Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame de Bercy
Dimanche 12 janvier 2025 - Notre-Dame de Bercy (13e)
– Baptême du Seigneur – Année C
- Is 40, 1-5.9-11 ; Ps 103,1-4.24-25.27-30 ; Tt 2,11-14 et 3,4-7 ; Lc 3, 15-16.21-22
Fêter le baptême du Seigneur, c’est un moment solennel dans la vie liturgique de l’Église. C’est la fin du cycle de Noël dans lequel nous sommes entrés avec la célébration de la nativité du Seigneur, et déjà par la préparation du temps de l’Avent. C’est une sorte de résumé de tout ce que nous avons entendu depuis un mois environ, dans les jours qui précèdent la fête du baptême du Seigneur, et dans la semaine qui est entre l’Épiphanie et le Baptême pour ceux qui vont à la messe en semaine, ou pour ceux qui lisent quotidiennement les textes du jour. À cette occasion, nous avons entendu tout au long de la semaine un certain nombre d’épisodes de l’Évangile qui disent que la présence de Jésus dans le monde est bien la présence de la puissance de Dieu qui agit. De l’Épiphanie au Baptême, la liturgie nous montre, à travers des épisodes évangéliques, que la puissance de Dieu est à l’œuvre dans la vie de Jésus. Jésus n’est pas simplement un modèle extraordinaire : il est bien le fils de Dieu, armé de la puissance qui se manifeste à travers lui. Les évangiles que nous avons entendus ces jours-ci disaient la belle prédication de Jésus, sa parole qui porte, et qui porte du fruit de conversion. La parole de Jésus est la parole de Dieu ; la parole de Dieu est une invitation permanente à la conversion, à la transformation des cœurs, et cela c’est la puissance de Dieu qui agit dans nos propres cœurs à l’écoute de la parole de Jésus.
Mais d’autres textes que nous avons entendus cette semaine disent que la parole de Jésus est capable de guérir : nous avons eu au moins deux épisodes de guérison au cours de cette semaine. Et puis elle est capable de donner de la nourriture : c’était le récit de la multiplication des pains. Et elle est capable de calmer la tempête sur le lac qui risque de noyer les pêcheurs de ce lac qui sont avec Jésus dans la barque. Voilà ce que fait Jésus lui-même. Il n’est pas simplement un homme extraordinaire, il agit avec la puissance de Dieu et, dans le baptême, nous voyons bien que c’est cette puissance de Dieu qui se manifeste : à travers le baptême, il est révélé que Jésus est fils de Dieu, celui que Dieu aime, celui qu’il a envoyé pour notre conversion et pour notre acheminement vers le Royaume de Dieu. Voilà le grand mystère que nous fêtons dans le baptême du Seigneur et dans lequel nous comprenons que nous sommes appelés sur un chemin tout à fait extraordinaire, une destinée des hommes qui les ouvre à une espérance que le monde ne porte pas facilement.
Alors nous l’entendons avec les textes des lectures quotidiennes et dans les textes que nous venons d’entendre. Nous avons entendu notamment le Livre d’Isaïe, et je cite ceci qui me paraît très suggestif, du prophète Isaïe nous avons entendu cette invocation et cet appel : « Monte sur une haute montagne, toi qui portes la Bonne Nouvelle à Sion ». Et la Bonne Nouvelle qu’il s’agit de porter, c’est bien celle que je viens de dire : Dieu est tellement proche des hommes que, dès avant la venue du Sauveur, il se montre porteur de Bonne Nouvelle à travers ses prophètes. Mais ce qui est intéressant c’est que, dans le texte que je viens de vous lire, les spécialistes de la Bible disent qu’il y a deux traductions possibles. Celle que nous venons d’entendre - « Monte sur une haute montagne, toi qui portes la Bonne Nouvelle à Sion » : le prophète qui vient de la part de Dieu est celui qui annonce sans cesse de bonnes nouvelles et une grande Bonne Nouvelle qui est l’amour de Dieu répandu sur tout l’univers à commencer par la montagne de Sion qui est Jérusalem.
