Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Gabriel à l’occasion de la réouverture de l’église à la fin des travaux

Dimanche 6 octobre 2024 - Saint-Gabriel (20e)

– 27e dimanche du Temps Ordinaire – Année B

- Gn 2,18-24 ; Ps 127, 1-6 ; He 2, 9-11 ; Mc 10, 2-16

Jésus, comme vous l’avez remarqué dans l’évangile d’aujourd’hui, ne se laisse pas prendre au piège dans lequel des pharisiens veulent l’entraîner. Ils le mettent à l’épreuve, dit l’évangile. C’est une attitude si courante de mettre ceux qui sont en vue, en responsabilité, dans un piège pour révéler leurs contradictions ! Et le monde dans lequel nous vivons n’est pas avare du tout de ces procédés, de tâcher de mettre quelqu’un en contradiction avec lui-même. Mais Jésus ne se laisse pas prendre au piège. On lui dit : divorce, et il répond : alliance de Dieu avec les hommes, il répond fidélité et amour, il répond bonheur de vivre une promesse que Dieu fait d’être allié à chacun d’entre nous. C’est une ouverture très étonnante ! Il ne répond pas directement à la question mais il dit : « Regardez bien sur quoi repose la foi qui est la vôtre, elle repose sur la fidélité de Dieu et sa promesse d’être heureux dans la fidélité. » Et, presque tous, nous savons ce que Jésus est capable de faire avec ceux qui avouent leur faute, leur péché, leur faiblesse, leur fragilité : nous comprenons que Jésus annonce la Miséricorde de Dieu pour ceux qui ne savent pas pouvoir tenir leurs engagements, et qu’en même temps il ne renonce jamais à annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile qui est la fidélité de Dieu et le bonheur qu’il y a à suivre le Seigneur dans la fidélité et l’accomplissement de ses promesses. Les deux doivent toujours être dits ensemble.

Vous vous souvenez que le Pape François, à la suite de deux synodes en 2014 et 2015 sur la famille, a donné l’exhortation apostolique Amoris Laetitia (La joie de l’amour), dans laquelle au long des pages il explique à la fois le devoir de l’Église de continuer à annoncer l’amour fidèle de Dieu et le bonheur de vivre dans la fidélité, et en même temps la miséricorde pour que ceux qui tombent sur le chemin ne se sentent jamais exclus, ne se sentent jamais au bord du chemin et ne se sentent jamais stoppés dans leur effort - s’ils le veulent bien sûr - de se tourner vers le Seigneur et d’attendre tout de sa bonté, de sa fidélité et de continuer à marcher sur le chemin.

C’est ce qui est proposé à une communauté chrétienne comme la vôtre, qui a le sentiment de renaître grâce à la présence de cette église rénovée, restaurée avec des choix qui ont dû être faits, par l’aide des Chantiers du Cardinal et par la persévérance de tous ceux qui ont travaillé avec joie et goût pour que cette église retrouve à la fois des couleurs, de la clarté, et surtout de la solidité.

Voilà tout ce que nous avons à vivre ensemble et qui est de ce même ordre de la fidélité, fidélité à la vocation d’une communauté chrétienne, fidélité à la vocation d’une communauté qui annonce elle-même le bonheur d’être fidèle. Vous aurez pour cela les moyens qui vous seront proposés dans l’année qui vient : nous allons être dans une année sainte, dans le jubilé de l’incarnation du Seigneur. Et nous allons être invités à vivre dans l’espérance au milieu d’un monde qui est traversé de tant de douleurs, de souffrances, de détresses, d’oppositions, de guerres, de ruptures entre les hommes. Annoncer l’espérance c’est évidemment venir chercher ici, dans cette église, la force de garder l’espérance et de la dire à nos frères et à nos sœurs. Garder l’espérance c’est se retrouver dans cette église pour célébrer la bonté de Dieu qui se donne dans l’eucharistie et dans les sacrements.

Et j’ai proposé que, dans cette année qui vient, vous puissiez, nous puissions revenir à la source des sacrements, que nous puissions travailler ensemble, en petits groupes de chrétiens, parfois tout seul quand on n’a pas d’autres moyens, avec l’aide de la paroisse, sur cette richesse de la vie dans les sacrements. Il y a tellement de gens qui, depuis des années, ont abandonné la pratique des sacrements comme si elle ne leur disait plus rien, qu’il est nécessaire que nous redécouvrions la force qu’il y a dans la présence du Christ qui se manifeste à nous à travers la vie sacramentelle et qui nous donne à travers les sacrements la force d’être des témoins, la force de rester fidèles, la force d’être avec lui pour toujours puisque lui est avec nous pour toujours. Lorsque nous célébrons les sacrements, nous comprenons qu’aujourd’hui encore il est au milieu de nous et qu’il nous encourage, qu’il nous fait vivre.

La mission d’une communauté chrétienne c’est aussi de vivre les engagements : les engagements auxquels vous croyez, les engagements dans un quartier, les engagements au service de tous ceux que vous fréquentez, de ceux qui attendent qu’on leur manifeste charité, goût de vivre, espérance, amitié, soutien. Et je sais que vous êtes prêts à vivre ces choses, mais vous avez également besoin de vous encourager les uns les autres à les vivre. L’espérance c’est aussi de vivre dans l’Église tout entière. Elle est, bien sûr, comme chacun de nous le sait, fragilisée de bien des façons, mais que faire d’autre que de lui rester fidèle et de vouloir être, avec elle, témoin de l’amour de Dieu ?

Parfois on nous dit : « Avec tout ce qui est arrivé dans l’Église, comment pouvez-vous continuer à annoncer l’Évangile ? » Mais, bien sûr, c’est justement le moment d’aller, de ne pas perdre courage, de pouvoir montrer que, même si nous savons qu’il y a des difficultés, des désunions, des séparations à l’intérieur même de l’Église, et des mauvais comportements, eh bien justement, pour se réformer, pour bouger, pour changer, il est nécessaire que nous gardions l’unité et la fidélité dans l’Église !

Et puis manifester l’espérance c’est aussi faire confiance aux jeunes. Je vois beaucoup de jeunes dans cette église et j’en suis très heureux. Beaucoup de scouts qui un jour ou l’autre ont fait ou feront la promesse scoute de vivre dans la fidélité au service des autres, à l’amour, au témoignage de la foi et à la construction d’une société meilleure et plus fraternelle. Tout cela on essaie de l’apprendre quand on est encore à l’âge de l’éducation, quand on est à l’âge de se former et de se laisser former. Chacun sait le bienfait pour cela de ces mouvements de jeunes et du scoutisme en particulier.

Voilà bien des façons de vivre l’espérance à laquelle le Saint-Père nous invite pour l’année jubilaire de l’incarnation, c’est-à-dire de la venue du Seigneur dans notre monde grâce à la Vierge Marie qui a dit oui, qui ne savait pas où elle allait quand elle a dit oui, mais qui l’a dit parce qu’elle a compris que c’était Dieu qui, dans sa fidélité, l’interpellait et la sollicitait.

Ensemble, nous sommes, comme la Vierge Marie, l’Église qui cherche à comprendre quel chemin le Seigneur veut lui faire suivre. En rentrant de nouveau dans votre église et en la découvrant si belle, si accueillante et si généreuse, pour beaucoup de monde, que nous renouvelions, que vous renouveliez votre promesse d’être des fidèles membres du Corps du Christ et de son Église dont la mission n’est jamais finie. Que le Seigneur vous en donne la force jour après jour et que le rassemblement dans cette église vous y encourage vivement.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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