Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe dans le cadre du pèlerinage jubilaire du diocèse de Paris à Rome

Mardi 25 février 2025 - Basilique Saint-Jean de Latran

 Voir l’album-photos du pèlerinage.


 7e Semaine du Temps Ordinaire – Année C
 Si 2,1-11 ; Ps 36, 3-4.18-19.27-28.39-40 ; Mc 9, 30-37

C’est un effet du hasard que nous nous trouvions aujourd’hui dans cette cathédrale Saint-Jean de Latran et que nous soient adressées les paroles que nous avons entendues, qui sont celles des lectures du jour pour toute notre Église : « Mon fils, si tu viens te mettre au service du Seigneur, prépare-toi à subir l’épreuve ». Il est clair qu’ici, dans ce cœur de l’Église catholique, dans ce lieu où le Pape exerce son ministère d’évêque de Rome, nous mesurons toute la portée de la parole de ce sage qui invite à être des serviteurs du Seigneur en sachant que cela coûte. Et nous savons bien que, depuis toujours, ceux qui se mettent au service de l’Église, au service de l’Évangile, ne sont pas accueillis, acceptés dans les sociétés où l’Église s’est répandue. Cela a toujours été un service qui coûte parce qu’on se met au service du Seigneur en promettant de lui être fidèle quoi qu’il arrive et quoi que l’annonce de sa Parole puisse provoquer chez les auditeurs, les fidèles, mais aussi ceux qui, en-dehors de l’Église, n’accueillent pas cette parole de Salut. Nous en avons l’illustration tout au long des siècles et même chaque jour de notre vie, nous savons que des serviteurs de l’Évangile souffrent à cause de l’Évangile qu’ils annoncent. Et pour nous c’est une souffrance de les voir souffrir parce qu’ils annoncent la Bonne Nouvelle. À chaque fois que nous rencontrons le Pape François, il nous dit : « Prie pour moi parce que ce que j’ai à faire est difficile. » Dans le cœur de l’Église, nous percevons la difficulté d’être au service du Seigneur. Et puis j’ajoute, puisque j’en suis au texte de Ben Sira, que c’est le moment de prier pour notre Pape François. Nous avons entendu : « Dans les maladies comme dans le dénuement, aie foi en lui. Mets ta confiance en lui il te viendra en aide. » Cette parole évidemment résonne chez lui, et par conséquent chez nous, avec beaucoup de vivacité et de force : « Dans la maladie invoque le Seigneur. Aie confiance en lui », nous le demandons instamment pour le Pape François, nous ne doutons pas qu’il fasse confiance au Seigneur mais, lorsque vient la maladie, l’épreuve, la faiblesse physique, cette faiblesse a besoin d’être soutenue, et soutenue par la prière des autres, soutenue par notre prière à nous. Nous avons une belle raison de prier pour notre Saint-Père en ce jour et dans ce lieu.

Mais, je continue, puisque le service de l’Église n’est pas simple, Jésus, dans l’évangile aujourd’hui nous dit une chose qu’on trouve aussi en écho chez saint Jean, dans un autre passage d’évangile, qu’il « sait ce qu’il y a dans l’homme ». Dans le cœur de l’homme, Jésus sait très bien reconnaître ce qui est de la faiblesse, de la fragilité, du péché et des intentions mauvaises. Même au service du Christ, même au service de Dieu, il peut y avoir en nous des intentions qui ne sont pas pures. Il découvre ou il sait, il met en lumière tout spécialement le péché possible, et le péché bien souvent actuel des serviteurs de l’Évangile, les serviteurs que nous sommes, des ministres ordonnés, des ministres institués - puisque dans l’Église cela se développe et va se développer, des ministres qui ont reçu un ministère confié par leur évêque - des bénévoles dans l’Église qui se mettent au service des autres : chacun risque de tirer la couverture à soi et d’avoir envie que ce qu’il fait soit bien reconnu ; que ce qu’il fait soit bien visible aux yeux des hommes comme quelque chose de bon. Il peut y avoir derrière des arrière-pensées plus sombres en chacun de nous qui nous mettons au service des autres et de l’Évangile. Il y a toujours ce risque de l’orgueil et de la vanité, la querelle des égaux comme on dit élégamment aujourd’hui. Nous savons que c’est pécher contre l’Évangile que de vouloir rapporter à nous-même ce qui se fait de bien à travers nous. Le service de l’Évangile mérite que nous ne cherchions pas la gloire grâce au ministère que nous remplissons, grâce au service bénévole que nous rendons.

