“Sur cette pierre” : le réveil de l’orgue
Troisième épisode du podcast “Sur cette pierre” : le réveil de l’orgue. Entre liturgie, patrimoine et enseignement, franchissez la porte de l’église et plongez au cœur de l’Église. Quand on ouvre une église pour la première fois – ou qu’on la rouvre – chaque geste de bénédiction revêt un sens profond. Le Père Bertrand Dufour, chapelain de Notre-Dame, nous dévoile la signification de ce rituel.
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Le réveil de l’orgue
Le jour où l’évêque dialogua avec un orgue… non ce n’est pas le titre d’un roman à suspens, mais une réalité que nos églises qui renferment un orgue ont sans doute vécu. Si vous vous adressiez à l’orgue de bon matin, en lui disant : « Éveille-toi, orgue, instrument sacré », vous seriez surpris qu’il vous réponde. Et pourtant c’est ce que les orgues font lors de leur bénédiction, comme celui de Notre-Dame de Paris, lors des célébrations de la réouverture. L’orgue est béni pour permettre aux fidèles d’exprimer par la musique ses joies et ses peines.
Le concile Vatican II rappelle qu’« On estimera hautement, dans l’Église latine, l’orgue à tuyaux, comme l’instrument traditionnel dont le son peut ajouter un éclat admirable aux cérémonies de l’Église et élever puissamment les âmes vers Dieu et le ciel ».
L’orgue dans la liturgie, n’est pas seulement là pour nous aider à bien chanter, pour accompagner les chants ou prendre la bonne note. Il est bien plus qu’un accompagnateur de cantiques. A travers les pièces qu’il joue, il aide celui qui écoute à s’élever vers Dieu. Il confère aux cérémonies une splendeur étonnante. Par l’ampleur et la douceur du son qu’il développe, il émeut les fidèles, il comble leurs âmes de joie et les élève vers Dieu et vers le ciel. La musique est elle-même une prière.
L’orgue, fait donc partie intégrante de la liturgie, à travers ses différents tons et registres, il vient avec puissance et délicatesse soutenir la prière de l’assemblée, chacune de nos supplications, de nos demandes de pardon ; il accompagne notre joie d’être sauvés, tout cela sous l’influence de l’Esprit Saint. Est-il besoin de rappeler le sens premier du mot Spiritus en latin : le vent, le souffle. Or que sont les orgues si ce n’est « une immense soufflerie, un seul souffle remplissant tous les tuyaux pour faire chanter l’orgue, et en faire un véritable orchestre », rassemblant dans l’unité d’un seul son la prière du peuple montant vers Dieu.
Nous avons donné le sens d’une bénédiction précédemment. Interrogeons-nous un instant sur le rituel de la bénédiction de l’orgue. Comme l’explique le préambule du livre des bénédictions, « du fait du lien étroit de l’orgue avec la musique et le chant dans les actions liturgiques […] il est bon de le bénir ».
Ce rituel est essentiellement composé d’une prière puis d’un saisissant dialogue du célébrant avec l’instrument. La prière de bénédiction invite l’orgue à accompagner la louange incessante du peuple de Dieu, et à y joindre celle des chœurs célestes, dans un élan d’unité. Après cette bénédiction, le rituel se poursuit par l’encensement de l’instrument.
Enfin, à huit reprises, le célébrant interpelle l’orgue selon le rituel de l’église et, à huit reprises, l’orgue répond, mettant en valeur toutes ses capacités musicales. Le célébrant l’interpelle dans un dialogue : il le « réveille » pour ainsi dire avec la première invocation : « Éveille-toi, orgue, instrument sacré, entonne la louange de Dieu, notre Créateur et notre Père » (cf psaumes 56, 107),
Nous avons là une allusion au psaume 107 verset 2 : « Éveillez-vous, harpe, cithare, que j’éveille l’aurore ! ». On comprend le choix de ce verset, où dans un bel élan poétique, le psalmiste personnifie ses instruments et les invite à rompre le silence, pour s’associer à sa joie. N’est-ce pas ce que l’orgue va faire dorénavant ?
Pour mieux intégrer l’instrument au ministère liturgique qu’il aura à accomplir, ces invocations détaillent la diversité de ses fonctions :
• louer le Père, le Fils et l’Esprit,
• honorer la Vierge Marie,
• participer à l’action de grâce (l’eucharistie) et à la supplication des fidèles,
• apporter le réconfort à ceux qui sont dans la peine et soutenir la prière.
Alors le célébrant s’adresse chaque fois à l’orgue de la même façon : « Orgue, instrument sacré ». Et il décline sa vocation liturgique :
• « Célèbre Jésus, notre Seigneur, mort et ressuscité pour nous »,
• « chante l’Esprit Saint qui anime nos vies du souffle de Dieu »,
• « élève nos chants et nos supplications vers Marie, la Mère de Jésus »,
• « fais entrer l’assemblée des fidèles dans l’action de grâce du Christ »,
• « apporte le réconfort de la foi à ceux qui sont dans la peine »,
• « soutiens la prière des chrétiens »,
• « proclame gloire au Père, au Fils, et au Saint Esprit ».
A chaque interpellation et en rapport avec elle, l’orgue réagit par une courte pièce ou une improvisation en rapport avec le texte qui vient d’être lu par le célébrant, dans une sorte de dialogue entre l’homme et l’instrument. La dernière conduit les fidèles à s’associer par le chant à son hymne de louange.