Les pas des missionnaires français dans la pays chin
Mission de l’Église n°174, janvier, février, mars 2012.
Philip Za hei Lian, prêtre d’origine chin en Birmanie (aujourd’hui Myanmar), met à profit ses études en France pour comprendre l’histoire de la Mission.
Le peuple chin est différent de la population birmane. Il a sa propre culture, ses traditions, sa religion, sa langue et reste très attaché à son identité « Chin », malgré sa division géographique entre le Bangladesh, l’Inde et la Birmanie où les Chins sont en majorité installés à l’Ouest du pays. Évangélisés au cours des 19e et 20e siècles par des missionnaires américains baptistes puis par des missionnaires français des Missions Étrangères de Paris à partir de 1933, les Chins sont devenus majoritairement chrétiens car leur religion traditionnelle est très proche du christianisme et les missionnaires français ont su gagner les cœurs.
Mes études en France m’ont pormis de mieux comprendre ces missionnaires devenus les « Pères de la foi chilienne pour le peuple chin. Mon mémoire de fin d’études a porté sur l’importance de l’histoire de l’évangélisation de mon peuple comme évènement intéressant l’histoire de notre Eglise catholique. Je me suis demandé comment, tout en restant fidèles à leur tradition, les Chins avaient massivement et facilement accepté la foi chrétienne et comment les missionnaires venus d’un pays si différent avaient pu réussir à surmonter toutes les difficultés et à s’adapter au point de devenir « chins parmi les Chins » ?
J’ai découvert une aventure missionnaire passionnante. Je connaissais la religion traditionnelle chin par mon vécu des fêtes traditionnelles auxquelles le peuple chin demeure fidèle. J’en rappelle les éléments essentiels : un Dieu unique Créateur et bon qui s’intéresse aux hommes ; des rites de sacrifices et d’offrandes qui rappellent ceux de l’Ancien Testament et qui jalonnent tous les événements de la vie quotidienne ; une vie terrestre perçue comme une préparation à une vie après la mort, morts et vivants restant toujours étroitement unis.
En analysant les lettres des missionnaires conservées aux Archives des MEP, j’ai compris comment les missionnaires avaient pu conduire l’évangélisation dans un pays de culture si différente. En vivant au milieu de ce peuple, en apprenant leur langue, beaucoup de missionnaires ont été frappés par cet ensemble de croyances proches de la foi chrétienne. Ils ont su être proches et patients car ils avaient tout à apprendre de la vie quotidienne. L’apostolat de Mgr Falière, et des missionnaires qui l’ont suivi, en est un exemple concret. Avec le christianisme, ils ont apporté au peuple chin une promotion humaine et un développement important dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la promotion féminine, etc.. Les religieuses ont aussi joué un rôle très important, auprès des femmes en particulier.
Le départ forcé de tous les missionnaires étrangers en 1966 a été un choc pour l’Église chin ; le gouvernement ayant nationalisé tous les établissements religieux : écoles, hôpitaux... On a pu alors se rendre compte de la solidité du travail des missionnaires. Les nouvelles communautés chrétiennes sont restées vivantes. Animée par le clergé autochtone et les catéchistes, l’Église chin non seulement s’est maintenue mais elle a continué à s’agrandir. Aujourd’hui, on compte deux évêques « chin » assistés d’une centaine de prêtres. Tous, évêques, prêtres, fidèles sont restés pleinement « chin » en devenant chrétiens !
À la suite de cette découverte de l’histoire de mon Église, je me suis interrogé sur l’Église de France d’où venaient les missionnaires. Pourquoi quitter, souvent définitivement, sa famille, son village, son pays, pour apporter l’Évangile à un peuple totalement inconnu ? Ils étaient prêts à donner même leur vie pour porter la lumière au monde. En analysant le volumineux courrier des missionnaires, j’ai constaté le formidable soutien dont ils bénéficiaient. De leurs familles, de leurs amis, de tous les fidèles, ils sollicitaient prières et dons en argent ou en nature pour la Mission. Il m’a semblé pouvoir discerner en France, à cette époque, un grand élan missionnaire partagé par l’ensemble de l’Église. Plus encore, tous ont fait preuve, et je pense en particulier à Mgr Falière, d’une foi vécue et solide, témoignage d’une sérieuse formation chrétienne au cours de l’enfance et de la jeunesse. Grâce à tous les missionnaires connus et inconnus, l’Église « chin » se sent « fille de l’Église de France ».
Philip Za Hei Lian
Paru dans la revue "Mission de l’Eglise" n°174 - janvier, février, mars 2012
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