Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame du Travail

Dimanche 19 janvier 2025 - Notre-Dame du Travail (14e)

– 2e Dimanche du temps Ordinaire – Année C

- Is 62,1-5 ; Ps 95, 1-3.7-10 ; 1 Co 12, 4-11 ; Jn 2, 1-11

Chez les Chrétiens Orientaux, on a l’habitude, au moment de la fête de l’Épiphanie, de dire que trois mystères sont célébrés : l’Adoration des mages qui apportent la caution des peuples du monde entier à l’adoration au Christ, le Fils de Dieu fait homme ; le Baptême du Seigneur qui dit comment ce Fils de Dieu fait homme se mêle à la population du monde, au peuple du monde, à l’humanité toute simple qui est la nôtre, pour venir la tirer des eaux et la conduire jusque vers Dieu ; et puis, troisième mystère, celui des Noces de Cana où le Fils de Dieu fait homme annonce déjà le don de sa vie qui s’accomplira sur la croix et dans sa résurrection.

Il se trouve que, cette année, nous avons eu la joie de célébrer successivement et de déployer ces trois mystères trois dimanches de suite. Nous avons vécu comme chaque année l’Épiphanie puis nous avons pu célébrer le Baptême du Seigneur dimanche dernier, ce qui n’est pas le cas tous les ans, et enfin, lire le récit des Noces de Cana aujourd’hui. Trois dimanches de suite pour célébrer un mystère unique qui est la manifestation de Dieu présent au milieu des hommes à travers un homme qui est son Fils.

Ce grand mystère se vit et s’accomplit chaque jour pour nous, et pour le comprendre nous avons aujourd’hui cet évangile des Noces de Cana, magnifique. La conclusion de ce passage que nous venons d’entendre dit : « Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit (…) ses disciples crurent en lui. » Cela veut dire qu’ils ne se contentent pas de l’accompagner, de le suivre, d’être des disciples, au sens propre du mot, mais ils adhérent à ce qu’il vient faire, ils croient en lui. C’est-à-dire qu’ils comprennent – probablement pas très bien encore – qu’il s’agit là d’une manifestation de Dieu au milieu des hommes, ils s’en réjouissent et ils croient en lui comme Fils de Dieu. À quoi vous fait penser ce don du vin dans une noce où il est venu à manquer ? Le plus simple c’est de l’associer à d’autres récits que nous entendons dans les évangiles, qui nous sont peut-être encore plus familiers que celui des Noces de Cana, et qui sont les multiplications de pains. À travers les multiplications de pains, Jésus annonce non seulement qu’il va donner à manger pour apaiser une faim physique, naturelle, de l’homme, mais aussi qu’il va donner sa vie et que nous pourrons la recevoir nous-mêmes à travers l’Eucharistie. Les multiplications de pains dans les évangiles, puisqu’il y en a plusieurs qui sont racontées, annoncent le Jeudi saint et l’Eucharistie. Jésus ne fait pas que nourrir des faims naturelles, il veut nourrir aussi la faim que nous appelons surnaturelle, le désir de Dieu, le désir d’être sauvé, le désir de l’accompagner, lui, Jésus, jusque dans sa mort, sa Résurrection et d’aller à la rencontre de Dieu notre Père pour une vie qui ne finit pas. Une vie qui commence dès maintenant mais qui ne finit pas.

De la même façon, le don du vin dans une noce qui avait fini par en manquer, c’est certainement le don de la joie qui probablement n’était pas suffisamment présente encore dans le cœur des participants à ce mariage. Le don de la joie qui manquait parce que la présence de Dieu vivant n’était pas bien signifiée. Jésus vient accomplir l’amour de deux conjoints, lui donner une signification éternelle et montrer que, grâce à sa présence, ils sont, ces deux conjoints et les convives, introduits dans le banquet de Dieu. Le banquet de Dieu se tiendra quand l’heure de Jésus sera venue, il se passera sur la croix, dans le don de la vie de Jésus, dans le don qu’il fait à son Père et à nous tous.

De la même façon, nous pouvons donc associer les multiplications de pains et le don du vin. Jésus vient accomplir. Il y a un petit signe, deux ou trois mots auxquels peut-être on ne fait pas attention, Jésus dit : « Allez remplir d’eau les jarres de pierre qui sont là ». Et l’évangéliste commente : c’étaient des jarres de pierre qui étaient faites pour la purification. C’est déjà un rappel de toute l’histoire biblique : on allait, avant d’aller prier, se purifier, il y avait besoin de cela pour rejoindre le Seigneur, être purifié de son péché, et cela fait penser au baptême. Mais Jésus va plus loin que la purification des péchés : il continue l’œuvre de tout l’Ancien Testament qui est rappelée par ces quelques mots, et il conduit tout le peuple de ceux qui le voient et même nous qui lisons le récit, jusqu’au don total de lui-même. Il utilise le bain de la purification pour y ajouter le vin de la joie de Dieu au cœur de cette noce. Nous voilà conduits, dès maintenant, tout au début de la vie publique de Jésus, de l’histoire tout entière du peuple de Dieu qui est à la recherche du salut et qui attend de Dieu le salut, jusqu’au don de la vie de Jésus qui se préparer. Il est venu pour nous sauver, il est venu pour nous entraîner avec lui, il est venu pour nous apprendre à donner notre vie à Dieu et aux autres pour que nous soyons un jour dans la vie qui ne finit pas, avec son Père.

C’est le grand mouvement d’une vie qui s’est révélée à travers toute l’histoire biblique, qui s’accomplit en Jésus et dont nous pouvons profiter par le sacrement de l’Eucharistie. Le sacrement de l’Eucharistie, c’est bien Dieu présent en nous, c’est bien Dieu qui renouvelle en nous la foi, c’est Dieu qui nourrit en nous la charité pour nos frères, c’est Dieu qui développe en nous l’espérance. Souvent, devant le monde tel qu’il est, les guerres, les famines ici et là, les catastrophes dont les informations nous abreuvent jour après jour, et parfois notre vie personnelle difficile, la vie de notre société, la vie de nos familles, nous pouvons être découragés, et peut être même désespérés. Mais ce que nous avons reçu et ce que nous recevons de Dieu chaque jour, ce que vous êtes venus chercher aujourd’hui en écoutant sa Parole et en venant à l’Eucharistie, est fait pour encourager, développer, relancer notre espérance.

Le pape François vient de nous inviter à être des pèlerins d’Espérance tout au long de cette année jubilaire qui rappelle l’arrivée du Fils de Dieu fait homme dans l’humanité, il y a 2025 ans. Être renouvelé dans l’espérance, c’est regarder le monde tel qu’il est, avec ses peines, ses souffrances et ses insuffisances, mais c’est croire que Dieu est venu le renouveler, que Dieu lui donne un avenir, que Dieu lui ouvre un chemin. C’est le chemin de l’amour des frères et de l’amour de Dieu, le chemin du renouvellement permanent de notre foi, de notre adhésion à Jésus, le chemin permanent du regard qui se tourne vers ce qui se passe dans le monde et qui témoigne de ce que Dieu y fait.

Hier, j’ai eu la joie de donner la confirmation à 120 adultes qui ont découvert que Jésus était pour eux un chemin. J’ai dit à l’une des confirmée : « Il est votre force ». Et elle m’a répondu : « Ah ça oui ! » J’ai été ému de cela, de me dire que les personnes qui s’approchent de la confirmation ont vécu ce renouvellement intérieur qui leur redonne courage devant les difficultés de l’existence et les souffrances que nous voyons.

Ainsi, l’Eucharistie n’est-elle pas faite simplement pour chacun de nous comme une nourriture individuelle, mais comme une source de renouvellement permanent pour le peuple que nous formons. Regardez, au milieu de ce monde, tous ceux qui cherchent à faire du bien et pas simplement le mal qui s’y commet. Regardez, au cœur de ce monde, tous ceux qui cherchent Dieu et qui ont envie d’être portés par son amour et par l’espérance qu’il donne. Regardez le nombre de ceux qui vont se présenter au baptême cette année dans notre Église, je parle des adultes. Regardez tous ceux qui vont se présenter à la confirmation pour le temps de Pentecôte. Dans le diocèse de Paris, c’est beaucoup plus que mille personnes qui font ce chemin et se laissent toucher. L’Eucharistie est bien le lieu du renouvellement de notre cœur.

Que le Seigneur nous en donne la claire conscience.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

Dimanche 19 janvier 2025 soir – Messe pour l’Unité des Chrétiens en la cathédrale Notre-Dame de Paris

Homélie de Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris

 2e Dimanche du temps Ordinaire – Année C
 Is 62,1-5 ; Ps 95, 1-3.7-10 ; 1 Co 12, 4-11 ; Jn 2, 1-11

Extrait

… Je pense aussi au don de l’unité. L’unité des Églises. Nous sommes dans la semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens. Là aussi c’est un don que Dieu nous a fait de faire grandir dans nos cœurs le désir que les Églises chrétiennes soient davantage unies. Il y a plus d’une centaine d’années qu’est né le mouvement œcuménique - qui a été consacré d’une certaine façon, dans le Concile Vatican II pour ce qui est de l’Église catholique -, et ce désir de l’unité grandit dans beaucoup de groupes chrétiens. Et les Églises ont pris l’habitude de se reconnaître l’une l’autre, de se fréquenter davantage et de se reconnaître comme toutes en route derrière Jésus. Mettant, non pas de côté leurs divergences et leurs différences, mais sachant qu’à partir d’elles les chrétiens peuvent se laisser convertir au désir d’unité que Jésus veut pour son Église. Nous vivons cela de façon très forte, en ces années grandit la connaissance mutuelle, grandit le désir d’unité qui est une préfiguration de l’alliance de tous les peuples dans l’amour de Dieu.

Nous pouvons nous dire qu’il y a un manque, par exemple, de baptêmes des enfants, nous le comprenons, nous le voyons. Mais quand nous comprenons qu’il y a aujourd’hui tant d’adultes qui demandent baptême et confirmation - et dans le diocèse de Paris c’est entre 1000 et 1500 personnes qui, chaque année, font cette démarche - cela ne compense pas le déficit des baptêmes à la naissance, mais cela indique une profonde recherche de Dieu, une profonde recherche du désir de marcher à la suite de Jésus. Voilà de quoi les Noces de Cana sont le signe. Le Seigneur met devant nous des signes de sa présence, de la force de son Esprit, de l’Évangile que Jésus n’a pas cessé de prêcher et continue d’annoncer pour que nous ne nous enfermions pas dans une absence d’avenir mais que nous croyions fermement que Dieu lui-même nous met sur son chemin.

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