Attentat au Liban, octobre 2012 : « On aurait tort de mésestimer un message spirituel pour le Proche Orient »
Interview du P. Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient et curé de St-François de Sales (17e).
Quelle a été votre réaction en apprenant l’attentat du 19 octobre à Beyrouth ?
P. Pascal Gollnisch : C’est un événement tragique. Le voyage du pape en septembre au Liban a été un moment d’unité nationale et on pouvait espérer que le signal donné par Benoît XVI soit vraiment reçu pour aller vers plus de concorde et de respect mutuel. Mais malheureusement, ce type de violence n’est pas surprenant : nous craignons depuis le début les conséquences du conflit syrien au Liban. Si, aujourd’hui, on ne sait pas encore exactement qui est l’auteur de cet attentat, on peut supposer que c’est lié à la guerre voisine.
Cet événement est d’autant plus terrible qu’il y a un équilibre au Liban entre les communautés chiite, sunnite, druze et chrétienne. Cet équilibre – précaire mais bien réel – doit être préservé, c’est essentiel ! C’est pourquoi tous ceux qui peuvent agir ont à s’impliquer pour préserver la paix. Je pense aux composantes internes au pays, à l’appareil institutionnel – avec le Président de la République, le Premier ministre, l’armée – , mais aussi aux acteurs religieux. Un embrasement du Liban serait absolument tragique. Il faut rappeler que c’est le seul pays de la région où il y a une véritable coexistence entre les religions.
Vous rappeliez que cet attentat intervient seulement quelques semaines après le voyage de Benoît XVI au Liban. Est-ce à dire que son message de paix n’est qu’un vœu pieux ?
P. G. : Non, je pense que c’est beaucoup plus qu’un vœu pieux. Avec ce message, Benoît XVI a voulu initier un long processus. Cela demande du temps. Par exemple, l’envoi d’une délégation de responsables catholiques en Syrie cette semaine pour faire entendre un message de paix n’est possible que parce que le Saint-Père est venu au Liban. Mais, de même qu’il y a des forces de paix, il y a des forces de guerre ; de même qu’il y a des forces de respect, il y a des forces de mépris. C’est par des gestes forts, par des pas les uns vers les autres, que l’on peut être artisan de paix.
Quel peut être le rôle de la délégation que vous évoquiez ?
P. G. : En Syrie, nous sommes devant une situation de blocage à la fois militaire, diplomatique et politique. Face à cela, il y a une place pour un message spirituel qu’on aurait tort de mésestimer. C’est une parole qui peut être plus entendue qu’on ne le pense, qui peut être relayée par d’autres communautés que les catholiques. La seule solution semble être un arrêt immédiat des combats. Il y a des milliers de morts, des personnes blessées, torturées, emprisonnées, sommairement exécutées… et je crois qu’en profondeur, le peuple syrien réclame l’arrêt de tout ça ! Dans ce contexte, les voix spirituelles peuvent se faire entendre pour demander une trêve. L’idée est vraiment d’être des artisans de paix pour l’ensemble de la population.
Propos recueillis par Pierre-Louis Lensel, photo de Sophie Lebrun