Paris, archidiocèse depuis 400 ans
Paris Notre-Dame du 20 octobre 2022
Savez-vous pourquoi le roi saint Louis, rapportant depuis Constantinople la couronne d’épines à Paris, dut d’abord s’arrêter à la cathédrale St-Étienne de Sens (Yonne) pour y célébrer une messe ?
Tout simplement parce que le diocèse de Paris était suffragant du diocèse de Sens. Nous sommes alors en août 1239, et il faudra attendre le 20 octobre 1622 pour voir l’élévation du diocèse de Paris au statut d’archevêché métropolitain. Retour vers le passé avec le P. Florian Pignault, historien et chapelain adjoint à N.-D. du St-Sacrement (16e).
Paris Notre-Dame – Que s’est-il passé il y a tout juste 400 ans ?
P. Florian Pignault – Le 20 octobre 1622, le pape Grégoire XV, dans sa bulle Universi orbis, confirme l’élévation de l’évêché de Paris, jusqu’alors suffragant (dépendant de l’autorité, NDLR) de Sens, en archevêché métropolitain, lui annexant pour suffragants les trois diocèses de Chartres, Orléans et Meaux. L’archidiocèse de Sens était jusqu’alors immense, couvrant pas moins de sept diocèses suffragants : Chartres, Auxerre, Meaux, Paris, Orléans, Nevers et Troyes. Ce siège prestigieux était l’héritage d’une histoire ancienne, liée à l’empire romain et à la lente christianisation du Nord de la France. L’archevêque de Sens a longtemps exercé un primat sur les Gaules et la Germanie, avant que le titre ne soit attribué à l’archevêque de Lyon. Au XVIIe siècle, Sens a perdu de son importance et de son prestige, tandis que Paris croît. C’est l’époque de Pierre de Bérulle qui fonde l’Oratoire de Jésus et fait venir les carmélites à Paris. Ce dynamisme spirituel annonce les futures fondations de séminaire, et la création de plusieurs congrégations qui seront le visage de l’Église en France, désigné par le terme de l’École française de spiritualité, comme la compagnie des prêtres de St-Sulpice ou les Lazaristes de saint Vincent de Paul. Paris était devenu un centre politique, économique et religieux. Il était logique qu’il devienne un archidiocèse.
P. N.-D. – Concrètement, qu’est-ce que cela change ?
F. P. – Il y a bien sûr une dimension de symbole, d’autorité, de richesse et de prestige. L’archevêque de Sens recevra d’ailleurs des revenus en compensation de la perte de quatre diocèses. Mais au XVIIe siècle, les archevêques métropolitains n’ont plus les mêmes pouvoirs qu’à l’Antiquité, où ils avaient une véritable autorité sur les diocèses suffragants, pouvaient convoquer des conciles locaux et influencer les nominations d’évêques. Dans le cadre du concordat de Bologne, qui réglait alors les relations du royaume de France et de l’Église, les principales nominations étaient entre les mains du roi, avec une influence des évêques eux-mêmes, qui avaient tendance à favoriser des membres de leur famille pour leur succéder. C’est le cas des Gondi à cette époque-là.
P. N.-D. – Y a-t-il une dimension géopolitique dans le choix de faire de Paris un archidiocèse ?
F. P. – De fait, cette décision fait de Jean-François de Gondi le premier archevêque de Paris. C’est une famille extrêmement puissante dont plusieurs membres étaient très pieux. Le frère de Jean-François de Gondi était le protecteur de saint Vincent de Paul et cette famille a donné pas moins de quatre archevêques (successifs) à Paris. Nul doute que cette décision était à leur avantage, mais aussi à celui du roi Louis XIII, à une époque qui fait suite aux guerres de religion et à l’opposition nobiliaire de la Ligue, conduite par le duc de Guise. Il y avait une autorité à faire valoir.
P. N.-D. – Que reste-t-il aujourd’hui de cet héritage ?
F. P. – Paris est toujours un archidiocèse, qui a pour suffragants les diocèses d’Île-de-France. Aujourd’hui, un archidiocèse veille essentiellement à la communion entre diocèses, d’un point de vue pastoral mais aussi dans la mise en œuvre de projets en commun. Il reste également quelques vestiges du passé : à Notre-Dame, il y a toujours deux stalles, qui accueillaient autrefois l’archevêque de Sens d’un côté, et l’évêque de Paris de l’autre. On peut aussi admirer, dans le Marais (4e), l’Hôtel de Sens, un des plus beaux et plus anciens hôtels particuliers de la ville, où descendaient les archevêques de Sens lors de leur visite à Paris.
Propos recueillis par Charlotte Reynaud
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