Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe lors de la retraite sacerdotale des prêtres de Paris à Sainte-Garde (Venasque)
Dimanche 2 février 2025 - Sainte-Garde (Venasque)
– Présentation du Seigneur
- Ml 3,1-4 ; Ps 23,7-10 ; He 2,14-18 ; Lc 2,22-40
Au Livre de Malachie, la venue du messager du Seigneur s’opère en fanfare : « Qui pourra soutenir sa présence ? », interroge le prophète. « Il est venu pour fondre par le feu et purifier le peuple rétif au Seigneur ». Et le psaume 23 confirme cette solennité de la venue du roi de gloire : « Portes levez vos frontons ! » Les portes, on peut les ouvrir avec le pied d’une crosse épiscopale, mais il faut ensuite pousser les battants pour faire entrer tout le peuple de Dieu. Nous venons d’en faire l’expérience, mais que les battants, les vantaux, se lèvent, c’est du jamais vu, sauf peut-être dans les bandes dessinées. C’est grandiose !
Mais ce n’est pas ce qui se passe dans l’évangile du jour, ni dans la Lettre aux Hébreux, qui constituent une sorte de commentaire théologique de cet épisode. En effet, c’est un enfant de quelques jours qui entrent dans le temple avec ses parents pour l’offrande, faite à Dieu, à l’occasion de sa naissance. Un enfant accueilli par deux vieillards qui sont simplement des fidèles du temple, des priants. Non pas anonymes : ils s’appellent Syméon et Anne et sont donc connus, mais ignorés du monde des élites de l’histoire. Ces deux-là, ainsi que Jésus et ses parents, peuplent la galerie des humbles qui passent leur vie à solliciter le Seigneur jour et nuit. C’est un enfant sur qui repose la grâce de Dieu, celui que la Lettre aux Hébreux ne tardera pas, dans les chapitres suivants, à appeler le grand prêtre dont nous avons besoin, et qui a donc la faveur de Dieu. C’est un enfant ordinaire - c’est du moins ainsi que l’évangéliste Luc veut nous le présenter - mais cet enfant pourtant illumine les yeux de Syméon ; cet enfant éclaire la vie d’Anne au point qu’elle en parle autour d’elle avec admiration et espérance.
Anne, Syméon, Marie, Joseph, voici déjà des pèlerins d’espérance, comme nous attendons d’en voir tout au long de cette année jubilaire et comme nous espérons l’être nous-mêmes.
Chers frères prêtres, au terme de cette semaine de retraite, vous avez repassé dans votre tête et votre cœur bien des événements, récents et anciens, de votre vie de prêtre. Mais vous vous êtes laissé toucher par cette annonce renouvelée qui nous a été faite par notre prédicateur et que vous avez entendue dans l’Esprit Saint. Ce qui est devant nous, c’est le mystère du don que Jésus fait de sa vie pour l’amour de son Père, pour l’amour de ses frères que nous sommes. Certes le monde dans lequel nous vivons semble indifférent ou sourd, tout occupé qu’il est par ses affaires d’argent, de pouvoir, de domination par tous les moyens. Et combien de victimes cela génère, nous le constatons chaque jour. Ce monde-là n’est pas bien prêt à reconnaître ce mystère du don de Dieu et de son Fils Jésus-Christ. Nous ne pouvons pas pourtant nous laisser démobiliser. Ce que Jésus a vécu, ce que ses premiers disciples et tant de chrétiens à travers l’histoire ont vécu - nous en avons entendu parler cette semaine – c’est ce même combat de la foi que nous vivons aussi fidèlement que possible. Le combat du don gratuit de soi-même pour l’amour, pour le témoignage de la miséricorde inouïe du Seigneur.
C’est toujours une traversée de l’impossible, mais c’est surtout le mystère d’une fécondité de ce don que Jésus a fait pour toujours et que ses disciples ont cherché à vivre avec lui.
Aujourd’hui, nous le vivons chaque fois que nous entendons une personne qui nous dit et nous montre que Dieu l’a sortie d’une impasse, d’une fermeture, que sa parole ou sa présence s’est fait sentir : un catéchumène, un jeune, un malade, des parents inquiets, quelqu’un qui était jusqu’alors loin de la foi. Nous restons des gens de peu d’importance au regard des incontournables de notre monde, mais nous voyons l’invisible. Nous voyons à la lumière que le Seigneur nous donne, pour maintenir ici et maintenant l’espérance. Ce à quoi nous sommes appelés c’est à ne faire plus qu’un avec Lui, comme dit le Catéchisme de l’Église catholique dans un paragraphe qui nous a été cité (521). Ne faire plus qu’un avec Lui, c’est un travail patient pour nous. Lui, de son côté, ne nous manquera jamais.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris