Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Célébration de l’Appel décisif et inscription du Nom des catéchumènes à Saint-Sulpice
Samedi 17 février 2024 - 10h00 - Saint-Sulpice (6e)
- Col 3,12-17 ; Ps 24 ; Mc 6,34-44
Voici un très beau moment d’évangile, dont nous venons d’être témoins. Un beau moment où Jésus se trouve devant une foule de cinq mille hommes, et à cette époque on se préoccupait malheureusement peu des femmes et des enfants, donc une grande foule - dont l’assistance de ce matin donne une petite idée - et dans un moment où il n’y a pas des milliards d’êtres humains sur terre. Il s’agit vraiment d’un moment exceptionnel. Et c’est donc une aventure commune qui est vécue par une foule avec Jésus.
Que se passe-t-il d’abord ? D’abord nous entendons parler de la compassion de Jésus, parce que les foules qui étaient là étaient comme des brebis sans berger ces personnes ne savaient pas vers qui aller, elles ne savaient pas quel était le sens de ce qu’elles vivaient, elles n’avaient pas encore perçu ni compris qu’elles étaient comme aimantées par Dieu, par la Parole de Dieu. Elles étaient donc à la recherche, certainement, de maîtres, de gens qui leur disent une parole qui leur fasse du bien. Mais peut-être étaient-elles très dispersées dans leur cœur, très versatiles, allant et venant vers un être puis vers un autre, se confiant successivement à des paroles qui leur faisaient peut-être du bien pendant quelques instants mais ne les nourrissaient pas vraiment. Jésus a compassion de ce peuple, de cette foule, qui a besoin d’être ouverte à l’amour de Dieu, qui a besoin de recevoir une vraie bonne nouvelle qui soit durable pour la vie entière, qui change l’existence. Peut-être vous reconnaissez-vous, chers catéchumènes, dans cette foule qui vient écouter Jésus ? Peut-être - et même j’en suis certain après avoir lu déjà un bon nombre de vos lettres, et je vais continuer pendant tout ce temps de carême à vous lire parce que c’est très important et très instructif sur ce que des personnes de notre époque peuvent chercher - peut-être vous reconnaissez-vous comme ces hommes et ces femmes qui cherchent la lumière, ayant entendu beaucoup de discours de toutes sortes dans ce monde, ayant eu parfois l’impression de n’être pas vraiment écoutés, de n’avoir pas reçu d’écho à ce qu’ils disent, à ce qu’ils demandent, à ce qu’ils cherchent ? Peut-être vous reconnaissez-vous dans ces foules et alors vous savez qu’à un moment donné vous avez été rejoints par la Parole de Jésus ?
L’un ou l’une d’entre vous écrivait : « je découvre avec les autres la profondeur de la Parole de Dieu ». C’est bien l’un d’entre vous qui a dit cela, et je cite cette phrase parce qu’elle est extrêmement importante : « je découvre ». Cela veut dire que, jusqu’à présent, je n’avais pas eu un tel écho, personne n’avait vraiment répondu à mes questions. Et la profondeur de la Parole de Dieu, tout d’un coup, m’alerte, me retient, m’arrête et en même temps me fait avancer : je décide de la connaître mieux. Mais cette parole, que je viens de citer, dit aussi : « je découvre avec d’autres ». C’est-à-dire que, dans l’Église, je découvre au milieu de la foule, je ne suis pas tout seul sur le chemin, nous sommes nombreux, et j’ai besoin aussi des autres pour comprendre cette parole. J’ai besoin que les autres me disent comment ils l’entendent. J’ai besoin de savoir que, dans les générations précédentes, on l’a aussi écoutée et que, depuis vingt siècles, des hommes et des femmes sont capables de donner à cette parole toute leur confiance. Cette parole ce n’est pas seulement des mots, mais une vie donnée, celle de Dieu, celle du Christ.
