Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Jean des Deux-Moulins
Dimanche 11 décembre 2022 - Saint-Jean des Deux-Moulins (13e)
– Dimanche de Gaudete, 3e semaine de l’Avent — Année A
- Is 35, 1-6a.10 ; Ps 145 (146), 7, 8, 9ab.10a ; Jc 5, 7-10 ; Mt 11, 2-11
D’après transcription
C’est une belle question que nous venons d’entendre dans l’Évangile : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Peut-être que cette question devrait toujours nous habiter. Nous entendons que des témoins, des personnes que nous connaissons, ne sont pas sûrs de trouver en Jésus celui qui vient sauver l’humanité tout entière, et il est bon que, même si, nous-mêmes, nous croyons être bien attachés à Jésus-Christ, nous entendions la question que d’autres se posent. Ils entendent que Jésus est quelqu’un d’important dans l’histoire humaine mais ils ne sont pas encore certains de pouvoir y attacher leur foi. Et c’est une occasion, en entendant cette question, de renouveler pour nous-mêmes notre attachement à Jésus et de nous dire : « il est bien celui que j’attends ; il est bien celui qui vient me sauver moi-même ; il est bien celui dont je crois qu’il vient sauver tous les hommes. »
Voilà ce que, en ce troisième dimanche de l’Avent, nous pouvons entendre, laisser résonner, dans nos propres vies. Avec, bien sûr, d’autres questions qui nous agitent toujours et qui agitent l’humanité tout entière. Faut-il avoir peur de l’avenir devant lequel nous nous trouvons, comme il est dit au Livre d’Isaïe ? Nous avons entendu cela dans la première lecture. Est-ce que l’on doit craindre en effet de l’avenir, puisque le prophète rapporte cette parole de Dieu : « Soyez forts, ne craignez pas, voici votre Dieu. » Donc il faut se fortifier dans l’amour de Dieu et dans la confiance en lui, pour ne pas craindre de l’avenir, et pour ne pas craindre, non plus, le jugement de Dieu. Parce que la phrase suivante c’est : « la vengeance de Dieu, la revanche de Dieu qui vient. » Ne pas craindre la présence de Dieu, ne pas craindre l’annonce qu’il nous fait de sa venue au milieu de nous. Jésus donne une résonance à cette question particulière en disant : « Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute », c’est-à-dire celui qui craindrait ma présence, celui qui craindrait ma venue, celui qui renierait quelque chose de moi alors qu’il m’a déjà donné sa confiance. Jésus demande que nous ne soyons pas craintifs devant lui. Dieu demande que nous ne craignions pas sa présence au milieu des hommes mais que nous nous en réjouissions, au contraire. Isaïe et Jésus sont tout à fait concordants. « Le désert et le pays de la soif, qu’ils se réjouissent. » (Is 35,1) : la venue du Seigneur est une joie pour chacun de nous, la venue du Seigneur est une joie pour le monde tout entier. Et c’est de cette joie dont nous sommes remplis, dont nous témoignons devant les autres.
Cette joie, elle nous habite très profondément. Parfois, les chrétiens, on nous accuse d’être des ravis de la crèche et des naïfs devant ce qui se passe dans le monde. Mais nous n’avons pas tort d’être ainsi, joyeux devant ce que Dieu fait à travers nous, à travers d’autres, dans le monde. Regardez ce qui se passe dans le domaine de la charité et de la solidarité, de l’ouverture : il y a tant et tant d’initiatives qui se renouvellent de jour en jour pour venir en aide aux plus pauvres, aux plus délaissés, aux plus étrangers, aux plus ignorés, dans cette ville de Paris. J’en vois en permanence, de ces initiatives. Et j’avoue que j’en suis extrêmement heureux. Je me dis : le Seigneur travaille au milieu des souffrances multiples, des rejets, des mépris. Le Seigneur travaille pour donner à beaucoup, dont vous êtes j’en suis sûr, le goût d’être proches, le goût d’aimer, le goût de ne pas désespérer des situations décourageantes, le goût d’apporter toujours, un peu, quelque chose de soi-même auprès des autres, pour que les solitudes soient vaincues, pour que les mépris disparaissent, pour que chacun puisse retrouver confiance et dignité.
Je vois aussi qu’au milieu des épreuves de ce monde et au milieu des épreuves de l’Église, des hommes et des femmes se présentent pour demander le baptême, ou adultes ayant été baptisés mais ayant oublié le chemin de la foi, le redécouvrant, demandent la confirmation. La semaine dernière, j’ai encore confirmé 85 adultes à Saint-Sulpice.
Voilà des occasions de joies réelles qui nous habitent, parce que nous comprenons ce que le Seigneur fait là et, habitant le cœur de beaucoup, est capable de transformer ce monde, d’une façon très simple, très ordinaire. Et cette façon très simple et très ordinaire, c’est un regard nouveau qui nous change. Nous regardons ce monde, certes avec peine, parce qu’il souffre, parce qu’il est violent, parce que les mépris et les solitudes continuent d’exister. Mais nous regardons ce monde aussi avec joie et espérance parce que Dieu ne se désespère jamais de faire naître partout des initiatives : de donner courage à des hommes et à des femmes d’affirmer leur confiance en Lui, d’ouvrir le cœur de chacun d’entre nous pour que nous résistions à l’enfermement sur nous-mêmes, à la fermeture sur nos communautés chrétiennes - ce qui peut arriver -, pour être ouverts à tout ce qui vient, pour être ouverts à tout ce qui fait grandir les hommes, pour être ouverts à tout ce qui change quelque chose dans le cœur des hommes.
Je suis vraiment très désireux de faire partager cette espérance. La joie de notre cœur est dans l’attente du jour du Seigneur. La joie de notre cœur c’est la certitude que nous ne serons jamais abandonnés, que nous ne serons jamais oubliés du Seigneur.
Vous avez entendu ce passage de la lettre de saint Jacques, qui dit : « Voyez l’espérance du cultivateur. » Et cela n’est peut-être pas une image très favorable dans un milieu totalement urbain, comme nous le sommes, mais c’est une image qui parle. Qui parle, par exemple, au Bourguignon que je suis, devant les vignes. Je sais que les viticulteurs, à la fois, ils sont inquiets jusqu’à la vendange, mais je sais aussi qu’ils ont le cœur très joyeux quand ils vont visiter leurs vignes et qu’ils se disent : cela pousse bien. Évidemment, il peut arriver une catastrophe et un orage, de la grêle qui détruit une grande partie de la récolte possible. Mais jamais ils ne se découragent et ne se désespèrent parce qu’ils se disent : tant que la vendange n’est pas faite il y a de l’espoir, tant que le vin n’est pas tiré il y a de l’espoir qu’il soit bon. Et bien c’est cette joie de l’attente qui nous habite.
En ce moment, nous sommes exactement dans ce moment, où nous nous disons : « le Seigneur ne va pas
tarder, Noël va bientôt arriver, et c’est un renouveau dans notre existence ! » Voilà pourquoi, au milieu du temps de l’Avent, il y a ce dimanche, qui n’est pas un dimanche de pénitence dans l’attente, mais un dimanche de joie dans l’attente. Notre joie est dans l’attente que nous vivons, et elle est symbolique de ce que nous essayons de vivre jour après jour. Oui, nous savons que le monde est dans les difficultés. Oui nous savons que nous traversons nous-mêmes des épreuves. Mais nous savons aussi que le Seigneur manifeste toujours sa bonté, sa miséricorde, son désir de partager et de faire partager. Et c’est notre joie de partager cela à ceux qui nous entourent.
Que le Seigneur nous habite. Que le Seigneur nous manifeste à chacun d’entre nous sa miséricorde et qu’il nous donne le cœur de la partager. Voilà ce que, en ce dimanche, nous pouvons attendre de Lui et que nous lui disons avec confiance en proclamant dans un instant notre foi. La foi de toute l’Église ensemble.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris