« Nous avons pardonné »
Paris Notre-Dame du 3 novembre 2011
P.N.-D. - Vous avez commémoré le 1er anniversaire de l’attentat de la cathédrale N.-D. du Perpétuel Secours, lors d’une veillée de prière organisée par l’Œuvre d’Orient, le 31 octobre à St-François de Sales (17e). Que manifestait cette commémoration ?
P. Raphael Kuteimi – Cette veillée, pendant laquelle nous avons prié en communion avec les chrétiens de Bagdad et les paroissiens victimes de ce massacre [1], manifeste avant tout que notre foi chrétienne demeure bien vivante. Elle ne nous a pas quittés, bien au contraire. J’en veux pour preuve la ferveur de la prière des réfugiés lors des messes que je célèbre pour eux à Créteil. Nous avons fait nôtre cette phrase, « N’ayez pas peur ». N’ayons pas peur de ce qui tue : ils peuvent tuer le corps mais ils n’iront pas plus loin. Cet attentat, qui a eu lieu en pleine messe, était inimaginable et d’une violence inouïe. Pourtant, dès les premiers instants, nous avons pardonné en signe de paix, au nom du Christ qui l’a fait le premier. Cet acte de pardon, parce qu’il étonne, est un témoignage essentiel dans ce pays déchiré par les guerres politiques et religieuses. La commémoration de ce douloureux anniversaire manifeste enfin le besoin que nous avons d’être écoutés et d’être soutenus par la prière de l’Église.
P.N.-D. -Quelle est la situation des chrétiens d’Irak aujourd’hui ?
P. Raphael Kuteimi – Beaucoup quittent l’Irak – la population chrétienne a été divisée par deux depuis 2005 [2]. Après l’attaque de la cathédrale, une quarantaine de chrétiens de Bagdad, ainsi que certains membres de leurs familles, ont été accueillis par la France, avec l’aide d’associations comme l’Œuvre d’Orient. Mais il est évident que l’exil n’est pas une solution : on part quand on n’a plus d’autre choix. Arrivés dans d’autres pays, ces Irakiens, souvent issus de la classe moyenne, se retrouvent déracinés dans un pays dont ils ne connaissent pas la langue. Parce que nous vivons sur cette terre depuis les premiers siècles et que les chrétiens sont signes d’unité et de paix sur leur sol, nous voulons rester dans notre pays et nous avons besoin d’aide pour continuer à y vivre. Il ne faut pas croire que la population musulmane là-bas nous est hostile. Au lendemain du drame, beaucoup de musulmans sont venus nous rendre visite, chiites et sunnites confondus : nous pouvons vivre en bonne entente.
P. N.-D. - Quel avenir pour les chrétiens d’Orient ?
P. Raphael Kuteimi – La paix en Orient ne sera pas facile à faire. La situation actuelle est très dure. Notre cathédrale est aujourd’hui surveillée et protégée par des murs de parpaing. Mais nous souhaitons tous rester dans l’espérance : parce qu’il y a des gens de bonne volonté partout dans le monde et que la prière fait beaucoup. Les persécutions font partie de l’histoire de l’Église. Il n’y a donc rien de nouveau mais il faut savoir s’y préparer, dans la foi. Les chrétiens d’Orient ont besoin de courage et de la grâce de Dieu pour continuer de mener leur apostolat, sur leur terre natale. • Propos recueillis par Laurence Faure
[1] L’attentat perpétré lors d’un office dominical le 31 octobre 2010 et revendiqué par Al Qaïda a fait 58 morts, parmi lesquels deux jeunes prêtres et 78 blessés, dont Mgr Raphael Kuteimi.
[2] Source l’Œuvre d’Orient.