Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la cathédrale Notre-Dame pour les victimes de la guerre et pour la paix en Ukraine
Dimanche 23 février 2025 - Notre-Dame de Paris (4e)
– 7e dimanche du Temps Ordinaire – Année C
- 1 S 26,2.7-9.12-13.22-23 ; Ps 102,1-4.8.10.12-13 ; 1 Co 15, 45-49 ; Lc 6,27-38
Il y a quelque chose d’un peu irréel dans l’histoire que nous avons entendue dans la première lecture : que des conversations puissent se tenir entre le futur roi David et ses serviteurs sans que personne de ceux qui dorment là ne soient éveillés, qu’il puisse y avoir autant de mouvements, qu’on puisse saisir la lance du roi Saül sans éveiller quiconque. Bien sûr, ce récit a quelque chose d’un peu extraordinaire, mais il est fait surtout pour que nous comprenions ce qui se passe. David, le futur roi, sait que Saül, son prédécesseur, ne mérite pas tous les éloges, mais cependant il a été choisi par Dieu pour exercer le service royal auprès de son peuple. Et puisqu’il a été choisi par Dieu, on ne peut pas toucher à lui, on ne peut pas attenter à ses jours, on ne peut pas exercer sur lui quelque violence que ce soit. Il est magnifique de voir que, mille ans avant Jésus, la conscience même du futur roi David est si éveillée et que, longtemps avant l’évangile que nous venons d’entendre, un homme a déjà eu conscience que l’on ne touche pas à celui que Dieu a choisi.
Mais, depuis Jésus, nous savons que celui que Dieu a choisi c’est le Christ qui est mort pour tous, pour la multitude des hommes, pour tous ceux qui sont pécheurs, pour tous ceux qui vivent une vie difficile, pour tous ceux qui savent que le monde peut être sauvé. Et alors, aujourd’hui, nous comprenons qu’il n’y a pas un seul homme qui est choisi par Dieu pour exécuter sa volonté, mais que tous sont choisis par Dieu : tous les hommes ont de la valeur à ses yeux, tous les hommes peuvent être promis au Salut, tous les hommes peuvent être sauvés parce qu’ils sont tous aimés de lui, ils sont tous choisis par lui. Et alors nous comprenons aussi que, devant toutes les injonctions que le Seigneur Jésus exprime dans l’évangile que nous venons d’entendre de « nous pardonner les uns aux autres », de nous faire miséricordieux, il y en a une qui est primordiale, et c’est celle-là : respecter la vie de tout homme, de faire qu’aucun homme ne puisse être agressé violemment et injustement. Voilà qui est la règle fondamentale. Cette règle d’or énoncée dans l’Évangile et bien connue des sagesses des peuples, pas simplement de l’Évangile - « Ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux » - est contenue dans l’évangile de ce jour. C’est Jésus qui le dit, et nous appelons cela une règle d’or : c’est la règle du respect absolu de tout homme qui nous entoure. Quelles que soient ses qualités, quels que soient ses défauts, il est aimé de Dieu et promis au Salut.
Alors nous retenons cela comme condition fondamentale de tout le reste. Dans notre propre vie, il nous est demandé de choisir toujours ce qui permettra aux autres de vivre. Que ce soit dans notre vie privée, que ce soit dans la vie publique et dans la vie des nations. Voilà ce pour quoi nous prions maintenant. Nous savons que ce résultat est peut-être très difficile à atteindre dans la vie humaine parce que nous sommes pécheurs. Mais il est pourtant ce vers quoi nous devons tendre, il est ce que nous recherchons : que la violence ne s’exerce pas des hommes les uns contre les autres. Et c’est pour cela que nous prions.
Nous savons que nous ne serons jamais à la hauteur de la réalisation de ce principe si beau, il nous faut donc tout faire pour essayer d’y correspondre le mieux, il faut que nous laissions grandir en nous l’espérance du Salut pour tous et l’espérance que la violence entre les hommes peut et doit être contenue.
L’archevêque majeur des Ukrainiens gréco-catholiques le dit depuis le début de cette guerre, et il entretient en nous l’espérance que cela est au moins un peu possible, que nous ne pouvons pas quitter cet horizon dans notre propre vie et dans la vie du monde. Si nous quittons cet horizon, alors nous nous laissons aller aux violences injustes, aux violences qui tuent.
Nous prions aujourd’hui pour les victimes de cette guerre ; nous prions aujourd’hui pour tous ceux qui ont été jusqu’à présent tués de manière injuste ; nous prions pour que, devant tant de violence, l’esprit de paix soit capable de dominer, soit capable de nous rendre plus justes. Évidemment il nous faut être capable de vouloir cela.
Que le Seigneur nous le donne. Que le Seigneur nourrisse en nous l’espérance d’une vie plus juste, d’une vie plus paisible, d’une vie où tous les peuples peuvent avoir la vie et peuvent se sentir en sécurité.
Que le Seigneur veuille bien nous exaucer et mettre le cœur de chacun d’entre nous dans cette paix et dans cette espérance.
+Laurent Ulrich,
archevêque de Paris