Frère Gérard Cendrier, franciscain

Prêtre franciscain, reconnu martyr en haine de la foi, il sera béatifié le 13 décembre 2025 à Notre-Dame de Paris.

Le frère Gérard, né à Paris le 16 juin 1920, septième enfant d’une famille chrétienne de juristes, fut baptisé dans la prestigieuse église Saint-Sulpice. Après ses études secondaires au collège Stanislas, scout engagé dont le totem : « Pélican sentencieux », évoque sérieux précoce et charité, il avait fait ses études de droit, mais le 16 décembre 1940, était entré au scolasticat franciscain de Carrières-sous-Poissy, où on le décrit comme

« un frère un peu distrait, mais plein de sens spirituel et de délicatesse... un vrai frère mineur. Il était généreux et courtois : toujours prêt à rendre service. Il était pieux. Je l’ai souvent surpris seul à l’oratoire, en train de prier. »

Une très longue lettre à son frère Jacques, du 20 avril 1941, explique la raison de ses choix, car il semble qu’on ait été surpris de ne pas le voir devancer l’appel ni entrer dans l’armée clandestine :

« Il était un autre devoir pour ceux qui s’attendaient à être appelés sous peu, peut-être moins glorieux et moins empanaché, et qui était d’intensifier leur vie intérieure et de faire produire leur rendement spirituel maximum à ces quelques mois qui leur restaient avant d’être à pied d’œuvre parmi l’agitation et les cliquetis de ferraille. Ce n’est pas tant l’action immédiate et l’exaltation fiévreuse qui est féconde que l’action et le sens du sacrifice mûrement réfléchi, la force d’âme sereine et intrépide qui s’appuie sur des convictions ardentes et raisonnées, sur une volonté vraie de faire la volonté de Dieu telle qu’elle vous apparaît »

À vrai dire, il avait confié au Père Maître qu’il lui semblait être un devoir de rejoindre les Anglais, mais, le projet n’était déjà pas facilement réalisable, les Allemands étant partout. D’ailleurs, Gérard a une vue prophétique qui en dit long sur sa maturité :

« Il n’est pas impossible que la France puisse un jour (et ce jour-là, j’y serai, tu sais !) – s’il plaît à Dieu – se débarrasser de ses parasites et prêter main-forte aux autres pays libres qui ont prouvé qu’ils méritaient de vivre. Car les succès trop rapides d’Hitler sont, à mon sens, le gage même de sa ruine : cela peut durer quelques mois, à la rigueur quelques années, mais l’écroulement sera d’autant plus retentissant qu’il se sera grisé d’un succès plus vertigineux. Un dieu Moloch de ce genre a toujours les yeux plus gros que le ventre.
 
« Tout ce qui se dresse doit être écrasé. Mais on n’écrase pas celui qui est "vainqueur de l’enfer terrassé", qui a libéré Israël du joug de l’Égyptien et qui "traîne à son char le roi des ténèbres" (hymne du Temps Pascal), et la Résurrection est le gage de la victoire du Christ sur ses ennemis : “J’ai vaincu le monde” (Jean 16, 33), et saint Jean nous dit, dans sa première épître (5, 4) : “Mes bien-aimés, tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde”. »

Toute cette très longue lettre est de la même veine. Elle est d’un maître spirituel en germe.

Avant son arrestation, le 12 juillet, il est d’une activité fébrile : visites des malades, qu’il pourvoit de livres, de cigarettes et de friandises, dans les 30 hôpitaux de la ville, diffusion d’informations obtenues par radio, aide à l’évasion de prisonniers de guerre, relations avec les services de la D.O.F., au nom de ses camarades de
camp.

En prison, son dynamisme ne fléchit pas :

« Gérard, grand garçon de 22 ans..., écrit Lucien Gaben, pendant ces semaines passées ensemble, nuit et jour, nous avons beaucoup, beaucoup parlé. J’ai pu apprécier sa grande délicatesse, la finesse de ses analyses, sa générosité, sa grande foi et son courage simple, mais vrai... Nous avons prié ensemble, beaucoup prié pour l’Église, pour nos camarades, pour l’avenir de cette Église persécutée qui nous procurait le redoutable honneur de souffrir pour elle...
 
« Aucun acte religieux n’était autorisé... Mais voici que le dimanche 13 août, c’est Gérard Cendrier qui, vers 9 heures du matin avec audace lance les premiers mots du “Kyrie” et annonce le “Credo”. Mais l’après-midi, Fritz est là, ayant appris la chose. Tous, nous devons sortir devant la porte de nos cellules ; nous pensions bien qu’il risquait de nous faire “chanter les vêpres”. Dans une longue harangue, avec des cris et menaces, il déclare qu’il ne veut pas que la prison devienne un “repaire de corbeaux”... »

Parti le 17 septembre 1944 pour Buchenwald, Gérard est envoyé le 11 novembre au kommando de Langenstein, pour la construction de l’usine souterraine de Zwieberge. À bout de forces, il avait encore partagé son pain avec un Russe qui avait faim, et comme ses amis le lui reprochaient :

« “donner de ton pain, c’est te suicider”, il avait rétorqué : “François d’Assise, mon Maître, n’aurait pas répondu autrement que je l’ai fait” ».

Il explique à ses camarades de détention que leurs bourreaux sont à plaindre et invite ses amis à prier pour le salut de ceux-là mêmes qui les maltraitaient : « Il faut les aimer. Ce sont des malheureux. » La veille de la fête de la conversion de saint Paul, le 24 février 1945, à 10h30 du soir, il meurt d’épuisement dans la neige où il avait glissé, en revenant de l’infirmerie où on ne l’avait pas admis. Il avait dit simplement :

« Je voudrais souffrir davantage pour que beaucoup trouvent le Christ sur le chemin de Damas. »

Il offrait aussi sa vie pour que son frère, Centralien, retrouve la foi.

Source
 Armand Duval, Missionnaires et martyrs, 51 témoins du Christ face au nazisme, François-Xavier de Guibert, 2005.

Béatification de Raymond Cayré, Gérard-Martin Cendrier, Roger Vallée, Jean Mestre et de leurs 46 compagnons