Cardinal André Vingt-Trois : « Faut-il réviser la loi sur la fin de vie ? »
Paris Notre-Dame – 11 juillet 2013
Paris Notre-Dame du 11 juillet 2013
R. N. D – Le Conseil consultatif national d’éthique a rendu un avis le 1er juillet sur la fin de vie. S’achemine-t-on vers un nouveau débat public ?
Cardinal Vingt-Trois – C’est l’intention manifestée par le Conseil. Il a rendu son avis avec l’intention d’ouvrir la possibilité de récolter un certain nombre de points de vue. Cela correspond également à une demande du Président de la République. Au moment des vœux aux responsables religieux du mois de janvier, il nous avait dit qu’il solliciterait l’avis du CCNE et qu’il nous recontacterait ensuite.
Concernant ce débat, je serais très partisan de suivre l’avis du Conseil, c’est-à-dire de ne pas se bloquer sur la question de l’arrêt de vie, mais de se focaliser sur la question de l’accompagnement de la fin de vie. Il s’agit de permettre à des personnes proches de la mort de vivre leurs derniers moments de la façon la moins douloureuse, la plus confortable possible, et surtout dans un accompagnement humanisé. La question n’est pas de savoir comment faire mourir les gens plus tôt, mais comment les accompagner à mourir dignement.
R. N. D – On dit que l’Église a une position de principe sur le sujet. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Cardinal André Vingt-Trois – L’Église estime que la vie de quelqu’un n’appartient à personne et donc que personne n’a à décider que l’on va arrêter la vie de quelqu’un et le mettre à mort. D’autant plus que lorsqu’on entre dans cette logique de situation limite, on sait très bien que les limites se déplacent à mesure que l’on a besoin de les déplacer : c’est très lié à la sensibilité et à l’affectivité des personnes.
R. N. D – Aujourd’hui la limite vous semble satisfaisante ou faut-il réviser la loi Léonetti ?
Cardinal André Vingt-Trois : Je pense que la loi actuelle est un bon compromis. Il y a une suggestion intéressante de la part du CCNE de donner plus de poids et plus de force formelle à l’expression des désirs anticipés car cette formulation ne trouve pas encore clairement sa place dans la discussion. On sait très bien que les situations de phase finale sont particulièrement difficiles à vivre. La manière d’affronter les questions dépend donc beaucoup de la qualité du dialogue entre le malade, sa famille et les soignants. Dans celui-ci, la possibilité d’avoir une expression motivée de ses intentions à l’égard de sa fin de vie me paraît tout à fait utile.
Louis Daufresne – L’Église – ou la foi chrétienne – ne voit-elle pas une vertu rédemptrice dans la souffrance ?
Cardinal André Vingt-Trois – Jamais l’Église n’a souhaité infliger la souffrance à qui que ce soit ! Ce n’est pas la souffrance en elle-même qui est rédemptrice, c’est la manière dont elle est vécue et offerte dans un acte d’amour par celui qui la supporte. Mais ce n’est pas à son entourage de décider pour la personne comment elle doit vivre sa souffrance. Souffrir est un mal et il est d’ailleurs tout à fait admirable de voir comment le corps médical, le personnel soignant se dépensent avec beaucoup de force pour atténuer la douleur des personnes. Ainsi, ils leur permettent de gagner plus de liberté pour donner sens à ce qu’ils vivent. C’est cela qui est déterminant.
Propos recueillis par Louis Daufresne.
– Écouter l’ensemble de l’entretien du 6 juillet 2013.
– Lire l’intégralité de l’avis du Comité consultatif national d’éthique sur la fin de vie