Alors dans ce lieu, dans cette cathédrale, c’est le moment de regarder notre relation à l’Église. Nous pouvons nous demander : « Suis-je bien et simplement reconnaissant à l’Église telle qu’elle est, dans sa faiblesse et sa fragilité ? Avec les hommes et les femmes que nous sommes qui la composent ? Est-ce que je suis bien reconnaissant à l’Église de m’avoir permis de croire et d’être dans la foi ? D’abord est-ce que je suis bien reconnaissant à l’Église et non pas à moi-même d’être croyant ? Est-ce que je suis un croyant qui réellement rapporte tout ce qui se vit dans l’Église, dans l’annonce de l’Évangile, à Dieu lui-même ? » Car tout cela est l’œuvre de Dieu. Si nous sommes croyants, si nous nous mettons au service des autres, si nous aimons, c’est le Seigneur qui l’a mis dans nos cœurs. Nous n’avons pas à nous en vanter mais à le recevoir comme un don merveilleux. Ce que je reçois de l’Évangile, ce que je reçois de l’Église, est-ce que je suis bien sûr que c’est de l’Église que je l’ai reçu ? Est-ce que je remercie l’Église ma mère de m’avoir enfanté à la foi, à la confiance en Dieu, au chemin qui ne s’arrête jamais et qui est mû tout entier par l’amour de Dieu ?

C’est le moment de prier aussi pour l’Église dans son espérance. Parce que nous sommes dans cette année jubilaire et que nous sommes appelés à être des « pèlerins d’espérance » comme dit le Pape. Cette espérance est évidemment contrebattue, elle est mise à l’épreuve dans le monde où nous sommes. Nous le voyons bien tous les jours. La guerre, la haine, les difficultés rencontrées, l’inimitié entre les peuples, le désir de puissance, tout cela est très inquiétant pour l’avenir du monde, mais aussi nous comprenons bien combien il y a de sources de désespérance dans la vie de beaucoup de nos frères et de nos sœurs qui ne voient pas d’avenir pour eux. Et que nous restions des pèlerins d’espérance, des porteurs non naïfs de l’espérance dans un milieu et dans un monde difficiles, voilà qui est l’œuvre de Dieu en nos cœurs. Est-ce que je suis reconnaissant à l’Église d’avoir témoigné devant moi de l’espérance que Dieu met dans le cœur des hommes ? Et est-ce que j’ai bien le désir de rester dans cette espérance et de la porter autour de moi, dans la vie quotidienne des hommes et des femmes que je rencontre ? Et puis de prier, de prier pour la paix, de prier pour que l’humanité grandisse en humanité plutôt qu’en méchanceté, plutôt qu’en violence ?
Reconnaissance à l’Église pour qu’elle demeure toujours fidèle à l’espérance !

Prions donc, enfin, pour l’Église qui est chargée d’unité. Il y a eu de grands chemins accomplis depuis notamment le Concile de Vatican II, mais déjà dès avant le Concile, par les Églises chrétiennes et les communautés suscitées par l’Évangile, pour faire grandir l’unité entre les Églises. Il y a eu de très beaux chemins depuis un bon siècle pour essayer de réparer les erreurs du passé en matière de désunion des chrétiens. Est-ce que je suis reconnaissant à l’Église d’avoir cherché ces chemins d’unité et est-ce que je désire les poursuivre ? Parce que d’autres formes d’opposition, de division, surgissent à l’intérieur même de l’Église catholique. Soyons des facteurs d’unité et de fraternité parce que l’unité des Églises et l’unité à l’intérieur de l’Église sont porteuses d’unité et de fraternité pour le monde tout entier.

Disons à Dieu notre reconnaissance pour l’Église qui nous apporte l’Évangile, qui nous apporte la joie d’être vivants et croyants, confiants dans le Seigneur. Disons notre reconnaissance et demandons au Seigneur de nous soutenir dans ce chemin qu’il nous propose de vivre avec lui.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

Homélies

Homélies