Pierrille témoigne

Je suis née pendant la guerre, avant terme, le démarrage dans ma vie n’a pas été facile, pour mes parents et moi.

C’est à l’âge de 11 ans que j’ai su que j’étais sourde car un ORL nous a dit à mes parents et moi « votre fille est sourde ».
Oui, j’écorchais souvent les mots et j’avais le droit à un sourire car ce mot devenait mignon …dans ma façon de le prononcer.
C’est une époque qui n’avait pas de connaissance sur la surdité.
Mes larmes n’ont jamais été comprises dans le fait que j’étais malentendante : je faisais exprès, pas attention etc...Et des punitions, j’en ai beaucoup eu, ce que je trouvais plus qu’injuste car je n’avais pas entendu les appels.
Mes larmes ne faisaient rien, j’étais courageuse et j’oubliais.
Oui, la surdité moyenne est difficile à vivre et on ne pouvait pas savoir si vraiment j’étais malentendante.
Petite il a fallu que je cherche le moyen de comprendre et je lisais sur les lèvres et lorsque j’avais quelques mots je fabriquais des phrases.
A l’école l’intégration ne se faisait pas. Heureusement j’ai eu des amis qui m’ont aidé à vivre mais pas faire des études. J’étais au premier rang, mais un professeur qui tourne le dos, qui parle en marchant me rendait folle et je donnais sans honte une feuille avec les mots que j’avais captés. De toute façon ce n’était pas de ma faute et c’était pour faire comprendre qu’il y avait un problème. Au de cela, j’étais considérée comme « bête » mais je savais que ce n’était pas le cas pour moi.
Chez ma grand-mère devant la télévision j’ai compris que je ne pouvais pas suivre Alors, j’ai vraiment pleuré et j’ai eu le droit de ne plus voir la télévision.

Mon premier audiogramme à 11 ans fut assez drôle car il s’agissait de presser un bouton pour signaler que je n’avais pas entendu un son ; mais j’ai vite compris que, si je n’appuyais plus, les images sautaient, alors je me suis mise à appuyer avec force, même si je n’avais pas entendu, afin d’avoir toute l’histoire. Le médecin a dû changer sa méthode.
Vers 16 ans ma marraine avait compris ma souffrance. Mon handicap a fait un grand pas lorsqu’elle m’a emmenée dans une maison de retraite pour rencontrer un vrai sourd, comme elle m’a dit.
Pour me confesser, ce prêtre m’a dit « Je suis sourd et il avait un appareil, comme une corne de vache et je devais crier très fort ; je n’étais plus la seule au monde, sourde, car je me croyais unique.
J’avais 60% de perte. Ce n’était pas trop mais pour la vie de tous les jours c’était un manque et en plus, pas appareillable ; et c’est seulement à 18 ans qu’on a essayé. J’ai du patienter 2 ans pour m’habituer à ce corps étranger qui par la suite m’a donné beaucoup de joie : entendre enfin les oiseaux de notre créateur, apprendre les bruits comme le tic tac d’un réveil c’était étrange et bon. Le froissement du papier d’un journal était parfois fatiguant.
De ce jour je n’avais plus de larme.
J’ai su sortir de mon isolement en rencontrant des sourds. Grâce à ma mère, qui avait une voix aigue et, aussi à ma grand-mère maternelle qui, avant de mourir, a demandé à sa fille, ma mère, que je rencontre des personnes qui avaient le même handicap.
J’ai voulu aider mes amis qui souffraient du même handicap, ayant trop souffert en Eglise (Monsieur le curé ne fait pas deux sermons dont un pour les sourds) et dans la vie courante, j’ai pris leur défense là où je pouvais le faire.
Sortant parfois d’une confession sans savoir ce que disait le prêtre, je m’inventais mes prières de pénitence qui me semblaient faciles ou bien je demandais à un voisin, mais parfois je fus renvoyé par un Prêtre qui me posait des questions que je n’entendais pas, il criait plus fort mais je ne comprenais pas plus, je suis sortie et le prêtre m’a suivi, je pleurais en disant à ma mère que je ne comprenais pas, maman avec gentillesse lui a indiqué que j’étais dure d’oreille, la réponse : « ce n’est pas une raison pour ne pas répondre à mes questions ! »
Un jour en vacances dans ma famille nous sommes allés avec ma cousine « En Confesse » comme on dit à la campagne. Le Prêtre me posait des questions auxquelles je ne comprenais rien j’ai vit saisi que c’était la liste de mes péchés et je répondais par oui ou non ; si j’avais un doute, il me disait « un petit peu… », mais je n’ai pas compris la pénitence. En sortant ma cousine me demande : « alors ta pénitence ? » je lui ai avoué ne pas avoir compris.
Sa réponse : « Ne t’inquiète pas nous devons tous balayer l’église car le curé veut une église propre pour la fête de demain » Nous y avons mis tout notre cœur pour le Seigneur et j’ai trouvé cela génial.
Je ne cacherais pas les incompréhensions de l’Eglise à mon égard mais qui fait tout de même de gros efforts pour les sourds et les malentendants, il faut le reconnaitre.
Parfois une messe avait lieu à Saint-Jean-Baptiste de la Salle avec boucle magnétique. Le grand manque ce sont les homélies. Nous souhaitons avoir un vidéo projecteur et une personne qui tape les paroles du prédicateur. Cela viendra un jour j’espère, mais je manque de matériel et d’aide pour cela.
Aujourd’hui je voudrais dire à mes amis qui souffrent de cet handicap, il faut oser en parler avec les prêtres, leur dire que la surdité cela existe ; Ils ne savent pas. Il est vrai aussi que parfois nous avons mauvaise réputation et on nous fait comprendre que le temps est court pour parler de surdité mais je crois que nous devons être écoutés te trouver une âme charitable qui voudra bien nous comprendre.
Car aujourd‘hui n’est comme hier. Nous avons comme toute personne le droit à l’écoute, il y a du matériel comme boucle magnétique, vidéo projecteur, très moderne ! Grâce à tout cela nous pouvons projeter les textes écrits sur un écran.
A défaut, nous avons la possibilité de chercher des homélies sur un site ou autre, car il est vrai, que cela nous manque cruellement.
L’Eglise doit savoir que, souvent nous désertons les églises pour regarder la messe à la télévision qui est sous-titrée ; hélas, il n’y a pas de présence réelle mais enfin la messe est compréhensible.
Je pense que j’ai un appel à vivre mon handicap et si je suis là c’était pour apprendre, ce que je n’aurais pas pu comprendre, ce que vivent les malentendants ou les devenus sourds.
Des efforts il faut en faire trop souvent, car la surdité ne se voit pas.
Chers amis handicapés de l’ouïe, ne faisons pas semblant d’être normaux ; ayons le courage de vivre et de dire "aidez-moi à suivre la messe en soulignant avec le doigt la célébration."
J’ai vu tant de jeunes avec un cœur tout joyeux et heureux d’avoir pu aider les sourds de cette manière.
Il y a aussi de multiples façons d’agir en Eglise : quand on aime nous pouvons faire le bien.
Je réponds aux demandes de mon curé ; porter le communion a domicile et dans une maison de retraite, et je suis à la disposition quand il y a du travail à faire pour la paroisse comme mettre sous enveloppes, coller des macarons sur le journal l’Invisible…

Informations pour les Devenus sourds et malentendants
Vous avez la possibilité d’avoir une boucle Magnétique individuelle  : elle peut vous aider pour les conférences, cinéma etc.
Pour ceux qui ont la position « T » sur leur prothèse, nous pouvons vous aider : prenez contact avec nous.
Si vous avez besoin d’une visite lorsque vous êtes hospitalisés  : faites une demande soit à l’aumônerie de l’Hôpital, ou écrivez-nous, par mail nous ferons le nécessaire pour vous aider.
Si vous voulez recevoir les sacrements, lire la Bible ou échanger sur un sujet qui vous intéresse nous pourrions faire un groupe
Aide aux enfants sourds de Madagascar  : Vous pouvez nous donner des prothèses auditives, des jeux éducatifs, des gommettes et des feuilles pour le coloriage d’animaux, maisons, des scènes de vie dans la rue à la ferme Des animaux en plastique. C’est très important pour eux, merci d’avance.
Pierrille De Waziers
pierrilledewaziers@free.fr
06 61 17 39 15

Devenus sourds
Contact

Coordinatrice Pastorale des Sourds
Agnès KHOUAS-PETIT
sourds.catholiques@diocese-paris.net
06 09 41 70 93
(SMS uniquement)
www.sourds.paris.catholique.fr