Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Séverin avec rite d’admission d’un candidat au sacerdoce au séminaire de Paris

Vendredi 3 janvier 2025 - Saint-Séverin (5e)

– Solennité de sainte Geneviève

- Os 2, 16b.17b.21-22 ; Ps 44, 11-12a.14-17 ; 1 Jn 3, 14-18 ; Lc 10, 38-42

En ce jour de fête et de solennité, nous sommes heureux d’entendre ces lectures tirées d’abord du prophète Osée. Bien sûr nous pourrions ne pas comprendre le début de ce passage tiré du livre d’Osée sur l’épouse infidèle, quand il s’agit de Geneviève qui a été un modèle de fidélité. Mais c’est évidemment la deuxième partie du texte qui nous importe, quand il s’agit de sainte Geneviève : « Je ferai de toi mon épouse pour toujours ». C’est la promesse de Dieu qui est faite à Geneviève elle-même et que Geneviève saisit dans son plus jeune âge. Cette jeune femme de bonne famille découvre qu’elle peut faire promesse à Dieu parce que Dieu lui fait promesse d’être fidèle. C’est ce qui la détermine dès l’âge de 15 ans à être une fidèle du Seigneur et à compter sur la fidélité de Dieu pour fonder toute son existence : « Je ferai de toi mon épouse dans la loyauté et tu connaîtras le Seigneur. » C’est la première démarche qu’elle a le désir de faire, qu’elle fait, qu’elle fait bien et qui lui apporte - tout au long d’une vie dont l’histoire nous dit qu’elle a été fort longue -, tout le fruit que l’on connaît ensuite. Parce que la première lecture est poursuivie par le psaume qui est une invitation autre à découvrir que la fidélité de Dieu produit du fruit, non seulement dans la vie présente de celui qui s’adonne à cette fidélité de Dieu et qui compte sur elle, mais qui produit aussi du fruit durablement : « À la place de tes pères se lèveront tes fils ; sur toute la terre tu feras d’eux des princes ».

Geneviève a la certitude, l’assurance, que ce qu’elle vit portera du fruit au-delà de sa propre existence, au-delà de sa propre vie terrestre, au-delà de son seul service réduit à l’entourage proche dans lequel elle a pu consacrer sa vie. Et cette double assurance de la fidélité de Dieu et du fruit que Dieu est capable de donner, Geneviève la porte avec beauté, nous le savons.

De la lecture de saint Jean, en deuxième lecture, nous entendons que cet engagement que Geneviève a pris est évidemment un engagement à donner sa vie, c’est le mot même que saint Jean utilise : « Voici à quoi nous avons reconnu l’amour : Lui, Jésus a donné sa vie pour nous ». Donner sa vie, il y a évidemment bien des manières de le faire, et l’histoire chrétienne est remplie des multiples façons par lesquelles des hommes et des femmes, des croyants, des fidèles ont donné leur vie à Dieu et aux autres. C’est très heureux qu’il y ait ces multiples manières de donner sa vie. Avoir une vocation, ce n’est pas un mot à sens unique, c’est un mot à multiples significations et à multiples formes d’engagements qui suivent. C’est très beau aussi de le constater à travers toute l’histoire chrétienne.

Nous en avons l’illustration dans l’évangile que nous venons de lire. On a bien souvent l’habitude d’entendre opposer le service de Marthe et l’écoute de la Parole par Marie. Il est bien clair, et la suite de l’histoire le montre, que Marthe et Marie, dans la tradition de l’Église, sont toutes les deux considérées comme des saintes. On ne peut pas tirer de cet évangile une sorte de condamnation que Jésus aurait adressée à Marthe. Toutes les deux sont saintes dans leur manière d’être. Ce que Jésus demande à l’une et à l’autre c’est de donner leur vie ; c’est de se mettre au service de Dieu et des autres ; c’est de compter sur la promesse de Dieu ; c’est de désirer faire la promesse du don de sa propre vie de multiples façons. Mais ces multiples façons c’est à la fois d’écouter la Parole de Dieu et d’en prendre l’engagement, et de se mettre au service des autres et d’en prendre aussi l’engagement. L’histoire de sainte Geneviève le montre. Elle a désiré donner sa vie à Dieu. Elle a été invitée à faire tenir bon dans l’épreuve le peuple de Paris, à repousser toute crainte et à inviter le peuple de Paris à être dans la confiance en Dieu plutôt que dans la confiance dans les armes ou dans la fuite. Et puis elle a été portée à une charité extrême qui s’est exprimée dans l’épisode bien connu de la famine à laquelle elle a permis de remédier, pour sauver les plus pauvres notamment.

Elle a été à la fois dans l’écoute de la Parole de Dieu, dans l’épreuve de la confiance absolue, dans ce que Dieu voulait pour elle et pour le peuple de Paris, et dans le service de la charité la plus grande.

Aujourd’hui, pour Frédéric qui se présente et qui désire offrir sa vie au Seigneur, les chemins s’ouvrent pour lui, mais à travers des hypothèses, bien sûr. Ce à quoi il s’engage – il va le dire dans un instant – c’est à continuer à se former. Et ce à quoi l’Église s’engage, en face de lui, c’est à lui donner les moyens de cette formation et de l’aider au discernement nécessaire de la vocation qui est la sienne.

Que le Seigneur soit avec nous tous, pour nous accompagner sur les chemins de la sainteté, du don de soi, du désir de l’écouter et de mettre en pratique, par la charité, la confiance que nous lui portons et qu’il donne à chacun de nous, et particulièrement aujourd’hui à Frédéric.

+ Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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