Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Hippolyte
Dimanche 2 mars 2025 - Saint-Hippolyte (13e)
– 8e dimanche du temps ordinaire – Année C
- Si 27,4-7 ; Ps 91,2-3.13-16 ; 1 Co 15, 54-58 ; Lc 6,39-45
La parole que nous venons d’entendre ce matin, ce qui nous est proposé dans la liturgie de ce dimanche, surtout la première lecture et l’évangile, nous paraît être comme quelque chose d’une collection de maximes de la sagesse des peuples, mais aussi comme une indication, une description, dans la bouche de Jésus, de ce que doit être un disciple. C’est le portrait des disciples que Jésus commence à tracer ici dans ces quelques lignes que nous venons d’entendre dans l’évangile. Et, entre la première lecture et l’évangile, il me semble qu’il y a quelque chose comme un point commun qui se résume bien : « C’est la parole qui est dite qui révèle un homme », dit le sage Sira. Et Jésus, dans l’évangile, dit : « Ce que dit la bouche c’est ce qui déborde du cœur ». « La bouche parle de l’abondance du cœur », c’est peut-être une phrase, un proverbe que vous connaissez ? Ce qu’il y a dans le cœur se traduit par la parole que l’homme énonce.
Et nous comprenons donc, à la lumière de ces deux phrases, que ce que nous avons à dire c’est effectivement la Bonne Nouvelle qui nous habite. La Bonne Nouvelle de l’Évangile, la Bonne Nouvelle qui est énoncée aussi dans la Lettre de Paul, qui dit : « Ce que nous annonçons, c’est la victoire sur la mort que Jésus nous a obtenue ». Donc cela c’est une Bonne Nouvelle qui ne peut pas échapper à notre cœur ni à notre parole, à notre témoignage, à notre façon de vivre, à notre façon d’être chrétien dans un milieu qui ne l’est pas ou pas beaucoup, ou qui tout en entendant la parole de l’Évangile ne la considère pas avec gravité ou avec suffisamment de sérieux et d’importance. Ce que nous avons à apporter, à dire, à montrer par la bonté et la beauté de notre parole, c’est cette victoire du Seigneur sur la mort et sur le péché qui traverse le monde.
Donc notre premier réflexe de disciple de Jésus ce n’est pas d’abord de condamner le monde, ce n’est pas d’abord de dire que ce monde est mauvais. Nous voyons bien que ce monde fait des erreurs, nous voyons bien que ce monde ne se dirige pas vers la paix entre les peuples, ni entre les familles, ni à l’intérieur des familles. C’est vrai que c’est difficile. Nous voyons bien que notre monde ne choisit pas toujours les bonnes options pour soutenir et encourager la vie, la vie des hommes et des femmes, la vie des enfants, la vie des malades, la vie des personnes souffrantes et arrivant en fin de vie. Nous voyons tout cela, nous le comprenons. Mais ce n’est pas d’abord un propos de condamnation que nous avons à dire : c’est un propos de victoire de Dieu sur la mort et sur le péché. C’est cela qui nous est proposé le plus dans notre façon d’être chrétien.
Le Pape, cette année, nous invite à une année d’espérance. Nous fêtons, tout au long de cette année, les 2025 ans de l’incarnation du Sauveur qui est venu pour vaincre la mort et le péché. Et il nous invite à être des pèlerins d’espérance. Quelques-uns d’entre vous ont été pèlerins à Rome, il y a quelques jours, et moi-même je l’étais cette semaine avec cinq cents diocésains de Paris. Et c’était un beau signe que nous avons vécu. Bien sûr, comme vous savez, comme nous l’avons vu, nous n’avons pas entendu directement la parole du Saint-Père puisqu’il est à l’hôpital et nous avons surtout prié pour lui. Mais nous avons compris, en passant les portes saintes, les quatre portes des basiliques principales, les basiliques majeures de Rome, que le Seigneur frappait à notre porte et que, nous, nous frappions à sa porte pour entendre la Bonne Nouvelle du Salut et pour entendre le désir de conversion et surtout le désir profond du cœur de Jésus d’amener à lui tout homme et toute femme vivant, capable de désirer la joie et la paix. Le Saint-Père aussi, il y a quelques mois, nous a donné une encyclique magnifique, méditation sur l’amour du cœur de Jésus pour tout homme. Dilexit nos, c’était le titre en latin ; Il nous a aimés, le titre en français. Et à travers un grand parcours dans l’histoire spirituelle du christianisme et de l’Église, et notamment l’histoire spirituelle française à travers les grands auteurs spirituels français, il nous a montré comment regarder le cœur de Jésus qui aime ce monde, et qui aime les hommes, et qui a le désir de tous les sauver.
Nous avons là une voix sûre pour remplir notre cœur qui, ensuite, va déborder par nos lèvres : remplir notre cœur de cet amour miséricordieux du Seigneur Jésus-Christ, qui est capable d’aller jusqu’à donner sa vie sur la croix pour que tous puissent vivre, pour que tous puissent savoir qu’ils sont aimés et sauvés. Et notre façon d’entrer dans ce message du cœur de Jésus, c’est donc de regarder Jésus sur la croix. Nous allons avoir ce temps de carême pour le vivre. Nous allons avoir ce temps de carême pour nous remettre dans le bon sens, c’est-à-dire le sens qui ne cherche pas d’abord la paille dans l’œil de notre frère, dans l’œil de ce monde ci. Nous ne cherchons pas d’abord à condamner mais à montrer l’amour du Seigneur, l’amour miséricordieux, l’amour qui désire convertir, l’amour qui désire attirer à Dieu, le Père, tout être vivant.
C’est cela que nous ferons, pendant cette période de carême, nous associant, ainsi que vous l’avez dit au début de cette messe, dans une présence aux plus pauvres : la charité est un axe fort de la pastorale de votre paroisse. Mais nous associant aussi à ceux qui se préparent à recevoir le baptême et puis, de façon plus large, à tous ceux qui se préparent à recevoir des sacrements pour la première fois tout au long de cette année qui vient, et particulièrement dans ce temps de carême, puis au moment de Pâques et jusqu’à la Pentecôte. Et ils sont nombreux dans votre paroisse ceux qui rejoignent la vie de l’Église, qui demandent les sacrements, qui désirent progresser dans leur vie chrétienne, qui désirent se mettre au service du Christ, qui désirent être témoins de cet amour universel qui se donne. En nous associant à eux par la prière, nous allons laisser grandir le plus possible l’image de Jésus qui se donne sur la croix. En le regardant, en le contemplant, en méditant sur le don qu’il fait de lui-même, nous emplissons notre cœur de toute sa bonté et de sa miséricorde, de sorte que notre témoignage soit un vrai témoignage miséricordieux de l’amour du Christ pour tous.
Accueillons cette Bonne Nouvelle du Salut que Dieu prépare pour tous les hommes. Accueillons cette Bonne Nouvelle de Jésus qui est venu nous le montrer et le vivre au milieu de nous. Remplissons notre cœur pour que notre bouche déborde de cette miséricorde divine.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris