Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Joseph des Nations

Dimanche 17 mars 2024 - Saint-Joseph des Nations (11e)

– 5e Dimanche de Carême – Année B

- Jr 31,31-34 ; Ps 50,3-4.12-15 ; He 5,7-9 ; Jn 12,20-33

La division est de tout temps, et on peut rêver qu’il y ait un jour un monde dans lequel il n’y ait plus de violence, plus de mensonge, plus de mépris, plus de guerre, plus de conflits familiaux, et toutes sortes de choses qui nous paraissent tellement contraire au don de la vie que Dieu nous a fait. Les enfants, les adolescents souvent en rêvent, et quand je lis des lettres de demandes pour le baptême ou la confirmation, je vois cela apparaître assez régulièrement. Le Pape lui-même invite les jeunes, et il l’a fait après le Synode sur les jeunes, à avoir des rêves, des rêves forts pour leur vie, des rêves forts pour la vie du monde, et des rêves de cette nature. Dès son premier texte, dont vous vous souvenez, La joie de l’Évangile, il disait qu’on peut rêver que la mission de l’Évangile atteigne tous les hommes, que la Parole de Dieu soit accueillie et que l’on découvre sa force transformatrice et rénovatrice. Nous pouvons être animés de ces rêves-là.

Mais dans la première lecture, tirée du Livre de Jérémie, qui date de six siècles environ avant Jésus, on entend que c’est Dieu lui-même qui rêve. C’est Dieu lui-même qui rêve que nous comprenions, que son peuple comprenne qu’il veut faire une alliance avec tous : Dieu veut faire comprendre qu’il a créé le monde et l’humanité tout entière, pour que ce soit une alliance entre lui et nous, une alliance de bien, une alliance de justice, une alliance de paix. Il veut que nous comprenions bien cela et que nous le fassions comprendre, que nous vivions de telle sorte que les hommes et les femmes qui sont autour de nous puissent un jour être atteints par cette bonne nouvelle que Dieu est ami des hommes et que Dieu veut leur montrer qu’il est allié à eux.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, nous voyons que cela se réalise en Jésus. Parce que l’annonce de l’Évangile, la bonne nouvelle du Salut, à arrive alors non seulement au milieu du peuple israélite, mais est déjà en train de sortir du peuple israélite, en train d’atteindre d’autres peuples. C’est ce que nous voyons dans l’Évangile que nous venons d’entendre : des Grecs - c’est-à-dire des gens qui étaient certainement proches du Judaïsme puisqu’ils viennent à Jérusalem pour adorer Dieu au temple, mais qui ne sont pas Juifs - ces quelques Grecs veulent voir Jésus. Ils veulent découvrir qui est cet homme dont ils entendent parler et dont ils comprennent qu’il vient annoncer cette bonne nouvelle à tous, qu’elle n’est pas faite simplement pour les Israélites. Et quand Jésus les rencontre, avec deux de ses disciples, il comprend que c’est le moment pour lui de donner sa vie parce que, enfin, l’Évangile est sorti du petit groupe de ses disciples. Cette mention que quelques Grecs veulent le voir peut nous rappeler un autre épisode. Au début de l’évangile de saint Jean deux disciples demandent à Jésus où il demeure, et il leur répond : « Venez et vous verrez ». Eh bien là, voilà quelques disciples nouveaux, qui veulent voir qui est Jésus, comment il vit, de quoi il parle, comment il touche le cœur d’un certain nombre dans le peuple de Dieu déjà constitué mais aussi déjà en dehors de ce peuple. Et Jésus comprend que c’est le moment de donner sa vie ; Jésus comprend que c’est le moment puisque l’Évangile commence à rejoindre plus largement que les premiers croyants.

C’est ce qui s’est poursuivi tout au long de l’histoire. Il y a toujours eu des nouveaux qui sont venus bousculer les anciens croyants. Il y a toujours eu des nouveaux peuples, et quand on est ici à Saint-Joseph des Nations, on peut raconter l’histoire de peuples qui ont été touchés par l’Évangile, à certains moments de l’histoire, qui ont agrandi l’humanité croyante. C’est, pour nous, très important de nous souvenir de cela à quinze jours avant de fêter Pâques. Nous entrons dans ce moment où nous comprenons que la Semaine sainte va nous acheminer vers ce don de Jésus à tous, vers ce don de Jésus pour tous, où nous comprenons que le rêve de l’humanité qui accueille la Parole de Dieu est en train de se réaliser.

Aujourd’hui encore, arrivent dans notre Église des personnes qui ont entendu parler de Jésus, qui ont entendu parler de l’Évangile, qui veulent en savoir plus, qui veulent devenir disciples, et nous l’espérons « disciples missionnaires » comme dit le pape François. L’un des premiers qui ait accueilli comme cela l’Évangile, avec Marie, c’est évidemment Joseph. Il a lui-même accueilli dans son cœur et dans sa vie, dans son projet humain, un retournement de situation. Il a accepté que ce qu’il avait prévu ne se réalise pas ainsi. Ce qu’il attendait de sa fidélité à Dieu le conduit sur d’autres chemins que ce qu’il avait lui-même projeté, peut-être. C’est donc une histoire qui se répète sans cesse. Il y a sans cesse des nouveaux qui viennent. Il y a sans cesse du nouveau qui se passe dans le cœur des croyants qui accueillent l’Évangile de Jésus. Nous en sommes tous témoins dans notre temps, dans notre monde qui, comme on le dit, se sécularise, dans notre société française même, qui a l’air parfois de refuser d’entendre le nom de Dieu, le nom de Jésus, alors que nous avons parfois le sentiment d’un reflux du nombre de ceux qui croient, en tout cas de ceux qui pratiquent, de ceux qui viennent à l’église, de ceux qui affirment leur foi. Nous ne pouvons pas nous désespérer, nous ne pouvons pas quitter ce chemin d’une ouverture permanente à d’autres.

Car il y a aujourd’hui encore de beaux appels et de belles réponses qui sont faites à l’invitation de Jésus, à son désir de rejoindre tous les peuples, dans toute situation, de telle sorte que soit éveillé dans le cœur des hommes le désir de ce monde où l’on entend la proposition d’amour pour tous, où l’on accueille le désir d’être sauvés par le don de Jésus. Au moment où Jésus donne sa vie, il dit : « lorsque je serai élevé - et nous savons que cela veut dire sur la croix - j’attirerai à moi tous les hommes ».

C’est la bonne nouvelle que nous entendons ce matin. Elle doit nous encourager, dans ce moment que nous vivons, à attendre d’être renouvelés dans notre foi et dans notre espérance, par l’appel de Jésus et par la réponse de ceux qui s’approchent de lui, alors que nous ne les connaissions pas. Nous les accueillons dans nos communautés et cela nous transforme.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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