation », la visite des mourants.
Notre sœur la mort nous enseigne bon nombre de choses et si nous abordons nos problèmes « de notre lit de mort », tout change. La mort pédagogue nous empêche de nous attacher aux choses, aux êtres, nous apprend à nous détacher du passé, pour être prêts et libres. Bien des remèdes ont été recherchés par l’homme contre la peur de la mort, la progéniture souvent mentionnée dans l’Ancien Testament, la renommée, le genre ou l’espèce - l’homme disparait en tant qu’individu mais survit dans le genre humain immortel -, la réincarnation dans certaines cultures et religions mais le seul vrai remède, c’est Jésus Christ. L’auteur évoque les épîtres de consolation, genre littéraire de la littérature classique, notamment l
Participer à l’Eucharistie, nous rappelle l’auteur, est la meilleure manière de nous « préparer » à la mort. Nous avons reçu la vie en don pour pouvoir à notre tour l’offrir en don et en sacrifice à Dieu. Notre plus grande victoire est d’accepter notre mort en esprit d’adhésion à la volonté du Père. Pour aller au Père, il faut l’Esprit Saint. Le dépassement intervient au plan de la foi. De cette angoisse de la mort, on peut faire matière à offrande au Père, avec Jésus, dans l’Eucharistie ; ce qui compte, c’est la foi. Par la foi, on réalise que seule la venue d’un Dieu sur terre pouvait détruire la mort. Trois murs nous séparaient de Dieu, le mur de la nature a été abattu par l’incarnation, le mur du péché l’a été par la croix et le mur de la mort par la résurrection.
Pour clore le livre, un petit conte de Lauretta, auteur de fables et de contes connu en Italie, est proposé, résumant pour les enfants le contenu du livre du Père Cantalamessa,