Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la cathédrale Notre-Dame, fête du chapitre et du Séminaire de Paris
Lundi 8 décembre 2025 - Notre-Dame de Paris
– Fête de l’Immaculée Conception
– Voir l’album-photos et revoir la célébration.
- Gn 3, 9-15.20 ; Ps 97 (98), 1, 2-3ab, 3cd-4 ; Ep 1, 3-6.11-12 ; Lc 1, 26-38
Un an après la réouverture de Notre-Dame, nous jetons volontiers un regard sur ce qui s’est passé ici durant 12 mois. Onze millions de visiteurs, c’est un chiffre brut qui cache tant d’événements : trois messes chaque jour et un certain nombre d’autres fêtes, Noël, Pâques, Pentecôte, 15 août. Les premières confirmations d’adultes en janvier, la messe chrismale en avril, les ordinations de prêtres et de diacres en juin, l’action de grâces pour la canonisation des carmélites de Compiègne en septembre. Et à la fin de cette semaine, la béatification des 50 martyrs de l’apostolat. Le service quotidien, plusieurs fois par jour, de la Maîtrise, la création du Te Deum de Thierry Escaich et celle du Magnificat d’Yves Castagnet. Et tant d’autres que j’omets pour ne pas allonger la liste.
Bref, une histoire d’amour entre Dieu et son peuple, qui trouve une illustration très fréquente dans les pèlerinages paroissiaux ou diocésains, de France et d’ailleurs. Faire pèlerinage à Notre-Dame de Paris ne paraissait pas il y a six ans, une activité envisagée ni même envisageable…
On vient visiter Notre-Dame, oui, mais aussi désormais on vient à Notre-Dame pour prier, à moins qu’on soit venu pour la visiter et que finalement on s’y arrête pour prier ! On se confesse à Notre-Dame, on vient à Notre-Dame pour la messe. C’est un changement que l’attrait nouveau de la foi, notamment chez les plus jeunes, a permis ; mais c’est aussi ce que le travail de l’équipe du recteur et des chapelains permet de vivre en profondeur.
Et aujourd’hui c’est un bref pèlerinage avec la Vierge Marie que je vous suggère de faire en suivant ses traces dans cette église qui lui est dédiée. Je vais me limiter aux sculptures, laissant de côté les autres représentations picturales ou les vitraux. Je ne parle pas non plus des stalles et de la clôture du chœur qui suit Jésus pas à pas.
En commençant par la façade occidentale par laquelle nous entrons, et son portail sud, le portail de Sainte-Anne. La Vierge y est en majesté, l’Enfant Jésus sur ses genoux comme sur un trône. Elle le retient de sa main droite, tandis que la main gauche tient un sceptre. Jésus bénit d’une main, tient le livre de la parole de l’autre. Et ce sont des scènes de la vie de la Vierge et de l’enfance du Christ, qui y sont rapportés tout autour.
Au portail Nord de la même façade, celui dit de la Vierge, un peu plus tardif au début du XIIIe siècle et refait au XIXe siècle après la révolution : c’est au tympan, le couronnement de la Vierge, et pour nous la promesse de notre accès à la vie en Dieu. Non sans rappeler l’histoire humaine et l’histoire ecclésiale du chemin difficile et des tribulations des hommes pour y parvenir.
Et puis nous entrons. En levant la tête vers la gauche du baptistère, nous voyons une Vierge à l’Enfant du début du XVIIIe siècle. Elle n’est pas rigide, mais plus naturelle, avec un vêtement agité par le vent de la vie quotidienne. Elle fut d’abord ici au transept à côté du chœur, à quelques mètres de l’endroit où je me trouve, dans une chapelle : on l’a appelée la Vierge des étudiants. Elle a ce côté si vivant et si jeune ! On peut imaginer que beaucoup sont venus déposer un cierge et un vœu. Elle a été déplacée récemment et mise à l’entrée. Elle est là pour nous accueillir de son sourire.
En continuant le tour dans le déambulatoire, après être passé devant la sainte Couronne d’épines que l’on vénère dans cette cathédrale depuis le début du XIXe siècle, nous pouvons entrer dans le chœur et prier un moment devant le Saint-Sacrement, au tabernacle. Au-dessus de l’autel, la Pietà du vœu de Louis XIII. La Vierge, dans une posture bien connue, tient Jésus mort sur ses genoux, et la main droite du Christ garde une trace de l’incendie d’avril 2019, un petit morceau de plomb fondu. Voici la Vierge des douleurs devant laquelle tant d’hommes et de femmes ont besoin de venir se recueillir et confier les douleurs de leur vie.
Il faut bien envisager que celle qui est sans péché, l’Immaculée Conception que nous fêtons aujourd’hui, est pleine de l’humanité dont nous sommes faits. Elle a été préservée du péché par anticipation de la mort de Jésus et du don complet de sa vie. Mais elle n’est pas ignorante de tout ce que vivent les hommes et les femmes de tous les temps, les hommes et les femmes de notre temps. Elle n’est pas incapable de connaître tout cela, de l’introduire auprès de son Fils et de lui demander d’exaucer nos demandes.
Toute cette histoire, toutes ces histoires se trouvent contenues dans celle qui est désormais placée juste à côté l’ambon d’où est proclamée la Parole de Dieu : elle est la première à écouter et à méditer cette parole. La Vierge du pilier, la Vierge qui a fait signe à Paul Claudel, c’est encore elle devant qui viennent se recueillir beaucoup de nos visiteurs, visiteurs d’un jour, ou visiteurs réguliers : devant la Vierge du pilier comme devant la Vierge des étudiants, des lumières brillent sans cesse.
Cette Vierge du XIVe siècle, qui depuis si longtemps caractérise cette cathédrale et la signe, nous la regardons avec amour. Elle avait été faite pour une autre église aujourd’hui disparue et toute voisine, au chevet de la cathédrale. Elle a été placée, après la Terreur, au trumeau du portail de la Vierge dont je parlais tout à l’heure ; puis elle vint ici où elle demeure depuis deux siècles. C’est Notre-Dame, dans Notre-Dame de Paris.
Ces sculptures ont voyagé dans notre cathédrale, chacune porte son propre récit. Mais elles annoncent toutes le grand mystère qui nous fait passer, à travers heurs et malheurs, de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière, des douleurs à la joie.
Oui, dans cette église, nous pouvons faire pèlerinage avec Marie. Toute l’architecture, toute la décoration intérieure conduit au Christ avec Marie. Le chapelet pour les uns, la marche pour d’autres, les stations devant ces représentations de la Vierge et d’autres nous conduisent sur le chemin de la rencontre du Seigneur. Que nous y trouvions la paix et que Dieu en soit glorifié.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris