Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la cathédrale Notre-Dame
Dimanche 7 décembre 2025 - Notre-Dame de Paris
– 2e Dimanche de l’Avent – Année A
- Is 11, 1-20 ; Ps 71, 1-2.7-8.12-13.17 ; Rm 15, 4-9 ; Mt 3, 1-12
Dans l’évangile du jour nous entendons que parle Jean-Baptiste, et la figure de Jean-Baptiste réapparaîtra de nouveau dimanche prochain. Aujourd’hui, sa parole est incisive, elle est violente même ! Il invite à la conversion du cœur par le baptême qu’il donne dans le Jourdain, un baptême d’eau pour se laisser convertir, mais il est capable d’interpeler violemment les Sadducéens, les Pharisiens, des gens de deux groupes parmi les Juifs qui sont très observants de la Loi. Il les interpelle en leur disant - et cela nous questionne, nous allons en reparler dans un instant – qu’ils sont « une engeance de vipères », remplis d’hypocrisie, de paresse spirituelle, de fausse assurance pour eux-mêmes et d’orgueil. Comment pouvons-nous interpréter cela ? Comment pouvons-nous l’accueillir ? Parce que nous savons bien que le fait d’être disciple du Christ, de venir dans cette église pour le trouver, pour le rencontrer, pour l’écouter, doit nous permettre de nous interroger sur nous-même. Entendons ces invectives de Jean-Baptiste. Il parle de l’hypocrisie, c’est-à-dire le fait, pour les Pharisiens et les Sadducéens - et nous devons l’entendre pour nous-même - de dire la bonne parole mais de ne pas s’y conformer ; de dire mais de ne pas faire ; d’être loin de l’action aux paroles bonnes que nous sommes censés dire. Ceci nous marque, ceci nous interpelle, ceci nous invite à changer quelque chose dans notre cœur et à prendre une bonne résolution : que ce nous disons et ce que nous faisons soient aussi proches l’un de l’autre que possible.
Nous savons bien que seul Dieu est celui qui fait en disant et qui dit en faisant. Seul, il est capable d’avoir une parole tout à fait accordée à ce qu’il fait et inversement. Mais il nous invite aussi à lui ressembler de cette façon.
Jean-Baptiste accuse les Sadducéens et les Pharisiens de « paresse spirituelle ». De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’avoir une pratique religieuse très formelle, très formaliste. Il suffit de suivre les rites, il suffit d’être présent à la messe ou ailleurs et d’avoir une attitude très passive - cela arrive non seulement à ceux qui sont dans l’assemblée mais cela peut arriver aussi à ceux qui sont les ministres de l’Évangile - et nous ne sommes donc, ni les uns ni les autres à l’abri de ce manque profond, de ce manque déchirant qui traverse nos vies : ne pas remplir de puissance spirituelle ce que nous sommes en train de faire lorsque nous nous mettons en prière. Il les accuse aussi d’avoir une « fausse assurance ». Ils disent qu’ils sont enfants d’Abraham, que tout va bien, et nous nous pouvons dire : « Je suis baptisé, je reçois les sacrements, je suis membre de l’Église, tout va bien ». Mais non, tout ne va pas forcément bien ! Il faut encore que notre manière d’être, notre manière de vivre, s’accorde à ce désir que nous avons d’être en effet membre de l’Église, d’être baptisé ou de nous préparer au baptême. « Fausse assurance » de nous reposer simplement sur des gestes que nous faisons mais avec lesquels notre cœur n’est pas présent.
Et puis enfin, il les accuse d’orgueil, de se sentir supérieurs aux autres parce qu’ils savent, parce qu’ils ont été instruits par Dieu, parce qu’ils entendent la Parole et ils possèdent la Loi. Et nous comprenons aussi qu’il peut nous arriver de penser que nous sommes supérieurs aux autres. Bien sûr nous avons un grand privilège qui est d’entendre la Parole de Dieu, de savoir que Dieu est venu nous sauver en Jésus que nous attendons. Nous avons un grand privilège, mais encore faut-il ne pas en faire une source d’orgueil par rapport aux autres croyants, par rapport à ceux qui ne croient pas.
Voilà pour ce tableau du péché d’Israël, du péché des membres de l’Église, du péché de chacun d’entre nous. Nous sommes invités pendant ce temps d’Avent à nous réformer sur ces sujets.
Mais d’un autre côté nous avons entendu la prophétie d’Isaïe en ce jour, qui nous dit qu’un jour il arrivera que le monde, l’humanité et la nature seront réconciliés. Que les animaux terribles vivront avec ceux qui sont doux. Qu’il ne se fera plus de meurtrissures les uns aux autres et nous vivrons en paix avec cette nature et avec nos frères et nos sœurs. C’est le beau tableau qui peut nous habiter, le beau tableau, que nous contemplons, du bonheur de Dieu, de la justice de Dieu : l’invitation à vivre dans la droiture et la simplicité du cœur. Et cela, éclairant notre vie, la rend évidemment plus belle et plus capable de se laisser transformer par le désir de Dieu. Et il se fera un monde dans lequel la connaissance de Dieu recouvrira l’univers comme l’eau recouvre les mers, comme l’eau est là et recouvre tout le volume qu’elle doit occuper. Voilà une belle image, et nous pouvons espérer, en effet, que la connaissance de Dieu grandisse dans le monde.
On dit, ou on aime faire comprendre, que les sociétés dans lesquelles nous vivons se passent très bien de Dieu, que la connaissance de Dieu semble ne plus intéresser le monde dans lequel nous vivons. Ce n’est pas forcément si sûr quand on voit les foules qui sont venues dans cette cathédrale depuis un an. Que la connaissance de Dieu grandisse, c’est une espérance formidable que nous avons ! Nous n’allons pas orgueilleusement porter des jugements sur ceux qui semblent se désintéresser de la connaissance de Dieu, mais nous allons essayer de témoigner davantage pour que la connaissance de Dieu soit désirable. Nous allons vivre plus droitement à l’appel du Seigneur qui vient nous rencontrer dans la fête de l’Incarnation, que nous allons célébrer dans quelques jours. Nous allons désirer partager davantage la connaissance du Seigneur parce que nous sentons que c’est là la source d’un monde meilleur. Nous allons davantage montrer la joie qui habite ceux qui sont entrés, par privilège, par mystère, dans la connaissance de Dieu.
Que cette connaissance de Dieu se développe en chacun de nous ; qu’elle devienne plus désirable ; que l’amour miséricordieux de Dieu nous soit si familier que nous n’aurons qu’une envie, celle de le faire connaître et d’en vivre pour nous-mêmes. Que la connaissance de Dieu recouvre toute cette terre, c’est notre espérance : donnons-en à nos frères et à nos sœurs une belle image.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris