Père Gaspard Deguerry, victime pendant la Commune de Paris

Nécrologie du père Gaspard Deguerry, curé de La Madeleine, extraite de la Semaine Religieuse de Paris du 17 juin 1871.

Paroissien de M. le curé de la Madeleine pendant près de vingt ans, fier de sa fidèle sympathie et initié à tous les détails de son ministère sacerdotal, nous croyons, pour honorer dignement sa mémoire, devoir reproduire les impressions qu’à son insu nous livrions, il y a quelques années, au public religieux. Le meilleur moyen de lui rendre justice, c’est de faire connaître simplement l’esprit qui l’animait et les œuvres qu’il a fondées. Après sa mort glorieuse, les faits parleront plus éloquemment que les appréciations les plus favorables.

Un des noms les plus connus et les plus populaires du clergé français est sans contredit celui de M. Deguerry, curé de la Madeleine. Nous pouvons ajouter qu’il est peu d’hommes qui aient déployé dans la prédication et le ministère sacerdotal la même activité et le même zèle. A l’âge de soixante-dix ans il entreprenait autant de travaux, faisait face à autant d’occupations que l’homme de quarante ans le mieux doué et le mieux organisé sous le double rapport des forces intellectuelles et physiques. Depuis près d’un demi-siècle on le trouvait toujours disposé à mêler son concours à une bonne œuvre, à se rendre auprès d’un mourant pour le fortifier et lui ménager une fin chrétienne, à monter en chaire pour gagner les cœurs à Dieu ou plaider la cause des pauvres ou des déshérités de la terre. C’est ce qui explique en partie la notoriété dont il jouit en France. Il n’est pas de prêtre, il n’est même pas de fidèle un peu lettré en province qui ne sache que M. Deguerry est curé de la Madeleine, et l’un des plus orateurs religieux du dix-neuvième siècle. Dans un de ses feuilletons, la Gazette de France faisait remarquer avec raison que M. le curé de la Madeleine est un des trois ou quatre hommes que le public reconnaît dans les rues de Paris.

Celui qui, sans le connaitre, entendait M. Deguerry dans la chaire de la Madeleine, faisant le prône et le sermon de vêpres, ou le voyait dans une rue de Paris, se rendant auprès d’un malade ou d’un malheureux, devait se dire : « Je doute que ce prêtre ait encore atteint sa soixantième année, et à cet âge Dieu lui a conservé une bien riche et vigoureuse organisation. » Celui qui tient ce langage ferait preuve d’un talent incontestable d’observation ; et la vérité est cependant que M. Deguerry est né en 1797, la même année que M. Thiers, avec lequel il entretenait depuis longtemps les plus cordiales relations. Il en avait de même nature avec M. de Lamartine. Notre intention n’est point de tracer une rapide esquisse des travaux et de la vie si occupée et si infatigable de M. Deguerry. Nous qui l’avons suivi d’un œil attentif et sympathique dans les nombreuses situations où la Providence l’a placé, nous affirmons qu’il faudrait un gros volume pour livrer au public une biographie un peu complète. Nous nous bornerons donc à l’étudier au point de vue des grandes qualités oratoires et curiales, et de l’influence qu’il a exercée dans la société parisienne.

M. Gaspard Deguerry est un enfant du Lyonnais, de ce pays profondément catholique, qui a donné à l’épiscopat tant d’illustres pontifes, à la chaire tant d’éloquents orateurs, à l’Eglise de Jésus-Christ tant de généreux missionnaires et d’héroïques religieuses. C’est toujours avec une profonde vénération et filiale reconnaissance que nous prononçons le nom de cette antique et sainte Eglise de Lyon qui, depuis les Polycarpe et les Pothin, n’a cessé de briller dans l’Eglise catholique par la charité, le zèle, le prosélytisme, l’abnégation et l’esprit de Jésus-Christ. C’est vraiment aujourd’hui plus que jamais le diocèse militant, le diocèse des œuvres évangéliques, le diocèse qui, non content de se suffire à lui-même, envoie dans toutes les régions de l’univers des apôtres pour y étendre le royaume de Jésus-Christ et des secours matériels pour y soulager toutes les infortunes.

On sent que M. Deguerry avait été formé à cette puissante école et qu’il y avait puisé dès sa plus tendre jeunesse l’ardente activité et la sève apostolique que nous admirons en lui. Encore enfant, il résolut de s’enrôler dans la milice du Seigneur. Il fit de brillantes et solides études, édifia toujours ses condisciples par la franchise et la loyauté de son caractère, montra de bonne heure une admiration significative pour les chefs-d’œuvre des grands maitres de l’éloquence, et reçut la consécration sacerdotale, à peine âgé de vingt-trois ans.

S’il n’avait écouté que les élans de son zèle, il se serait aussitôt engagé dans la carrière de la prédication pour mieux faire connaître et mieux aimer Jésus-Christ. Mais les talents les plus précoces ont toujours besoin d’être mûris par la réflexion et l’étude. Ses supérieurs lui confièrent pendant quatre années l’enseignement de la philosophie, de la théologie et de l’art oratoire. Il remplit cette mission avec le plus grand succès. Nous n’en voulons d’autre preuves que la reconnaissance inaltérable que lui ont toujours conservée un grand nombre d’ecclésiastiques, heureux et fiers de le compter au nombre de leurs maîtres. En instruisant les autres il se fortifiait lui-même dans les différentes branches de la science ecclésiastique, et en 1824, à l’âge de vingt-sept ans, il fit ses débuts dans la carrière oratoire, à laquelle il était évidemment appelé, en évangélisant non pas une paroisse, un diocèse, mais la France entière.

Pour se faire une idée des difficultés que présentait une telle entreprise et des résultats qu’elle a produits, jetons un rapide coup d’œil sur la situation religieuse de la France pendant la restauration. Le frivole scepticisme du dix-huitième siècle et l’absence de tout culte pendant les saturnales de la Terreur y avaient causé de lamentables ravages. L’ignorance et l’indifférence d’un côté, l’irréligion de l’autre, semblaient inspirer les trois quarts de la classe lettrée et influente. Les églises étaient peu fréquentées, et la parole des missionnaires, qui devait éclairer les uns et toucher les autres, était accueillie avec plus de défiance que de respect.

Il est évident que la vieille foi et le vieux culte de la France comptaient d’implacables adversaires. Il faut avoir vécu à cette époque pour se faire une idée des haines du fougueux prosélytisme du parti qui se rattachait aux impiétés du dernier siècle et s’opposait à la réhabilitation populaire des principes religieux. On ne se contentait pas de réimprimer les œuvres les plus dangereuses ; on avait recours à la calomnie, au dénigrement, au scandale, à la propagande occulte et publique de tous les préjugés, de tous les mensonges, pour surexciter les passions et s’en faire une force contre l’autorité morale que l’Eglise s’efforçait de rétablir.

M. Deguerry évangélisa la plupart de nos grandes cités, et partout sa parole fut non-seulement remarquée, mais encore très-goûtée. Il avait une voix sympathique et d’une merveilleuse sonorité, un geste assuré et hardi, une ardente conviction qui se communiquait facilement à ses auditeurs. Ensuite il connaissait bien les besoins et les tendances de l’époque ; il faisait abstraction d’un préjuge, évitait tout ce qui pouvait aigrir, ménageait le malade lorsqu’il ne pouvait supporter l’application d’un remède énergique ; mais n’hésitait jamais à mettre la main sur la plaie lorsqu’elle donnait de sérieuses espérances de guérison. On se souvient encore à Lyon, a Toulouse, à Bordeaux de la vive impression et des consolants résultats qu’y ont produits ses prédications.

C’est surtout aux hommes de bonne foi, aux esprits qui cherchent la vérité, que M. Deguerry adressait ses vigoureux enseignements. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait opéré de nombreuses conversions dans une société malade dont la plupart des membres ne demandaient pas mieux que de trouver un bon médecin et un bon remède.

Pendant les dernières années de la restauration, il prêcha en présence de la famille royale, et elle fut la première à le féliciter de l’élévation et de la vigueur de sa parole. On lui sut gré de la sainte liberté avec laquelle il rappelait les austères enseignements de l’Evangile aux grands de ce monde trop disposés à les oublier. C’est de cette époque que date l’inaltérable attachement que lui vouèrent plusieurs illustrations politiques. Citons, entre autres, M. de Villèle, l’incomparable ministre des finances ; M. de Chateaubriand, qui le regardait comme un de ses plus fidèles amis et auquel il sut si bien rappeler et faire remplir tous les devoirs religieux sur son lit de mort, comme l’atteste une lettre historique publiée en 1848 par le Journal des débats, quelques jours après la mort du célèbre écrivain.

Après la révolution de 1830, M. Deguerry ne se laissa point déconcerter par la réaction qui s’opéra contre le clergé. Il continua ses prédications avec autant d’ardeur et plus de succès. En face des idées subversives qui éclataient avec une menaçante audace, on comprit que les idées religieuses étaient le meilleur moyen de contenir les hommes dans le devoir, et ceux qui avaient le plus vivement combattu, quelques années auparavant, le zèle apostolique des ministres de Jésus-Christ, furent les premiers à les tolérer et à les approuver. Il est évident que si le clergé était moins en faveur auprès des gouvernants, l’Eglise gagnait plus de terrain dans toutes les choses sociales.

Pendant l’espace de dix années, il fut encore appelé dans les grands centres de la France pour y prêcher les stations de l’avent et du carême. Nous connaissons plusieurs familles notables qui ne dissimulent point que c’est à ces prédications qu’elles sont redevables de leur retour aux pratiques religieuses. Nous ne croyons pas qu’on puisse faire devant Dieu et devant les hommes un plus sérieux éloge d’un prédicateur.

En 1844, Mgr Affre, archevêque de Paris, désirant l’attacher à son diocèse, le nomma chanoine titulaire, puis archiprêtre de Notre-Dame. Il ne tarda pas à devenir, par son exactitude proverbiale à l’office et l’administration intelligente de sa paroisse, le modèle du chanoine et du curé.

La paroisse de Notre-Dame n’était pas une paroisse anitique et riche en bonnes œuvres. M. Deguerry s’y voua tout entier au ministère de l’instruction, de la moralisation et de la charité. Autant dans les grandes villes de France la classe riche et lettrée appréciait sa prédication, autant le peuple de la Cité se pressait autour de la chaire de Notre-Dame pour entendre la parole virile et souvent sévère de son pasteur.

Son gouvernement y fut de courte durée, mais fécond en résultats chrétiens. La cure de Saint-Eustache étant devenue vacantes, l’archevêque, qui voulait remuer ce centre à la fois populaire et commerçant, y envoya M. Deguerry. Ces témoignages répétés de confiance de la part du savant et saint pontife, qui est une des gloires de l’Eglise, sont plus significatifs que tous les commentaires dont nous pourrions accompagner ces différentes nominations.

M. Deguerry était curé de Saint-Eustache lorsque éclata la révolution de 1848.

Pendant ces jours agités, il déploya une grande énergie pour maintenir le peuple dans l’ordre et le respect des lois, et plus d’une fois son seul ascendant moral suffit pour dissiper sur sa paroisse des attroupements menaçants. Convaincu qu’il y avait un grand intérêt pour l’Eglise et le pays à ne négliger aucun des droits et des devoirs du citoyen, il put combattre avec succès, dans les assemblées publiques, les préjugés de la foule et lui donner une véritable idée du ministre de Jésus-Christ. A Saint-Eustache comme à Notre-Dame, il se préoccupa avec la plus vive sollicitude des intérêts spirituels de ses paroissiens et y établit ou consolida plusieurs œuvres de prosélytisme et de bienfaisance qui y feront longtemps bénir son nom.
A la fin de l’année 1848, Mgr Sibour, le successeur de Mgr Affre, le nomma à l’importante cure de la Madeleine.

