Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Ordination de cinq diacres permanents du diocèse de Paris en la cathédrale Notre-Dame
Samedi 27 septembre 2025 - Notre-Dame de Paris
– Voir l’album-photos de la célébration.
- Ac 8, 26-40 ; Ps 111 ; Jn 15, 9-17
Que de mouvements sont signalés dans les lectures d’aujourd’hui ! Le Seigneur dit à ceux qu’il envoie : « Je vous ai choisis afin que vous alliez, que vous partiez sur les routes. » Et le récit des Actes des Apôtres, que nous avons entendu à l’instant, est plein de ces mouvements. Philippe, qui est tranquillement chez lui, est invité à en sortir : à sortir de sa quiétude et à aller sur une route. Il va s’empresser de rejoindre le char qui est là, tout seul, semble-t-il, sur cette route. Il court après le char pour le rejoindre et il trouve là un homme qui lit déjà l’Écriture : on reconnaît qu’il lit un prophète. À l’invitation de celui qui est dans le char, il monte à côté de lui et il l’enseigne, il répond à ses questions et cela dure un certain temps. Puis, ensuite, ils descendent du char pour baptiser ce serviteur de la reine d’Éthiopie. Et il remonte de là après le baptême, disparaissant aux yeux de ce serviteur qui continue la route, joyeux, et qui va aller probablement annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus en Éthiopie. Chacun sait que l’Église d’Éthiopie met son origine et le point de départ de sa vie dans ce serviteur. Quant à Philippe, il se retrouve ailleurs pour annoncer l’Évangile.
Que de mouvements, que de déplacements, mais aussi que de détachements ! Le premier advient quand Philippe est obligé de sortir de lui-même, d’aller sur la route, de se mettre à la disposition de celui qu’il rencontre. Mais le deuxième détachement - qui est aussi fort que le premier je pense - c’est de laisser aller cet homme sur son chemin, de ne pas l’emprisonner dans ce qu’il lui a dit, de ne pas l’enfermer ni de le mettre en relation uniquement avec lui-même, Philippe, et d’aller ailleurs pour annoncer la Bonne Nouvelle. Ce n’est pas une façon de vanter le papillonnage, une manière de dire qu’on peut aller n’importe où, changer d’avis et laisser tomber ceux à qui on adresse la parole de l’Évangile. Mais c’est laisser à Dieu faire son œuvre : après que la parole a été entendue, faire en sorte que ce soit bien le Seigneur qui prenne possession, qui se mette à habiter chez celui qui a été appelé. Ce n’est pas une façon de plaider pour le désordre dans la façon d’évangéliser et d’aller n’importe où, mais c’est vraiment laisser Dieu être le maître de l’évangélisation. Car celui qui compte aujourd’hui le plus, pour nous qui sommes ici, pour vous qui allez être ordonnés, pour vous qui êtes la famille des futurs ordonnés, des ordinands d’aujourd’hui, c’est le Christ bien sûr ! C’est le Christ qui dit : « Je vous ai choisis. » Il vous avait déjà choisis auparavant, il vous avait déjà fait signe auparavant, mais vous, à qui je vais imposer les mains aujourd’hui, le Seigneur vous appelle de nouveau et spécifiquement pour faire de vous des signes, des signes de son Évangile, des signes de l’ouverture à Dieu et aux autres, des signes du don de soi, de sorte que vous en entraîniez d’autres aussi sur le même chemin de l’ouverture du cœur, de l’ouverture à Dieu, de l’ouverture aux frères et du don de soi.
Voilà celui qui vous a choisis ; voilà ce pour quoi il vous a choisis. Lui, le serviteur, il vient de vous dire qu’il fait de vous des amis, non pas à l’exclusion des autres ; et lui, l’ami, il fait de vous des serviteurs. Voilà ce que nous entendons et que nous retenons.
Il fait de vous ses amis, il fait de vous des serviteurs, des frères, sur les routes, toutes les routes. Celle dont nous avons entendu parler aujourd’hui, qui mène de Jérusalem à Gaza, et qui est actuellement l’objet d’une grande peine pour nous et pour beaucoup… sur les routes de souffrance donc, sur les routes où il semble n’y avoir personne peut-être, ou des gens trop isolés auxquels nous sommes invités à faire très attention et vous le ferez. Mais aussi sur les routes très denses de nos villes où la solitude n’est pas moins grande, où les interrogations de nos frères et de nos sœurs sont immenses, où l’Évangile peut être annoncé même s’il est susurré au milieu de l’agitation et du brouhaha permanents dans notre société, où le baptême peut être proposé. Et nous savons bien qu’en ces années le baptême est proposé de plus en plus à des adultes qui, marchant sur le chemin de la vie, découvrent qu’elle n’est pas remplie par un amour suffisant, qu’elle n’est pas transformée et qu’elle risque de végéter. Sur ces routes aussi, c’est le don total du Christ dans l’Eucharistie qui peut être annoncé, qui peut être célébré, auprès duquel beaucoup peuvent s’approcher, et vous les aiderez à découvrir cette grâce du don total que le Seigneur vous fait, nous fait et désire faire à tous.
C’est ce que nous entendons ce matin : celui qui compte le plus, aujourd’hui, c’est le Christ vers lequel nous nous tournons, le Christ qui nous a rassemblés, le Christ qui vous a parlé, le Christ qui vous envoie de nouveau. Voilà comment nous nous sentons redevables à son égard ; voilà comment vous vous sentez vous-mêmes redevables à son égard, capables de transformer et de laisser transformer votre vie pour qu’elle soit toujours un signe de lui.
Vous l’avez déjà remarqué, je le sais, et vous ne cesserez de le remarquer encore. Quoique notre monde semble indifférent, quoique notre monde semble agité par beaucoup de préoccupations, quoiqu’il semble ne pas trouver de solutions pour que la paix arrive dans les cœurs, pour que le sens d’une vie belle puisse apparaître davantage, pour que les plus pauvres puissent être servis, pour que les plus perdus dans l’existence puissent être pris par la main et conduits au moins quelques instants qui les remettront de la vie et de la fraternité. Vous l’avez déjà remarqué, vous l’avez compris et vous ne cesserez de le comprendre chaque jour : nous sommes attendus, le Seigneur vous attend à travers les rencontres que vous allez faire. Le Seigneur se manifestera à vous parfois de façon discrète, parfois vous aurez peut-être même le sentiment qu’il ne répond pas, comme tant d’autres. Mais il vous a promis d’être toujours là. Vous êtes attendus par lui à travers vos rencontres et vous découvrez qu’il est attendu par beaucoup qui ne savent pas toujours où aller dans leur vie. Ils ont besoin de vous, ils ont besoin de nous, même si la demande n’est pas formulée explicitement. L’homme qui était dans le char lisait le texte d’Isaïe, mais il ne savait pas de qui on parlait. Et pourtant, revenant de pèlerinage probablement, il devait être un « Craignant-Dieu » comme on disait. Il avait besoin d’un guide, ce guide n’a pas duré très longtemps auprès de lui, le Seigneur a eu besoin d’un relais.
Qu’il soit toujours avec vous, chaque jour, dans le service que vous rendrez, même le plus petit et aux plus petits de vos frères. Qu’il soit là pour vous, qu’il soit là pour eux, qu’il soit là pour nous tous.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris