Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en l’église de la Sainte-Trinité

Dimanche 21 janvier 2024 - Sainte-Trinité (9e)

– 3e Dimanche du Temps ordinaire – Année B

- Jon 3,1-5.10 ; Ps 24,4-9 ; 1 Co 7,29-31 ; Mc 1,14-20

L’Église, en ce dimanche, nous demande de célébrer particulièrement la Parole de Dieu. Et cette Parole de Dieu nous l’entendons à travers l’Écriture et à travers les événements que nous vivons, quand elle dit quelque chose à notre cœur, nous invite à vivre quelque chose qui sera particulier à chacun d’entre nous. Chacun d’entre nous l’entend ; chacun d’entre nous est invité à l’entendre.

Mais chacun le fait à partir des textes de la liturgie d’aujourd’hui, qui commence par ce bref passage du Livre de Jonas. Nous entendons que Jonas est écouté dans ce qu’il dit, mais souvenons-nous de l’histoire de Jonas : il commence par résister à la parole que le Seigneur lui adresse : il commence à partir à l’ouest quand on l’attend à l’est ; il commence par fuir incognito dans une embarcation avec des marins alors que ce qui lui était demandé était de se montrer, de parler ouvertement et d’inviter à la conversion. Or voilà que, quand finalement il accepte de faire ce que le Seigneur lui demande, les gens de cette ville de Ninive changent de vie. Pourtant, selon le texte lui-même, ils « ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche », donc ne savent rien du tout, et évidemment n’ont pas appris à connaître le Seigneur, le Dieu qui parle à Jonas. Mais, aussitôt, ils comprennent la menace. Ils se disent que la parole de Jonas est une parole impérieuse quand elle leur indique qu’ils vont à leur perte, qu’il faut changer de vie. Et voilà qu’ils l’écoutent, à sa grande surprise d’ailleurs, et qu’ils se laissent transformer. Parole de Dieu qui invite à la conversion ; Parole de Dieu qui fait changer les cœurs ; Parole de Dieu qui transforme la vie. C’est déjà très beau.

Dans l’Évangile, nous vivons une autre expérience. Jésus lui-même annonce que le règne de Dieu est proche. Jésus lui-même dit que les temps sont accomplis, que maintenant Dieu est là au milieu de vous, que maintenant son règne commence à prendre forme. Il est peut-être modeste, peut-être caché, mais ce règne de Dieu commence au milieu de vous. Alors, faites quelque chose qui le manifeste. Et Jésus, tout de suite, accompagnant sa parole, appelle quatre hommes qui, aussitôt, dit l’évangéliste, se mettent à le suivre en quittant ce qu’ils étaient en train de faire, en quittant leurs relations, y compris familiales. Sauf que ce sont deux fois deux frères qui viennent ensemble : les relations familiales ne sont pas définitivement coupées. Mais voilà qu’ils changent quand même, voilà qu’ils vont faire autre chose, et du neuf. Et que font-ils ? Ils vont à la suite de celui qui vient de leur parler. Ils veulent marcher avec lui ; ils veulent vivre avec lui. Comme le disait l’évangile de dimanche dernier, tiré de l’évangéliste Jean : « Venez et vous verrez ». Ils ne changent pas pour l’instant de vie, on ne dit pas qu’ils se sont convertis, on ne dit pas qu’ils ont changé leur mode de vie dangereux - ils étaient simplement en train d’exercer leur métier - mais ils changent en ce qu’ils se mettent à suivre celui-là qui vient de leur parler. Là est la grande différence entre les deux moments : le moment de Jonas et le moment de Jésus. Dans le moment de Jonas, comme avec tous les prophètes de l’Ancien Testament, il s’agit de changer de vie, il s’agit de comprendre qu’on est sur un chemin où on est en train de se perdre parce qu’on ne vit pas la justice de Dieu. Dans le moment de Jésus, il s’agit d’être avec lui, il s’agit de le suivre, il s’agit de le regarder vivre, il s’agit de vivre avec lui, réellement, attaché à lui, et de suivre ce que, au fur et à mesure des jours, nous apprenons de lui. On a envie de dire simplement, comme dans la prière du prêtre, juste avant la communion : « Seigneur Jésus que je ne sois jamais séparé de toi ». Quelles que soient mes activités, quel que soit mon tempérament, quelles que soient mes fautes, quel que soit mon péché, Seigneur Jésus je veux être avec toi pour que tu me montres le chemin. Dans les événements de ma vie que je vais affronter et que j’affronte quotidiennement, dans la banalité ou dans les moments plus extraordinaires, plus inhabituels, moments de joie ou moments de peine, je vais te voir vivre, je vais te regarder, t’imiter et te suivre.

Voilà le sens de cette parole un peu énigmatique de l’apôtre Paul qui prévient ses disciples, ceux qu’il connaît, ceux avec lesquels il a servi l’Église. Ces derniers se disent : qu’est-ce que je fais quand je suis marié ? Qu’est-ce que je fais quand je vis ma vie professionnelle ? Qu’est-ce que je fais si j’ai des biens ? Qu’est-ce que je fais si au contraire j’en manque ? Eh bien je suis avec le Seigneur et c’est lui qui compte. Ce que j’ai à faire tous les jours demeure important, mais cela passera. Ce que j’ai à faire tous les jours est le lieu et le moment où je peux montrer que je suis avec le Seigneur. Quelles que soient nos activités, nos défauts, les inclinations de nos propres vies, que cela soit toujours avec le Seigneur et avec la capacité d’entendre ce qu’il nous suggère de vivre, ce que peut-être il nous commande de vivre, ce qu’il désire que nous vivions pour manifester que la présence de Dieu est déjà visible dans ce monde, même si nous avons le sentiment qu’il y est bien souvent oublié, ignoré, méconnu, voire totalement inconnu.

Que nous soyons avec Lui chaque jour pour qu’à travers nous se voie la présence du Seigneur.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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