Ordet
Carl-Theodor Dreyer
Paris Notre-Dame du 9 mars 2023
Chaque semaine, une œuvre cinématographique est présentée par le P. Denis Dupont-Fauville, afin de prolonger la réflexion et adopter une autre perspective sur le thème choisi et abordé par Mgr Bernard Podvin le dimanche qui suit.
Dieu fait du neuf aujourd’hui – Ouvrons les yeux !
« Ouvrons les yeux » nous invitent, cette année, les Conférences de Carême… Proposer un autre regard, voilà la démarche suivie par Paris Notre-Dame tout ce temps de Carême. Chaque semaine, une œuvre cinématographique est présentée par le P. Denis Dupont-Fauville, afin de prolonger la réflexion et adopter une autre perspective sur le thème choisi et abordé par Mgr Bernard Podvin le dimanche qui suit.
« Elle est vivante la Parole »
Ordet [1] (Carl-Theodor Dreyer, 1955). Un cadre très simple. Quelques demeures dans la campagne danoise des années 1920, où tout n’est que silence et vent. Depuis l’ombre de la maison, un personnage sort vers la lumière du jour pour monter au-dessus des talus, suivi par d’autres. La caméra, très mobile, balaie horizontalement les scènes, accompagnant les propos de chacun. Un univers rude, où l’on ne parle pas pour ne rien dire. Mots de la maisonnée pour aimer son prochain et s’occuper des bêtes, questions des enfants et gazouillis des amoureux, prières des communautés et citations d’évangile par un simple d’esprit, diagnostics du médecin et sentences des patriarches, cris d’enfantement et silence de mort. En quelques instants, ces personnages d’un autre monde nous deviennent intimes, vivant l’essentiel avec des gestes sobres.
L’intrigue tient en quelques mots. Des espoirs et des tensions, un amour et un deuil, tant de petits miracles et puis l’inattendu… Chaque cadrage est inépuisable, les longs plans fluides s’enchaînent avec évidence.
L’effort humain de naître et de mourir, de faire alliance comme de faire l’amour, est montré sans fard, avec une infinie pudeur, de plus en plus exactement à mesure que la Parole du Christ, d’abord « exotique », se fait entendre et prend du poids. Parole vivante du Vivant, Parole qui rencontre les nôtres et nous rend la Vie [2]. Parole qui donne accès au Réel et surgit comme une divine surprise.
Dieu nous entend-il ? L’entendons-nous ? Pas de discours, du concret. À ce degré d’incarnation, même un athée peut croire aux miracles.
Père Denis Dupont-Fauville
Voir aussi : Texte de la conférence de carême de Notre-Dame de Paris du 12 mars 2023.
[1] En danois, ce mot signifie « La Parole ».
[2] Le célèbre miracle où l’histoire culmine ne fait qu’exprimer un mystère auquel tout le film nous convie. Le premier personnage montré dormait sur son lit comme un gisant, avant de s’éveiller. Le dernier plan, quant à lui, nous fait voir l’homme et la femme debout, unis en un seul et double visage qui répète le mot « vie ».
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