Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la Fête de sainte Marie-Eugénie de Jésus, fondatrice des Religieuses de l’Assomption, dans la chapelle des Sœurs de l’Assomption
Lundi 10 mars 2025 - chapelle des Sœurs de l’Assomption (16e)
– Fête de sainte Marie-Eugénie de Jésus
- Is 62,2B-4 ; Ps 83 ; 1 Co 3,7-11 ; Jn 15, 9-17
En fêtant aujourd’hui sainte Marie-Eugénie, je me permets d’abord de rappeler, comme vous ne manquez pas de le faire vous-mêmes, qu’une relique de sainte Marie-Eugénie se trouve dans l’autel nouvellement consacré de Notre-Dame de Paris. Cela fait évidemment allusion au fait que sainte Marie-Eugénie ait trouvé à Notre-Dame, et en écoutant le Père Lacordaire, sa vocation, le chemin sur lequel elle allait ensuite marcher tout au long de sa vie. Et c’est bien sûr cet aspect qui nous guide ce soir : le fait d’avoir entendu très clairement un appel à ouvrir une nouvelle voie religieuse, une nouvelle voie de consécration, et d’avoir en même temps pensé que sa mission allait s’exercer dans le domaine de l’éducation principalement, puisque c’était un sujet important. Ça l’est de siècle en siècle mais, plus particulièrement en France à ce moment-là, c’était un point important du développement de l’humanité, du développement humain. C’était quelque chose qu’il fallait développer, avec le sentiment de faire grandir vers le Seigneur, vers le Royaume de Dieu, et que la participation des sœurs et de toutes celles auxquelles elles pourraient donner cette éducation serait comme les prémices d’une participation à la vie d’une société, pour la rendre meilleure et lui permettre de se développer conformément au désir du Seigneur pour la vie sociale, humaine, de chacun et chacune.
Et en voulant méditer sur ce mystère de la vocation de Sœur Marie-Eugénie, il me paraît beau de pouvoir souligner quelques points, dans les lectures que nous venons d’entendre, qui concourent à cette réflexion, à cette méditation sur la vocation, qui concourent à tirer leçon de la vie de sainte Marie-Eugénie.
D’abord, au Livre d’Isaïe, ce qui m’a frappé tout particulièrement ce soir en méditant ce texte avant de venir, c’est la conjugaison des verbes au futur. « On te nommera. Tu seras une couronne brillante. On ne te dira plus délaissée. Toi tu seras appelée ma préférence. Cette terre se nommera l’épousée. » Tout un projet de vie qui est confié par le Seigneur lui-même. C’est lui qui fait cette promesse et sainte Marie-Eugénie a bien compris que cette promesse lui était adressée à elle mais que, cette promesse lui étant adressée à elle, elle était ainsi adressée à tout le peuple de Dieu. Parce qu’il ne s’agit pas simplement de la relation de notre Dieu et Père avec une personne mais, à travers elle, avec tout un peuple. C’est une ouverture formidable. Aujourd’hui, le Seigneur te dit : « Tu seras mon épousée », et il le dit à une personne, celle que nous honorons, et il le dit à toutes les personnes que la vocation de celle-ci rejoindra. Elle sera à l’origine d’une alliance nouvelle ; elle sera à l’origine d’un développement de l’Alliance éternelle que Dieu fait avec l’humanité en Jésus-Christ. Ce futur, qui est bien présent dans ce texte, est une indication forte. Dieu est toujours le Dieu d’une promesse qu’il tient et qu’il tiendra. Il a ce désir de faire alliance et il le fait réellement.
Cela continue dans la Lettre aux Corinthiens : « Celui qui plante ne compte pas, ni celui qui arrose ». Bien sûr, à ce moment-là, cela signifie qu’il est vrai, bon et nécessaire que les disciples du Seigneur travaillent mais que ce travail n’existerait pas, n’aurait aucune efficacité, s’il n’y avait pas celui qui donne la croissance. Et, là encore, la croissance indique ce qui arrivera, la croissance indique la promesse : La promesse des fruits, la promesse de ce qui arrivera quand on accueillera la Parole du Seigneur, quand on se mettra à son école, quand on laissera se développer ce qu’il a désiré et promis.
On pourrait évidemment continuer longtemps sur ce thème de la promesse, sur le thème de la promesse des fruits, et l’évangile n’y manquera pas ensuite, mais je souligne autre chose encore dans ces textes. C’est la diversité des noms par lesquels les disciples du Seigneur sont nommés.
Dans la Lettre aux Corinthiens, il est dit que nous sommes les « collaborateurs » du Seigneur, les « collaborateurs de Dieu ». Que nous sommes aussi la « maison » que Dieu construit. Ces mots-là ne sont pas sans importance quand on les rapporte à une fondatrice. D’être à ce point collaborateur, collaboratrice de Dieu, d’être à ce point la maison dans laquelle s’abriteront des générations - et c’est ce qui arrive à travers la mission qui était celle de sainte Marie-Eugénie - ce n’est pas rien. Être collaborateur, maison, et évidemment ces fondations que l’on pose pour que d’autres poursuivent la construction, tout cela forme une magnifique image qui traduit tout le travail qui a été fait par sainte Marie-Eugénie mais aussi par vous qui continuez d’associer du monde et d’accueillir dans votre maison, bien fondée sur la seule fondation qui vaille et qui est Jésus le Christ.
Mais dans l’évangile d’aujourd’hui, il y a donc aussi d’autres noms pour désigner les disciples du Seigneur : il y a le nom de « serviteur ». Bien sûr nous sommes, comme le dit l’évangéliste Luc, de « simples serviteurs ». Nous avons été appelés à servir une mission et à servir le Fils de Dieu dans l’Évangile. C’est bien sûr ce que nous essayons de vivre jour après jour, mais voilà que ces serviteurs sont désormais appelés « amis ». Et ils deviennent porteurs d’espérance puisque revient l’image de la croissance, puisque revient l’image des fruits, le fruit qui demeure, le fruit qui se multiplie ». La promesse de Dieu s’accomplit à travers celle qu’il a choisie et le mot « celle » doit s’entendre au singulier mais c’est aussi au pluriel. La promesse de Dieu s’accomplit et porte du fruit : c’est lui qui fait porter du fruit et c’est lui qui permet de comprendre combien cette vie a été utile, bonne, féconde.
Alors je ne peux pas conclure sans évoquer tout cela et en rendre grâce à Dieu. Parce que vous avez perçu en vous ce que le Seigneur a fait. Et, dans l’Église, il a voulu manifester que le choix qu’il avait fait était un bon choix, et que ce qui se passe à travers votre congrégation répandue dans le monde, c’est la promesse de Dieu qui continue de se réaliser à travers les œuvres qui sont les vôtres aujourd’hui.
Que le Seigneur continue de les bénir, de leur donner du fruit, un fruit qui se voit, un fruit d’espérance dans cette année qui est année jubilaire, année de joie, pour les 2025 ans depuis l’incarnation du Fils de Dieu. Le Pape nous invite à être des pèlerins d’espérance : c’est une dénomination qui s’ajoute encore aux précédentes. Être porteurs d’espérance, c’est une chose ; être pèlerins d’espérance, c’est être en plus marcheurs à la rencontre du monde si divers, si multiple et varié et tellement dispersé qu’on n’a jamais fini de le servir et de faire en sorte qu’il soit amené jusqu’auprès du Seigneur et à la porte de son royaume.
Que le Seigneur soit béni.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris