Conférence du cardinal André Vingt-Trois lors du 4e Forum de la Charité

Cathédrale Notre-Dame de Paris – Samedi 6 avril 2013

Sur le thème “Servons la fraternité”.

 Lire le compte-rendu du 4e Forum de la charité.

Foi et Charité

Chers amis,

Je suis heureux d’avoir pu venir vous saluer au commencement de ce forum de la charité qui, comme Charles Gazeau vient de le rappeler, s’inscrit dans un contexte doublement spécial, puisqu’il précède de quelques semaines le rassemblement de Diaconia 2013 à Lourdes, auquel, j’espère, beaucoup de Parisiens pourront participer, et surtout parce qu’il s’inscrit au cœur de l’Année de la foi nous invitant ainsi à mieux mesurer et apprécier le rapport entre la foi que nous professons et la charité que nous essayons de vivre.

« Celui qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas, et qui n’aime pas son frère qu’il voit est un menteur » (1 Jn 4, 20). C’est ce que l’apôtre saint Jean dit dans l’une de ses épîtres. Puisque l’actualité fait que le mensonge est à la mode, il n’est pas mauvais que nous apprenions à regarder quelle dimension il peut avoir dans notre vie, pas nécessairement dans le fait de cacher quelque chose, mais peut-être, comme saint Jean le suggère, en faisant apparaître des incohérences entre ce que nous disons et ce que nous faisons. Comme saint Paul le rappelait dans la première épître aux Corinthiens que vous avez méditée à l’instant : on peut faire beaucoup de choses extraordinaires, mais si on n’a pas la charité cela ne sert à rien, et cela ne dit rien.

Ma première remarque, et le premier encouragement que je voulais vous adresser, c’est de mesurer à quel point il y a un lien étroit entre la foi que nous essayons d’exprimer à travers notre parole, à travers notre prière, à travers les célébrations auxquelles nous participons, bref tout ce qui exprime notre relation avec Dieu et la manière dont nous sommes en relation avec nos frères. « Celui qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas, et qui n’aime pas son frère qu’il voit est un menteur ».

La deuxième réflexion que je voulais vous proposer, c’est de vous suggérer de développer une réflexion actualisée. Un certain nombre de gens s’interrogent soit dans leur réflexion personnelle, soit dans le regard qu’ils portent sur la société, sur la place des religions dans notre société. Il n’échappera à personne que parmi ces questions qui se posent sur la place des religions dans notre société, la question qui est sous-jacente et qui suscite ce débat et cette réflexion, serait mieux posée si on traçait les limites de la place des religions dans notre société.

Il faut que nous soyons attentifs et mobilisés pour obtenir en toutes circonstances le respect de la liberté de conscience et de la liberté religieuse. Ne soyons pas des victimes désignées et consentantes ! Mais ce débat sur l’organisation politique de notre société prend une dimension tout à fait originale et importante dans la mesure où les chrétiens, puisque c’est des chrétiens dont nous parlons d’abord ici, définissent eux-mêmes le périmètre de leur présence dans la société par la manière dont ils y vivent. Le débat institutionnel n’est que le reflet d’un questionnement, mais la réponse à ce questionnement n’est pas nécessairement juridique et institutionnel, il est d’abord existentiel. La place qui nous revient dans la société, c’est la place que nous y prenons par notre manière de vivre, c’est la place que nous définissons par notre implication et notre engagement dans le service des autres. C’est beaucoup plus facile de décréter juridiquement des limites, c’est plus difficile d’éliminer des gens qui remplissent une mission sociale et de les remplacer par des gens qui n’existent pas.

Si l’on décidait brusquement d’éliminer tous ceux qui ont une motivation religieuse en général, et une motivation chrétienne en particulier, dans les organismes de solidarité de la société, il y a gros à parier qu’il n’en resterait pas beaucoup. Ainsi, notre manière de vivre notre foi chrétienne dans une société plurielle, c’est d’abord de manifester par notre action, par notre engagement, par notre motivation particulière, que la foi qui nous anime définit une manière d’être et une relation avec nos frères.

Dans son épître, saint Jacques exhorte les chrétiens à manifester la réalité de la foi par les œuvres qu’ils accomplissent. Tu me parles de ta foi que je ne vois pas, mais où sont les œuvres de la foi ? Votre engagement dans toutes sortes d’actions très diverses au cœur des paroisses parisiennes est une façon d’exprimer de manière visible, identifiable, de rendre un témoignage explicite au Dieu d’amour qui anime votre manière d’être au milieu des hommes.

Enfin, je voudrais vous inviter à faire mémoire d’une parole que le Pape François nous a adressée à nous les cardinaux, au cours de la messe qu’il a célébrée avec nous tout de suite après son élection. Le sermon qu’il nous a adressé reposait sur trois piliers. D’abord, l’Église est faite pour être en mouvement, pour agir, ensuite l’action de l’Église est destinée à édifier un corps, c’est-à-dire qu’elle contribue à rassembler les hommes dans une unité, et enfin, cette action pour édifier un corps prend tout son sens dans la confession du Christ crucifié. Et il a insisté particulièrement sur le fait que nous sommes capables, nous chrétiens, de réaliser beaucoup de choses, comme saint Paul le disait aussi dans son épître aux Corinthiens tout à l’heure. Nous sommes capables de réaliser de grandes choses, mais si nous n’avons pas la charité, c’est-à-dire si nous ne vivons pas cette action dans la communion explicite à l’amour de Dieu pour les hommes, cela ne représente rien. Par conséquent le lien entre ce que nous essayons de faire au service de nos frères et ce que nous avons reçu de la grâce de Dieu par le baptême et par notre communion au Christ est le véritable ciment, la véritable énergie qui permet à nos activités de rendre vraiment témoignage de celui qui nous envoie.

Je souhaite que vous passiez une journée dans l’action de grâce, dans la reconnaissance de ce que Dieu opère à travers les différentes équipes que vous représentez, que vous fassiez grandir la communication entre ces équipes et qu’ainsi vous puissiez contribuer à l’édification du Corps du Christ en exprimant, comme vous venez de le faire dans la prière, le lien entre cette grande diversité d’actions très répandues à travers la capitale, avec notre volonté de vivre dans la foi au Christ ressuscité. Merci.

+ André cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris.

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