Après la compassion de Jésus, il y a aussi la belle attention des disciples. Les disciples qui sont autour de Jésus, qui l’accompagnent, qui sont avec lui, qui ont déjà eu la chance d’avoir été appelés, qui ont déjà eu cette chance d’écouter cette parole, et qui suivent Jésus parce qu’ils ont découvert que, justement, c’était une parole qui nourrissait toute leur vie. Ce n’est pas une parole fugace. Alors ces disciples ont une attention très sympathique à l’égard de ces foules en disant à Jésus : « renvoie-les ! » C’est très sympathique : qu’ils aillent se débrouiller pour trouver à manger, nous on ne peut pas ! Je pense, et je le lis parfois entre les lignes de vos lettres, que vous avez pu être mal accueillis par un chrétien, par un autre disciple de Jésus, que l’on vous a dit : « ici on ne peut pas grand-chose pour vous ». Ou bien ce n’était pas encore le moment pour vous, et vous vous êtes donc sentis encore un peu renvoyés. C’est possible. C’est dommage probablement pour celui ou celle qui vous aura dit de repartir ; c’est dommage pour ce disciple qui n’a pas tout à fait compris ce que le Seigneur attendait de lui, parce que le Seigneur nous rappelle à l’ordre, nous aussi, les disciples, et il nous dit : « vous êtes là avec moi pour faire le travail de Dieu ; vous êtes là avec moi pour faire bon accueil à ceux qui veulent entendre encore la Parole de Dieu et qui veulent la prendre au sérieux ». Nous-mêmes, nous entendons cela et nous nous réjouissons que, finalement, vous ne soyez pas renvoyés mais accueillis à l’intérieur de l’Église, par ce geste que vous faites et que nous faisons avec vous aujourd’hui. Jésus distribue donc la parole comme il distribue le pain de la nourriture terrestre et il nous demande de distribuer avec lui. Jésus rend grâce à Dieu que des hommes et des femmes se soient approchés de lui pour l’écouter et il invite ceux qui l’accompagnent déjà, et ce sera donc bientôt à vous de le faire avec nous, à distribuer le pain de sa Parole mais aussi les biens nécessaires à la vie, autant qu’il est possible.
Nous sommes avec lui, et vous êtes avec nous désormais, pour faire le travail de Dieu. Je cite encore l’une ou l’autre des phrases que j’ai lues dans vos lettres. « Je commence, dit l’un ou l’une d’entre vous, à découvrir Jésus. Oh c’est bien modeste, nous faisons connaissance ». Et je trouve qu’il y a là quelque chose de très beau qui indique que c’est un chemin qui n’est jamais fini. Je pense qu’il est beau que chacun d’entre nous, catéchumènes, accompagnateurs, donc déjà baptisés, parrains, marraines, diacres et prêtres, évêques, nous nous disions que nous faisons connaissance de Jésus chaque jour un peu mieux. Nous n’avons jamais terminé de le découvrir, de l’aimer, de répondre à son amour et de vouloir marcher avec lui.
Un autre dit encore : « je suis comme un petit poisson qui voudrait rejoindre l’océan ». Un petit poisson qui veut grandir, un petit poisson qui veut se trouver dans la haute mer avec Jésus, dans la barque peut-être si l’on parle des hommes et des femmes qui sont avec lui, Jésus, ou dans l’eau comme le poisson. C’est d’ailleurs une très vieille image utilisée par un chrétien des premiers siècles qui parlait des chrétiens comme des petits poissons.
Voilà une belle aventure ! Puisque vous avez été choisis par Dieu, dit l’apôtre Paul aux Colossiens, les chrétiens de la ville de Colosse - c’est ce qui se passe aujourd’hui - alors soyez dans l’action de grâce. Soyez joyeux d’avoir été choisis ; soyez joyeux d’écouter la Parole de Dieu ; soyez joyeux de la partager ; soyez joyeux d’être fraternels avec Jésus pour tout homme et toute femme. Soyez joyeux de partager votre temps, votre désir d’aimer avec ceux que le Christ aime depuis toujours, parmi lesquels vous êtes déjà.
+ Laurent Ulrich, archevêque de Paris
– Voir l’album de l’Appel décisif et inscription du nom des catéchumènes 2024