Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la cathédrale Notre-Dame, à l’occasion de l’ouverture du Jubilé de l’Incarnation à Paris, messe des Nations avec les communautés étrangères

Dimanche 5 janvier 2025 - cathédrale Notre-Dame (4e)

– Épiphanie du Seigneur
11h30
- Is 60,1-6 ; Ps 71,1-2.7-8.10-13 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12

Toutes les nations, disait la deuxième lecture, sont associées au même mystère : le mystère de la venue de Dieu au milieu des hommes, pour les sauver. Et ce mystère est donc donné à la connaissance de tous les peuples de la terre. Voilà pourquoi, ce matin, nous sommes invités à élargir notre regard bien au-delà de notre propre vie personnelle et bien au-delà de la vie des communautés naturelles auxquelles nous appartenons, des communautés chrétiennes célébrantes, priantes, dont nous sommes des membres. Nous sommes invités à regarder toutes ces nations et à nous dire qu’elles sont comme la nôtre, que chacun a la sienne et qu’elles sont appelées au même Salut, à connaître la même Bonne Nouvelle de ce mystère que je viens de rappeler à l’instant.

Au milieu de nous, toutes les communautés catholiques d’origines étrangères, que j’ai citées devant le baptistère il y a quelques minutes, sont là. Elles nous rappellent qu’il y a ici un peu de tout le monde, un peu de là d’où nous venons, que toutes les nations se retrouvent évidemment dans une grande ville comme Paris. Mais toutes les nations aujourd’hui sont habituées à cette circulation et à cette mobilité, et les échanges entre nous, entre peuples, se font de plus en plus fréquents. Peut-être que c’est une difficulté mais c’est une chance aussi ! Il y a de la migration temporaire, ceux qui viennent ici, ceux qui se sont déplacés de chez eux pour venir ici, pour venir faire des études ou pour l’accomplissement de tâches professionnelles par exemple ; et il y a des migrations plus durables, notamment celles qui sont liées à l’exil, celles qui sont liées à la difficulté de rester sur le sol sur lequel on est né, pour des raisons économiques ou politiques : c’est difficile de quitter son chez soi, c’est une souffrance bien sûr et on compte, si on est obligé de migrer, sur l’accueil des peuples vers lesquels on se dirige, on espère trouver bon accueil dans les pays où l’on arrive et où l’on pense que l’on va élire domicile pour un temps plus ou moins long et peut-être pour le reste de la vie. C’est dur. Et il y a l’accueil dont nous sommes capables, un accueil qui se vit dans les communautés chrétiennes, l’accueil paroissial : j’ai cité plusieurs paroisses, à l’instant, qui accueillent des communautés étrangères. On peut se retrouver à plusieurs et former, à l’intérieur d’une communauté paroissiale, un petit groupe de gens qui viennent du même pays et se sentir accueillis dans cette paroisse, heureusement.

Il y a aussi des prêtres, des religieux, des religieuses, qui viennent chez nous en mission apostolique, parce qu’ils savent qu’ils ont des concitoyens dans ce pays où nous habitons. La barrière linguistique n’est pas toujours facile ; la barrière culturelle doit être franchie. Mais ensemble nous recevons l’héritage du même mystère qui est transmis à toute les nations.

C’est une joie, en cette fête de l’Épiphanie, de célébrer cette messe des Nations, cette messe des peuples, cette messe des communautés catholiques d’origines étrangères. C’est une joie de la vivre en ce dimanche, tout particulièrement ici à la cathédrale.

Mais notre regard est aussi porté sur l’universalité avec l’ouverture de l’année jubilaire. Cela a déjà commencé à Rome, il y a 15 jours, au moment de Noël, et aujourd’hui parmi nous : nous entrons dans ce jubilé que le pape François a voulu placer sous le signe de l’espérance.

Vous le savez, la pratique de l’année jubilaire, pratique très ancienne puisque datant déjà de l’Ancien Testament, a été restaurée dans l’Église catholique au début du XIVe siècle. Le pape de l’époque a décidé que l’année 1300 serait une année de jubilé et ainsi, tous les 25 ans depuis le début du XIVe siècle, nous fêtons un jubilé de l’incarnation de Dieu parmi les hommes. Un certain nombre d’entre vous se souviennent encore du grand jubilé de l’année 2000 auquel le saint Pape Jean-Paul II avait voulu nous préparer pendant plusieurs années. Un renouveau de l’espérance : voilà ce que le pape François nous invite à vivre. Dans sa lettre d’ouverture du jubilé, il nous dit que l’espérance, avec la Vierge Marie, n’est pas le signe d’un optimisme naïf mais une vraie capacité à envisager la grâce de Dieu, à recevoir la grâce de Dieu dans le réalisme de notre quotidien, dans le réalisme de la vie telle que nous la vivons. Garder l’espérance fondée sur le Seigneur, fondée sur la foi qui nous lie à Jésus, c’est vraiment la caractéristique propre de l’espérance chrétienne.

Le pape nous invite à vivre, là où nous sommes, tels que nous sommes, dans les situations les plus proches de notre vie quotidienne, une alliance sociale de l’espérance. C’est-à-dire faire en sorte que nous sachions aider les plus jeunes à entrer dans la vie d’adulte et à espérer pour leur propre avenir, que nous soyons capables de créer une alliance entre les générations pour que les personnes âgées ne se sentent pas progressivement oubliées du monde dans lequel nous sommes. Il nous invite à être proches des plus pauvres et des plus marginalisés dans la société pour que eux non plus n’aient pas le sentiment d’être sans espoir, sans espérance dans leurs vies. Bien sûr, le pape aussi nous invite à être capables d’ouvrir des chemins nouveaux dans le monde numérique dans lequel nous vivons, car nous savons que la fracture numérique risque d’isoler un certain nombre de gens dans nos sociétés. Que nous soyons proches, c’est une tradition de la vie chrétienne, mais nous avons besoin de la renouveler : proches des personnes malades, des personnes handicapées, des personnes étrangères au milieu de nous, et de tant d’autres encore.

Voilà tant d’occasions pour lesquelles nous pouvons nous mettre en route vraiment et recevoir la grâce de l’espérance, c’est-à-dire celle qui est capable d’agir avec charité pour que les liens de l’humanité soient rétablis, pour que nous nous sentions tous - de quelque origine que nous soyons, et dans quelque situation sociale - comme des fils et des filles de Dieu, promis à être ensemble des frères et des sœurs.

Voilà le message du jubilé, voilà le message de l’Épiphanie, voilà le message de cette messe des Nations et des peuples rassemblés autour de la même espérance.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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