Mais il y a une autre traduction possible, qui est : « Monte sur une haute montagne, Sion, sois une bonne messagère. » Ce n’est pas tout à fait la même chose. « Sois une bonne messagère », cela veut dire non seulement « tu as reçu la Bonne Nouvelle grâce au prophète », mais « maintenant c’est toi qui es le prophète, c’est toi qui dois annoncer depuis Sion la Bonne Nouvelle au monde. » C’est très important pour nous, la Bonne Nouvelle du baptême de Jésus, la Bonne Nouvelle de la venue comme un homme du Fils de Dieu : nous ne pouvons pas le garder pour nous. Alors nous sommes entraînés, par Jésus, à entrer dans son mystère et dans sa vie ; nous sommes entraînés par Jésus à ce qu’il va vivre et qu’il nous fait vivre avec lui.
Et ici je cite la lettre de saint Paul à Tite, à son compagnon Tite, à qui il dit : « Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et il nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. » Cela veut dire qu’il a choisi d’être baptisé et de faire comme des gens de son époque qui voulaient être purifiés par l’eau du Jourdain, qui voulaient laisser tomber au fond de l’eau le péché qui les empêche d’être vraiment des hommes et des femmes d’amour et d’espérance. Il a voulu cela, il a voulu faire comme eux, lui qui n’avait aucun péché, il a voulu se laisser porter par le désir de conversion de ses frères et sœurs humains et il est entré dans l’eau comme un autre.
Mais le vrai baptême de Jésus c’est sa mort et sa résurrection, et là c’est lui qui devient le chef de file, c’est lui qui devient le maître de la conversion, de la transformation et du cheminement vers l’amour de Dieu à révéler à tous. Voilà ce que nous comprenons à travers le mystère du baptême de Jésus. Il a voulu faire comme nous et la Bonne Nouvelle de ceux qui cherchent Dieu, il a voulu la prendre en charge lui aussi et devenir notre maître pour que nous comprenions que chercher Dieu c’est chercher à donner notre vie comme lui, chercher à nous mettre à la disposition de Dieu, chercher à nous mettre à la disposition de nos frères et sœurs. Alors nous serons emmenés dans le grand cortège de Jésus, qui passe par le don de soi jusqu’à la mort mais qui ouvre à la résurrection et à la vie éternelle.
Quand nous nous préparons au baptême, quand nous préparons des enfants au baptême, quand des adultes se préparent au baptême - et ils sont de plus en plus nombreux à Paris, en France et ailleurs dans la société sécularisée que nous connaissons - nous disons et ils disent : « j’attends quelque chose de Dieu et je sais que Dieu va me le donner. »
Alors nous pouvons estimer que nous ne sommes qu’une petite paroisse, la paroisse d’un petit quartier : est-ce que cela a de l’importance pour le monde entier qui va être sauvé ? Bien sûr que cela a de l’importance ! Nous sommes une communauté chrétienne et comme Sion, comme Jérusalem, nous sommes chargés d’annoncer la Bonne Nouvelle, monter sur une haute montagne, être vus, être repérés comme des témoins de l’amour de Dieu universel.
On peut se dire cela, et je voudrais l’affirmer en citant le pape François dans l’encyclique Dilexit nos (Il nous a aimés) qu’il a donnée il y a quelques semaines, sur l’amour du cœur de Jésus. Il y rappelle que nous sommes faits pour redonner avec Jésus du cœur à ce monde et, comme dit le pape dans la conclusion de cette encyclique, que nous sommes faits pour réinventer l’amour là où nous croyons qu’est morte la capacité d’aimer. Nous sommes faits pour cela : redonner cœur et réinventer l’amour là où nous croyons que cette capacité d’aimer est morte.
Que le Seigneur nous y aide et que nous ne nous considérions pas comme perdus pour cela dans le monde sans espérance d’aujourd’hui : soyons des signes et des pèlerins d’espérance.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris