Pourquoi ne pas travailler un dimanche ?
Paris Notre-Dame du 29 janvier 2015
P.N.-D. – Les députés examinent depuis lundi 26 janvier la loi Macron sur la libéralisation du travail le dimanche dans les commerces. Pensez- vous que cette loi soit nécessaire ?
P. Baudoin Roger – Je suis sceptique quant aux retombées économiques de l’ouverture des magasins le dimanche. Les besoins des consommateurs n’en seront pas augmentés pour autant ! Et s’il s’agit d’étendre la liberté de consommer, la réflexion devrait davantage porter sur le besoin de retrouver une liberté par rapport à l’acte d’achat. Dans une perspective chrétienne, le repos dominical rappelle que la finalité de l’homme est la communion avec Dieu, non le travail ou la croissance. Mais il n’est pas une condamnation du travail. En effet, lors de l’offrande du pain dans la célébration eucharistique, l’homme offre à Dieu le produit de son travail. À nos contemporains qui tendent à considérer la négativité du travail en le pensant comme une forme d’aliénation, dont il faudrait par tous les moyens diminuer la durée, l’Église suggère au contraire que le travail est un bien de l’homme. Il humanise celui qui l’accomplit, mais il n’est pas le tout de l’homme. Le repos du dimanche nous rappelle que le travail doit rester ordonné à l’humanisation de l’homme, que le travail est pour l’homme, et l’homme pour Dieu.
P. N.-D. – Quelles seraient les conséquences sociales de la libéralisation du travail dominical ?
P. B. R. – Le danger est que l’emprise du travail devienne telle qu’elle affaiblisse d’autres sphères de socialisation, notamment la vie familiale. C’est déjà le cas aujourd’hui : beaucoup de travailleurs ont des horaires décalés et les moyens de communication tendent à faire du temps privé un temps de travail comme un autre. S’il n’existe plus d’espace pour des temps communs, comment éviter que la structure familiale se délite ? L’exemple des États- Unis, où de nombreuses familles ne prennent jamais un repas ensemble, sauf pour Thanksgiving, ne paraît pas un modèle… La vie sociale, dans un sens large, s’en trouverait également affectée. Pour que les gens puissent se retrouver autour d’activités sportives, associatives, ou autres, il importe qu’il y ait un jour de repos commun à tous.
P. N.-D. – De quel droit imposerait-on de ne pas travailler le dimanche, alors que le travailleur y trouve un intérêt économique ?
P. B. R. – Y voir l’expression d’une liberté individuelle est un leurre. Consentir à travailler le dimanche est déjà une condition d’embauche dans de nombreux cas. Une fois que le travail dominical sera généralisé, fera-t-il longtemps l’objet d’une compensation salariale ? Il faut cependant veiller à ne pas être trop dogmatique. Nous ne comprendrions pas que les hôpitaux ne soient pas ouverts le dimanche, par exemple. L’ouverture des magasins le dimanche ne relève pas d’une telle nécessité. Il faut donc garder la vision claire que le travail le dimanche n’est pas un bien en soi, mais qu’il peut être justifié par un bien plus grand. • Propos recueillis par Pauline Quillon