Nous n’avons nul besoin de faire ressortir les qualités de l’orateur et de l’administrateur qu’il a déployées dans ce centre aristocratique, financier et officiel, ni la haute estime et les profondes sympathies qu’il y a conquises ; elles ne sont un mystère pour personne. Les différents pontifes qui se sont succédé sur le siège archiépiscopal de Paris ont toujours rendu hommage au zèle sacerdotal, à l’éloquente parole, aux succès évangéliques de M. Deguerry ; et, ce qui vaut peut-être encore mieux que ce légitime hommage, les différents gouvernements qui se sont succédé en France ont tous professé une sympathie et une estime manifeste pour l’éminent curé qui savait se rendre si recommandable par son dévouement apostolique, son infatigable activité et incontestable ascendant sur les différentes paroisses qu’il a été appelé à gouverner. M. Deguerry, en effet, a eu le rare talent de se tenir toujours au-dessus des agitations et passions politiques, d’éloigner de son ministère sacerdotal tous les éléments humains qui auraient pu en affaiblir l’action, de chercher avant tout, non ce qui plaît aux hommes et flatte leurs sympathies ou antipathies du moment, mais ce qui importe à la glorification Dieu, au triomphe de l’Eglise et au salut des âmes.

Aussi voit-on des hommes de toutes les opinions, de tous les partis, l’appeler avec une égale confiance lorsqu’ils veulent se préparer à la réception des sacrements ou au passage final du temps à l’éternité. Il n’y a pas bien longtemps, nous nous trouvions mêlé, la veille de Pâques, à un groupe nombreux d’hommes qui stationnaient silencieux et méditatifs, à la Madeleine, devant son cabinet de confession.

Entre autres illustrations politiques, nous y reconnûmes trois anciens ministres, l’un du gouvernement de Juillet, l’autre de la république, le troisième de l’empire. En face d’une sublime religion qui s’occupe avant tout des intérêts éternels de l’homme et d’un ministre qui la représentait si bien, le politique avait disparu, le chrétien seul restait.

Quelque populaire que soit cependant M. Deguerry, c’est à son grand talent, à son grand cœur, à sa prodigieuse activité, et non à des ménagements étudiés par le public, qu’il faut attribuer les chaleureuses sympathies dont il jouissait. Il n’est pas d’orateur qui s’attaque aux vices de la société et même aux travers d’une paroisse avec une vivacité aussi caustique, une franchise aussi impitoyable. Quand il flétrit du haut de la chaire l’égoïsme humain, les abus du luxe, la soif de l’or, le culte excessif des intérêts matériels, c’est moins en prédicateur plein de condescendance et de mansuétude que Cicéron protestant avec toute sa fougue oratoire contre les crimes subversifs de Catilina.

Quand les intérêts de la religion et de la vérité l’exigent, il ne craint pas de s’attaquer aux écrivains les plus célèbres et les plus formidables. On n’a pas oublié sa lettre si sévère et si digne qu’il adressa à M. Sainte-Beuve lorsque ce critique se permit d’émettre sur la fin chrétienne de M. de Chateaubriand des doutes aussi peu convenables que contraires à la vérité. Nous voudrions que tous ceux qui nient ou altèrent les faits les plus incontestables et les plus consolants au profit de mesquines passions et d’étroits préjugés pussent recevoir d’aussi utiles leçons.

Après avoir dessiné les grandes lignes de l’orateur et du curé, entrons dans quelques détails intéressants que nous tenons de quelques-uns de ses amis et de ses vicaires. Ayant eu nous-même le bonheur d’être, en 1848, 49 et 51, de ses paroissiens les plus assidus, nous pouvons en garantir la parfaite exactitude.

M. Deguerry faisait marcher de front les occupations les plus diverses et les plus compliquées. Aucun de ses intérêts paroissiaux n’échappait à sa vigilance et à sa sollicitude. Il attachait à tous la plus grande importance. On le voyait également faire un prône ou un sermon de charité devant l’assemblée la plus brillante, et adresser une paternelle allocution aux orphelines des sœurs de la Charité et aux élèves des écoles communales ; présider avec le même empressement au convoi d’un ministre ou d’un président du corps législatif et au convoi gratuit d’un concierge ou d’un ouvrier ; se préoccuper des moyens d’administrer les derniers secours de la religion aux grands et aux petits, aux privilégiés et aux déshérités du siècle.

Parmi les œuvres qu’il a fondées, signalons particulièrement l’asile Sainte-Anne, où l’on reçoit plus de cent quinze dames âgées qui après avoir vécu dans l’aisance et avoir même occupé des positions élevées, se trouvent sans ressources totalement ou sans ressources suffisantes à la fin de leurs jours. On assure que les seuls frais d’achat de terrain et de construction de cet établissement, unique son genre, ont atteint un chiffre énorme. L’entretien exige chaque année des dépenses considérables, et cependant M. Deguerry voyait avec la même générosité aux besoins des œuvres si nombreuses de la Madeleine et, en outre, donnait de larges secours à d’autre œuvres charitables.

