Cardinal Ratzinger : non conforme à l’image

Paris Notre-Dame du 19 novembre 1992

Le cardinal Joseph Ratzinger a été reçu le vendredi 6 novembre 1992, à l’Académie des sciences morales et politiques. Le lendemain, il accordait une interview à Radio Notre-Dame, diffusée le 12 novembre 1992.

À l’académie des sciences morales et politiques
© D. R.

Allemand, il parle un français impeccable. On le dit rigide mais il accepte avec beaucoup de douceur les questions. Il est en charge de la doctrine de l’Église, mais ne parle que de foi. Le cardinal Ratzinger déroute ceux qui le rencontrent : l’image ne correspond pas au personnage. Sa fonction de préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi, laisse penser qu’il est uniquement le gardien de la rectitude de la pensée catholique. Mais lui se définit plus comme le défenseur de la foi des pauvres et des faibles. « Seule une certaine classe, dit-il, a l’accès aux instruments de communication. Tout le peuple chrétien n’a pas cette possibilité de se faire entendre : des simples chrétiens qui aiment l’Église et qui vivent le Mystère n’ont pas accès à ces instruments de communication. La congrégation est la voix de ces personnes ». Il ne refuse pas pour autant complètement l’étiquette de censeur attachée à son nom : « Quelquefois, nous devons dire, par exemple, qu’une pensée n’est plus une réflexion sur la foi mais une philosophie propre, incompatible avec la foi. C’est effectivement une forme de censure... Chacun peut penser librement ce qu’il veut, mais personne ne peut prétendre que cette pensée doit être la foi de l’Église ». Autre fonction : « l’unité dans l’Église, qui ne peut se réaliser qu’autour du contenu donné par Dieu, et non pas inventé par nous. »

Le cardinal Ratzinger est le maître d’œuvre du nouveau Catéchisme de l’Église catholique. « Attention, prévient-il, ce n’est pas un manuel de morale. Le Christianisme n’est pas un moralisme, mais un don, une rencontre, un événement. C’est Dieu qui nous parle, qui prend l’initiative et qui donne la grâce pour y répondre et la lumière pour prendre nos responsabilités. » La morale fera l’objet d’une prochaine encyclique, qui devrait être publiée au premier semestre de 1993. « Ce texte sera le prolongement du catéchisme, il fallait d’abord reformuler la synthèse de la foi avant de parler de morale. » Comme les autres documents publiés sous l’égide du cardinal Ratzinger, ce catéchisme recevra, et a déjà reçu, son lot de critiques. « Si quelque chose n’est pas critiqué, c’est qu’il n’a pas beaucoup de valeur. J’espère donc qu’il y aura des critiques, mais surtout un grand intérêt et une disponibilité pour comprendre ce catéchisme. »

Le précédent texte publié, Sur certains aspects de l’Église comprise comme Communion, a été mal reçu par une bonne partie de l’opinion, qui a cru y lire un obstacle à l’œcuménisme. « Il s’agit d’une lecture un peu superficielle, dit le cardinal Ratzinger, il faut lire – ou relire – ce texte qui est d’une grande ouverture. Il insiste notamment sur les différentes façons d’exercer, au cours de l’histoire, et donc à l’avenir, la primauté de Pierre ». Cette incompréhension est due, selon lui, à une vision déformée de la nature de l’Église : « on voit l’Église comme une association uniquement humaine. L’Église est un don de Dieu, une Communion dans le Mystère ». • Francis Manguy

Article de Paris Notre-Dame – 19 novembre 1992

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