Tout ce qu’il faisait était frappé au coin de la distinction et de la dignité, soit qu’il officiât à la Madeleine ou catéchisât les enfants soit qu’il présidât une assemblée de dames de charité ou une réunion d’ouvriers. Beaucoup d’hommes notables doivent à son énergique initiative l’inappréciable faveur d’avoir reçu dans leurs derniers moments les secours de la religion. Son autorité, son habileté pourquoi ne pas ajouter sa hardiesse ? aplanissaient, dans ces délicates occasions, les plus grandes difficultés.

Malgré ses relations avec les personnes haut placées, il n’oublia jamais qu’en qualité de pasteur il se devait tout à tous. Rappelons, à cette occasion, qu’à la mort de la duchesse de Parme il s’empressa de célébrer lui-même le service funèbre qui eut lieu à la Madeleine, et de donner à ce service toute la solennité possible. Il y a quelques années, il adressait à ses paroissiens les paroles les plus élevées et les plus touchantes sur les admirables qualités et la mort plus admirable encore du général Lamoricière.

Parmi les œuvres qu’il a publiées, on signale deux panégyriques de Jeanne d’Arc, le carême qu’il a prêché aux Tuileries, une retraite prêchée aux conférences de Saint-Vincent de Paul, et plusieurs remarquables articles insérés dans les encyclopédies catholiques.

En 1861, un décret impérial le nomma à l’évêché de Marseille, vacant par la mort de Mgr de Mazenod. Il eût été difficile de faire un meilleur choix ; cependant, préoccupé du lourd fardeau de la charge épiscopale, il prouva que l’abnégation, pas plus que le talent, n’est rare dans le clergé, en déclinant l’honneur de l’épiscopat. Ce refus ne pouvait qu’augmenter l’estime et la reconnaissance que lui ont vouées ses paroissiens.

Lorsqu’à l’époque des fêtes de la canonisation des martyrs japonais, le cardinal-archevêque Mgr Morlot présanta à Pie IX les surés et autres prêtres de Paris présents à Rome, Sa Sainteté regretta ne pas y voir M. le curé de la Madeleine, ajoutant qu’elle aurait été très-heureuse de donner sa bénédiction à un prêtre éminent et bien-aimé qui avait refusé avec tant de modestie l’évêché de Marseille.

L’année suivante, M. Deguerry se rendit à Rome pour y recevoir cette bénédiction du vicaire de Jésus-Christ, et nous doutons que dans sa longue carrière il ait gouté un bonheur semblable à celui qu’a dû lui procurer ce témoignage si bienveillant et si délicat du vicaire de Jésus-Christ.

La révolution du 4 septembre ne fit qu’augmenter son zèle pour moralisation des classes laborieuses. Il aimait à répéter, au milieu des tristes désastres qui accablaient la France, qu’en dehors de Jésus-Christ et de sa sainte doctrine il n’y a pour les individus et les peuples qu’épreuves, illusions, ruines matérielles et morales. Les Derniers moments de sa vie sont trop connus pour que nous songions à les retracer. Arrêté par ordre de la commune le mercredi saint, transféré d’abord à la préfecture de police, puis à Mazas, enfin à la Roquette, il a su pratiquer au milieu de ces pénibles épreuves l’esprit de patience et de sacrifice, comme il pratiquait dans le ministère paroissial l’esprit de charité et de dévouement.

Nous nous bornons à signaler à l’attention de ceux qui l’ont aimé et connu la belle parole que le samedi 20 mai il adressait à un honorable avocat qui le voyait pour la dernière fois : « Si je savais que mon sang fût utile à la religion, je me mettrais à genoux devant ceux qui m’ont arrêté pour les prier de me fusiller. » – G. D’Autefort.

Source : La Semaine Religieuse de Paris, 17 juin 1871, pages 462 à 469.

 Le mur devant lequel le père Gaspard Deguerry a été fusillé à la prison de la Roquette est conservé au Séminaire Saint-Sulpice.

Les martyrs de la rue Haxo